Tout pour Kévin(e) et les autres…

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Une carte blanche de Pierre Hardy et Guy Bajoit, en référence au spectacle « Kévin » d’Arnaud Hoedt et de Jérôme Piron, et relative à notre proposition en faveur de la mixité sociale à l’école.

Année après année, Pisa après Pisa, rapport de l’Aped (Appel pour une école démocratique) à l’appui pour ensuite lire les analyses de CGé (Changement pour l’égalité) dans le journal « LE SOIR » : nous prenons acte à nouveau des inégalités générées par notre système scolaire et notre impossibilité à nous résigner  devant ce constat.

On l’oublie, la mixité sociale tirerait par le haut et permettrait à tous les petits « Kévin (e)» de vivre mieux l’école , d’y réussir et de fréquenter « Charles Edouard (e)»… (oh la la les stéréotypes…). Et pourtant, rapports après rapports, recherches après recherches…  « Kévin (e)» en resterait là… La relégation scolaire resterait son toboggan vers la relégation sociale, économique, culturelle et l’ascenseur social resterait en panne.

La non-mixité sociale règne en maître et érode bien des illusions de progrès que crée encore aujourd’hui le pacte d’excellence. La mixité sociale donnera de l’air à la dynamique impulsée du pacte d’excellence. Le brassage social nous préparera au « mieux vivre ensemble ». Les enseignants subissent aussi de plein fouet ce clivage social, cela rend plus que jamais complexe et épuisant leur mission d’éducation et de formation. Le bien-être des enseignants passe aussi par cet impératif de mixité sociale. De fait, se retrouver avec 17 élèves sur 22, dans sa classe, avec des difficultés diverses, des retards pédagogiques lourds brise souvent et surement la capacité des enseignants à transformer des destins individuels et collectifs.

La clé du changement est aussi dans les mains des enseignants avec des pratiques collectives et collaboratives, un engagement, un regard optimiste sur les élèves, de la remédiation immédiate, un management efficace, des pédagogies adaptées, un bon climat scolaire et… L’ensemble des acteurs et des recherches s’accordent sur un point : le marché scolaire induit les inégalités et le « marketing » des écoles conduit immanquablement à la dualisation sociale et à l’inégalité de résultat. Le système éducatif français fait face au même défi ; la carte scolaire étant issue des inégalités inscrites dans les territoires.

L’école construit notre bien commun, elle assure cohésion sociale, citoyenneté et gestion du complexe. Profitons, naïvement peut-être, de cette excellente pièce « Kévin » écrite par deux enseignants et dépassons le stéréotype du titre que la pièce cherche à déconstruire et engrangeons le rapport de l’APED et l’ensemble des chiffres analytiques de la CFWB pour provoquer et mettre à l’agenda du prochain gouvernement de la CFWB l’obligation de mixité sociale dans nos écoles.

Comment se fait-il qu’une question aussi centrale n’alimente pas plus les débats consacrés à notre système éducatif ? Si nous voulons amplifier les objectifs ambitieux du pacte d’excellence, nous devons y intégrer comme composante majeure de la mixité sociale et du brassage social dans tous les établissements scolaires et à tous les étages.

Mettons les partenaires devant cet impératif ; ouvrons une table ronde, une task force composée des réseaux, syndicats, association de parents… afin d’aboutir à des propositions concrètes et accompagner les bonnes idées du pacte d’une grosse dose de mixité sociale. Cet impératif ne pourrait être politiquement négociable, les acteurs doivent être responsabilisés au service du bien commun et le politique reprendre la main. « L’école ou la guerre civile » nous rappelle avec urgence Philippe Meirieu, soutenons les propositions de L’APED et de CGé.

Notre démocratie ne peut plus porter un tel fardeau qui plombe notre devenir collectif et désenchante le métier d’enseignant. Nous avons besoin d’une vision, d’un projet, d’espérance et de passer du repli au défi. Les défis du bien commun, de l’intégration de la complexité, des impératifs du développement durable et de cette transformation du monde sous nos yeux nécessitent la mobilisation de toutes et tous et de tous nos « Kévin (e) ».

A titre personnel

Pierre Hardy

Formateur, formateur CEFA, co-auteur du livre « Eduquer face à la violence » avec A.Franssen EVO, ancien parlementaire et ancien président de la commission éducation du MOC.

Membre effectif du groupe 5 du Pacte d’excellence « Démocratie scolaire, citoyenneté, climat scolaire »

Guy Bajoit

Professeur émérite de sociologie Université Catholique de Louvain.

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