6. Une école ouverte

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Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour l’école de s’ouvrir vers d’autres lieux ?
Les écoles ouvertes le soir et le week-end ? N’êtes-vous pas en contradiction avec votre souhait de laisser à l’enfant du « temps pour soi » ?
Dans votre projet, l’école va-t-elle prendre la place des parents ? Quel temps leur restera-t-il pour s’occuper de leurs enfants ?
Ne risque-t-on pas de voir des parents faire pression sur l’école et définir ses contenus (comme aux Etats-Unis, où le créationnisme revient en force dans l’enseignement au détriment de Darwin) ?
Les parents bourgeois prendront le pouvoir dans l’école !
N’êtes-vous pas en train de réintroduire l’autonomie des écoles que vous avez toujours combattue ?
Le projet est beau, mais si le reste de la société demeure elle-même dans une logique néolibérale, l’Ecole ne peut évoluer artificiellement en dehors d’elle. L’école démocratique ne suppose-t-elle pas alors un changement général du système, sinon préalable, au moins concomitant ?

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Ce que dit le texte du programme de l’Aped :

Une école ouverte

Si nous voulons réconcilier les enfants des milieux populaires avec l’école, celle-ci doit devenir leur principal lieu de vie, où l’on prépare et partage des repas, des jeux, des soirées cinéma ou d’autres activités culturelles, sportives ou techniques. Certaines de ces activités doivent pouvoir se dérouler le soir, le week-end et pendant les congés. C’est là que s’exerce la citoyenneté : l’instruction et l’éducation sont intimement liées à la vie sociale et à la pratique productive. On y développe les valeurs de coopération, de solidarité, de créativité, l’amour des sciences, des techniques, des arts, de l’activité physique, de la nature, etc. L’école commune s’ouvre sur les autres lieux d’éducation : les associations citoyennes et culturelles, les mouvements de jeunesse, les clubs de sport, les festivités locales … L’école peut s’ouvrir aussi à la participation des parents dans des projets. En effet, libérée de la logique concurrentielle liée au quasi-marché scolaire actuel, la relation parents-école n’est plus commerciale, mais citoyenne, bâtie sur une base démocratique autrement intéressante. Il va de soi que, si l’on ne veut pas qu’elle se réalise au détriment des apprentissages, l’école ouverte signifie passer plus de temps dans une école à taille plus humaine, bénéficiant d’un encadrement supplémentaire.

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Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour l’école de s’ouvrir vers d’autres lieux ?

C’est de réenchâsser l’Ecole dans les multiples dimensions sociales et activités associatives, de manière à « politiser » – dans le sens le plus noble du terme – les jeunes, à savoir les mettre en prise avec la réalité du système-monde, leur apprendre à jeter un regard critique sur lui et à agir collectivement pour le rendre plus juste. Visiter les théâtres, les lieux de concerts, les expositions, les musées. Participer à l’organisation d’une fête de quartier, rendre visite à une usine en grève, écrire au bourgmestre parce que le passage pour piétons est mal signalé, prendre l’initiative d’une réunion des habitants du quartier pour discuter le problème des déchets, initier un projet d’aménagement d’une piste cyclable et en dresser les plans, organiser une soirée d’animation dans un home, une action de soutien pour les habitants d’un centre de réfugiés, etc… Ça se fait déjà, mais on peut le renforcer, le systématiser.

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Les écoles ouvertes le soir et le week-end ? N’êtes-vous pas en contradiction avec votre souhait de laisser à l’enfant du « temps pour soi » ?

La présence des élèves à l’école certains soirs et certains WE ne doit pas être confondue avec le fait de suivre des cours. On parle de théâtre, de cinéma, de visites extérieures, etc. On peut aussi envisager la présence en bibliothèque ou en médiathèque. Dans notre esprit, cette présence à l’école n’entraîne pas le suivi d’un programme préétabli. Le jeune doit pouvoir, en fonction de son âge et de ses goûts, choisir parmi plusieurs activités collectives proposées.
Dans les familles modestes, les possibilités concrètes qui sont offertes sont parfois très limitées pour des raisons financières ou de pauvreté culturelle. Un enfant en milieu scolaire, bénéficiant d’un encadrement adéquat, pourrait donc profiter de davantage de « temps pour lui » qu’à la maison.

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Dans votre projet, l’école va-t-elle prendre la place des parents ? Quel temps leur restera-t-il pour s’occuper de leurs enfants ?

Notre objectif n’est évidemment pas d’exclure les parents. Mais il faut admettre que tous ne sont pas égaux face à l’éducation de leurs enfants (pour des raisons socio-économiques, culturelles, médicales). C’est pourquoi nous pensons que l’école doit devenir le principal lieu d’activité des enfants. Nous croyons par ailleurs qu’un système d’enseignement plus juste, où l’échec reculerait sensiblement, déboucherait sur des relations familiales plus sereines.
Autre conviction : l’ouverture de l’école sur son environnement doit jouer dans les deux sens. Certes, l’école doit sortir de ses murs. Mais aussi, tous ceux qui jouent un rôle éducatif peuvent entrer à l’école (parents, clubs sportifs, associations socio-culturelles, syndicats, etc.). Les parents qui ont du temps pour s’occuper de leurs enfants, nous les invitons à venir mettre ce temps à la disposition de tous les enfants.

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Ne risque-t-on pas de voir des parents faire pression sur l’école et définir ses contenus (comme aux Etats-Unis, où le créationnisme revient en force dans l’enseignement au détriment de Darwin) ?

En aucun cas : les contenus obligatoires sont définis par l’autorité publique.

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Les parents bourgeois prendront le pouvoir dans l’école !

Ce risque existe, inutile de le nier. Mais il nous paraît moindre que dans la situation actuelle, où les familles des classes aisées tirent un profit maximal de la liberté d’inscription, pour se concentrer dans les établissements de leur choix, et de leur influence, pour contrôler les contenus qu’on y enseigne. Par ailleurs, pourquoi ne pas envisager que les mouvements ouvriers aient une influence sur l’école, eux aussi ?
Maintenant, les parents sont des clients. Dans notre projet, ils deviennent des acteurs éducatifs parmi d’autres (associations, syndicats, comités de quartier, mouvements d’éducation permanente) qui ont tous leur place à l’école, avec des responsabilités distinctes.

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N’êtes-vous pas en train de réintroduire l’autonomie des écoles que vous avez toujours combattue ?

Ce que nous avons toujours combattu, ce n’est pas l’autonomie en tant que telle, mais l’autonomie comme moyen de déréglementer l’enseignement, de le mettre en concurrence, d’y faire jouer les lois du marché pour en faire le jouet de diktats économiques. Dans un système éducatif où les écoles sont en concurrence et où règne un libéralisme scolaire total (liberté de choisir son école, liberté de créer son école), l’autonomie croissante accordée aux établissements de l’enseignement public ou semi-public (libre subventionné) servait à soumettre ceux-ci à la concurrence et à leur permettre de répondre aux demandes des milieux économiques, des marchés du travail. Cette autonomie-là est détestable car, en alimentant le marché scolaire, elle contribue à creuser la fracture sociale entre les établissements; et, en favorisant l’adéquation école-économie, elle conduit à vider l’éducation de ce qui devrait être son essence: forger des citoyens critiques avant d’en faire des travailleurs employables. Au contraire, si nous éliminons toute forme de compétition entre les écoles, alors l’autonomie, l’ouverture de l’école aux parents, l’ouverture sur l’environnement et la liberté pédagogique ne seront plus des vecteurs de dualisation sociale et d’instrumentalisation économique, mais des facteurs d’innovation et de recherche, d’enthousiasme pédagogique et de lien social authentique.

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Le projet est beau, mais si le reste de la société demeure elle-même dans une logique néolibérale, l’Ecole ne peut évoluer artificiellement en dehors d’elle. L’école démocratique ne suppose-t-elle pas alors un changement général du système, sinon préalable, au moins concomitant ?

En tant qu’institution, l’Ecole n’aura pas d’autre choix que de s’inscrire dans un processus dialectique de changements politiques et sociétaux qui arriveront en dehors d’elle (par les grèves, les réformes réellement sociales, la crise énergétique et écologique, etc.). Représentant une force de socialisation non négligeable, elle peut jouer un rôle de résistance à l’anomie et d’éveil des consciences.