Un niveau insatisfaisant… à cause de la taille des classes et des conditions de travail ?

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Près de 80% des enseignants considèrent quun nombre trop élevé denfants dans les classes est une cause régulière (« parfois » ou « souvent ») des difficultés scolaires. Plus dun sur deux pense même que cest « souvent » la cause.

Cet article fait partie d’un dossier paru dans l’Ecole démocratique (n°96, décembre 2023, pp. 3-13) synthétisant les résultats de notre grande enquête sur le ressenti des enseignants quant au niveau des élèves.

Ce dernier avis est particulièrement marqué en Communauté française (61%), un peu moins en Flandre (43%). Peut-être cela s’explique-t-il par le fait que le nombre d’élèves par classe est effectivement sensiblement plus élevé en FWB qu’en Flandre. Ce sont les instituteurs maternels (68%) et primaires (63%) qui sont les plus nombreux à indiquer que la taille des classes est « souvent » la cause des difficultés de leurs élèves.

Comme le note cet(te) instituteur(trice) : « Le plus gros problème pour aider les enfants en difficulté se situe au niveau de la taille des classes. Cela fait plus de 10 ans que j’ai environ 25 élèves de troisième et quatrième années (classe en cycle). L’année prochaine, j’en aurai 30. Difficile de faire constamment de la différenciation dans ces conditions. J’ai également mes limites malheureusement… ».

Dans le même ordre d’idées, 81% des répondants francophones et de 77% des Flamands estiment manquer « parfois » ou « souvent » de temps pour remédier aux lacunes des élèves en difficulté. Là encore, c’est en maternelle et en primaire que l’on observe les pourcentages les plus importants (86%).

On ne s’étonnera donc pas, en arrivant au chapitre « Que faire ? », de constater que ce qui, aux yeux des enseignants, aurait l’effet le plus positif sur le niveau de l’enseignement serait une réduction de la taille des classes. Seuls 8% estiment que de plus petites classes n’y changerait pas grand chose. Presque tous les autres pensent que cela améliorerait le niveau général. Cet avis est partagé dans tous les types d’enseignement, toutes les communautés, tous les milieux sociaux. On notera toutefois que les femmes y sont un tout petit peu plus attachées que les hommes. Il est vrai que la sur-représentation des femmes dans le corps enseignant concerne au premier chef l’enseignement fondamental, où l’impact du nombre d’élèves est sans doute le plus fortement ressenti.

Le point de vue des enseignants rejoint ici les conclusions scientifiques qui ont pu être produites à partir de la célèbre étude américaine STAR. Celle-ci a démontré que les enfants qui ont commencé leur scolarité dans de petites classes d’une quinzaine d’élèves — toutes choses égales par ailleurs — présentaient de très nets, importants et durables avantages scolaires par rapport à ceux qui avaient fréquenté des classes de taille ordinaire (22 à 25 élèves). Ainsi, relevait-on, en huitième année scolaire, une moyenne en math de 73,5/100 pour les premiers, contre 62,5 pour les autres. Pareillement, on observait cinq fois moins de décrochage en secondaire pour les élèves initialement scolarisés en petites classes que pour ceux ayant commencé leur scolarité en classes ordinaires.

La perception d’un manque de moyens ne concerne cependant pas que les taux d’encadrement. Plusieurs répondants relèvent également de médiocres conditions de vie et de travail dans leur école :  « Donner des moyens aux écoles et aux enseignants ferait augmenter le niveau : plus de subsides, des classes agréables (avec des fenêtres qui ouvrent et qui ferment), des cours de récréation avec des arbres et de plantes, des espaces proposés aux élèves pour les temps de pause, davantage de personnels type psychologue, infirmière à plein temps, assistant social, éducateur… du matériel alloué à toutes les écoles par l’État : manuels, cahiers, papier, bics, stylos, jeux de sociétés éducatifs, livres en série… »

« Mission impossible »: quelques citations…

« Le système éducatif est déficient. Les classes sont trop nombreuses pour que le professeur puisse aider les élèves au cas par cas, d’autant plus que des élèves du différencié rejoignent l’enseignement ordinaire sans que plus de moyens ne soient alloués aux écoles. »

« Nous voilà à gérer des élèves malentendants, dyslexiques, dyspraxiques, autistes… sans aide extérieure. Les élèves issus de classes sociales plus défavorisées sont rassemblés dans des écoles-ghettos. Ils sont en souffrance, pour des raisons personnelles qui demanderaient une véritable aide sociale, psychologique et juridique. »

« Le système scolaire renforce les élèves en difficulté dans cette souffrance car ils se savent marginalisés et délaissés dans des écoles de « seconde zone ». En découlent de nombreux soucis disciplinaires face auxquels les professeurs sont seuls et démunis. La gestion de classe est difficile, voire impossible. Le cercle vicieux se referme : abandon de poste, départ des professeurs vers une meilleure école qui permettra à ceux-ci de souffler un peu, de moins souffrir de conditions de travail déplorable. Cela engendre un turn-over qui ne permet qu’une véritable équipe pédagogique puisse monter des projets sur le long terme. Il n’y a pas toujours de remplaçant : les élèves restent parfois des semaines entières sans avoir cours de telle ou telle matière. Leurs lacunes s’intensifient ainsi que le sentiment de déclassement. Quand un nouveau collègue arrive, le travail auquel il doit faire face est herculéen. »

Nico Hirtt est physicien de formation et a fait carrière comme professeur de mathématique et de physique. En 1995, il fut l'un des fondateurs de l'Aped, il a aussi été rédacteur en chef de la revue trimestrielle L'école démocratique. Il est actuellement chargé d'étude pour l'Aped. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'école.

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