Les négationnistes de l’inégalité

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Ces dernières années, de nombreuses études ont mis en évidence l’augmentation des inégalités sociales dans l’enseignement belge. La dernière en date est celle que l’Aped a rendue publique en janvier de cette année. Dans leurs conclusions, ces études plaident souvent en faveur de politiques régulatrices capables de contrer les mécanismes de ségrégation sociale dans l’enseignement. Il fallait donc s’attendre à ce que la réaction donne de la voix. Particulièrement en Flandre, dont la plus mauvaise place ouest-européenne en matière d’équité éducative dérange les défenseurs acharnés du libre marché scolaire et de la sélection précoce, eux qui croyaient pouvoir se reposer tranquillement sur les lauriers des bons scores moyens affichés par les écoles flamandes aux tests PISA.

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Les négationnistes de l’inégalité. Offensive idéologique en Flandre contre l’équité dans l’enseignement

Peu après l’annonce de notre étude dans la presse et sa diffusion via notre site, le professeur Wim Van den Broeck, psychologue à la VUB publia à son tour un « papier » ainsi qu’une tribune dans le journal De Morgen. Auparavant, un autre psychologue, le professeur Wouter Duyck de l’UGent, s’était également profilé, dans divers articles et tribunes comme défenseur de l’école inégale. Tous deux s’efforcent de convaincre l’opinion publique flamande que, non seulement les inégalités sociales à l’école sont tout à fait inévitables et donc acceptables mais que, de surcroît, l’enseignement flamand serait …le plus équitable au monde. Leurs articles dans De Morgen et De Tijd ainsi que les comptes rendus de leurs conférences ont été cités sur une multitude de blogs et de forums, particulièrement dans les milieux proches de la NVA et de l’extrême droite. Les positions des deux professeurs sont relativement proches, mais nous prendrons ici comme ligne directrice le texte de Wim Van den Broeck. Sa « démonstration » tient en trois grands points qui structureront également le présent article.

1. Van den Broeck affirme que les inégalités sociales à l’école sont inévitables parce qu’elles reflètent, au moins pour une part importante, des inégalités d’intelligence. Si les riches sont riches c’est surtout parce qu’ils sont plus malins. Et c’est aussi pour cela qu’ils réussissent mieux dans les tests PISA et dans la compétition scolaire… Vous imaginiez que ce genre de discours appartenait définitivement aux poubelles de la pensée ? Eh bien détrompez-vous. Van den Broeck se fait le relais d’un courant international puissant, venu des Etats-Unis, et qui prétend s’appuyer sur de solides arguments scientifiques. Nous commencerons donc par analyser et contester ces arguments.

2. Deuxièmement, Van den Broeck prétend que les indicateurs d’inégalité sociale utilisés par l’Aped et d’autres pour critiquer l’enseignement belge ne sont pas pertinents : ils ne mesurent que les écarts entre élèves, sans tenir compte de leur niveau moyen. Van den Broeck propose de les remplacer par d’autres mesures, comme le score des 5% d’élèves les plus faibles et la « résilience », deux indicateurs pour lesquels la Flandre obtient — faut-il le préciser ? — d’excellents résultats. Nous étudierons ces deux indicateurs et montrerons pourquoi ils sont totalement inopérants si l’on veut évaluer l’équité des systèmes d’enseignement. Nous montrerons aussi pourquoi les critiques contre nos propres indicateurs d’équité sont irrecevables.

3. Troisièmement, Van den Broeck s’attaque à ce qu’il estime être le cheval de bataille des défenseurs de l’école démocratique : la prolongation du tronc commun. Il affirme démontrer (contre l’avis de la très grande majorités des experts au monde) que les systèmes d’enseignement qui sélectionnent plus tôt peuvent parfois être plus équitables et plus performants, du moins sous certaines conditions particulières qui se trouvent — faut-il là encore le préciser ? — être justement celles de la Flandre. Nous montrerons que cette démonstration est scientifiquement irrecevable. En conclusion, nous rappellerons aussi que le « tracking » précoce n’est qu’une forme de ségrégation parmi d’autres et que, pour nous, la prolongation du tronc commun n’est donc que l’une des mesures à prendre pour démocratiser l’école, qu’elle est donc indissociable d’une politique plus globale.

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Les négationnistes de l’inégalité. Offensive idéologique en Flandre contre l’équité dans l’enseignement

Nico Hirtt est physicien de formation et a fait carrière comme professeur de mathématique et de physique. En 1995, il fut l'un des fondateurs de l'Aped, il a aussi été rédacteur en chef de la revue trimestrielle L'école démocratique. Il est actuellement chargé d'étude pour l'Aped. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'école.