L’ inégalité scolaire ultime vestige de la Belgique unitaire ?

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Lors de la conférence de presse présentant le lancement de sa campagne « Ambition et équité pour l’éducation », le 3 mars 2020, l’Aped a présenté une nouvelle analyse statistique des causes de l’inégalité scolaire dans l’enseignement flamand et francophone belge. Vous pouvez en lire ici les conclusions ou télécharger l’étude complète.

 

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Conclusions de l’étude :

  1. Les caractéristiques structurelles des systèmes d’enseignement (quasi-marché et filiarisation) constituent les facteurs les plus déterminants dans l’iniquité de ces systèmes. Ils expliquent plus de la moitié des différences intra-européennes en la matière et sont cruciales pour comprendre la singularité belge.
  2. La régulation du marché semble bien être une condition sine qua non pour la réussite d’un tronc commun de longue durée. Aucun système éducatif n’est parvenu à combiner libre marché scolaire et filiarisation tardive
  3. De faibles taux de redoublement ne garantissent pas une faible inégalité des résultats, particulièrement dans les pays ayant un intense marché scolaire.
  4. A l’échelle internationale, le niveau de financement de l’enseignement est clairement un facteur déterminant de son équité sociale. Sur ce plan, la situation des communautés belges — et particulièrement de la Flandre — n’est pas trop mauvaise. Le financement ne constitue donc pas l’explication première de nos inégalités scolaires, mais s’agissant de l’enseignement fondamental il fait néanmoins partie de la solution.
  5. Les causes externes, en particulier l’immigration, sont en revanche totalement négligeables pour l’explication de cette situation peu enviable.

Cette étude s’adresse à tous ceux qui, en Belgique, se veulent démocrates. Ils ne peuvent en effet que se révolter en constatant que l’enseignement de leur pays est l’un des plus inégalitaires au monde, surtout lorsqu’on le compare à des pays ayant un niveau de richesse similaire au nôtre. Or l’équité sociale dans l’enseignement est une condition, non seulement pour réduire l’inégalité des chances professionnelles — même si celle-ci restera déterminée avant tout par le patrimoine et les réseaux de contacts des parents —, mais surtout pour assurer l’égalité des citoyens dans leur capacité de comprendre le monde et d’y agir.

Notre étude devrait aussi conduire ces démocrates à avoir le courage d’affronter les véritables causes de notre situation désastreuse. Et d’ouvrir les yeux sur les moyens d’y remédier.

Clairement, miser sur davantage de libre choix des parents, davantage de liberté aux écoles pour se positionner sur le marché, miser sur une sélection plus précoce, une différenciation des filières plus marquée… c’est aller vers encore plus d’inégalité. Il n’y a aucun doute scientifique à ce sujet. Notre étude ne fait là que confirmer ce que de nombreuses autres recherches ont déjà établi depuis longtemps.

Si la conclusion précédente s’adresse principalement au gouvernement flamand, il en est une autre qui vise prioritairement le gouvernement francophone. Aucun système d’enseignement n’a su organiser un tronc commun de longue durée et limiter les inégalités sociales de performances scolaires, sans réguler aussi le marché scolaire et sans organiser le tronc commun de manière structurelle, c’est-à-dire en le scindant du secondaire supérieur. Autrement dit, le Pacte d’Excellence, qui prétend réaliser le « tronc commun » en se contentant d’introduire un programme de cours identique pour tous les élèves, quel que soit le type d’école qu’ils fréquentent et sans réguler le libre choix, nous semble courir un risque démesuré. Rien, dans les comparaisons internationales, ne peut assurer la moindre chance de succès à ce projet. Or un échec serait doublement catastrophique : il conduirait à augmenter encore les inégalités entre écoles et il reporterait aux calendes grecques la faisabilité politique d’une nouvelle réforme de grande ampleur. Il pourrait même conduire à ce qu’annoncent les détracteurs de toute démocratisation scolaire : un nivellement par le bas. 

Nos recommandations prioritaires aux responsables de l’enseignement sont dès lors :

  1. Dès l’enseignement fondamental, réguler l’affectation des élèves aux établissements en commençant par proposer, sans obligation, une école aux parents. Utiliser ce levier pour optimiser la mixité sociale dans tous les établissements. Cela initiera un cercle vertueux où la diminution de la ségrégation diminuera l’attrait du marché et vice-versa. Ceci est la priorité absolue.
  2. Entamer un processus de réorganisation progressif de l’enseignement secondaire, afin de séparer géographiquement le secondaire inférieur du secondaire supérieur.
  3. Augmenter le financement de l’enseignement fondamental, notamment pour réduire la taille des classes en début de scolarité à une quinzaine d’enfants.
  4. Sur cette base, introduire progressivement des programmes d’enseignement communs jusqu’à l’âge de 16 ans. 

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