Equité et inégalité dans les systèmes éducatifs européens

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Jean-Pierre Kerckhofs, président de l’Aped, et Marc Demeuse, professeur à l’Université Mons-Hainaut, centrent leurs analyses sur les résultats de l’enseignement en Communauté française de Belgique et ses performances, notamment en matière d’équité. L’enseignement y est-il d’un niveau comparable à celui de ses partenaires européens? Fait-il mieux ou moins bien que dans les pays d’un niveau économique comparable? Est-il socialement juste, et ses structures favorisent-elles la réussite et l’émancipation sociale?

Dans un premier temps, en se basant sur les résultats obtenus aux tests PISA, organisés par l’OCDE (et spécialement sur les résultats en mathématique), J.P. Kerckhofs insiste non seulement sur les piètres performances de la CF en termes d’acquis, mais surtout démontre-t-il le côté inique d’un système éducatif où les écarts entre les élèves issus des milieux défavorisés et les autres sont énormes et pérennes. Ensuite, par une analyse plus poussée des statistiques, il en souligne les causes principales.

Primo. Un enseignement en situation de quasi marché, avec toute liberté d’ouvrir une école, un choix presque total laissé aux parents quant à l’établissement que leur enfant fréquentera, et des subsides liés directement au nombre d’élèves inscrits. Les écoles sont donc en concurrence.
L’analyse approfondie des données PISA met en évidence l’influence importante de cette liberté de choix sur le degré d’inégalité sociale d’un système éducatif.

Secundo. L’effet des filières. Plus le tronc commun est long, plus on lutte avec efficacité contre l’inégalité sociale. Plus le tronc commun est court, plus la ségrégation est grande. En Belgique francophone, les trois filières existantes (générale, technique et professionnelle), dès l’âge de 14 ans (plus tôt pour le premier degré différencié), entraînent, de fait, un enseignement de relégation. Il serait nettement préférable d’organiser un tronc commun jusqu’à 16 ans, comme cela se fait dans une majorité de pays européens.

De son côté, d’entrée, Marc Demeuse souligne l’influence positive de la carte scolaire en France sur le niveau de ségrégation sociale. Le modèle français est beaucoup moins antisocial que le modèle belge; il existe chez nous un fort déterminisme lié à l’établissement scolaire fréquenté.
La Belgique francophone essaie bien de combattre l’inégalité sociale en adoucissant les méfaits de son ultralibéralisme scolaire par différents programmes adaptés (ZEP, école de la réussite, discrimination positive, contrat pour l’école…), mais les résultats suivent peu. Il est à noter que les évaluations externes peuvent permettre de prévoir des régulations, si toutefois on évite l’écueil de la hiérarchisation des établissements, qui conduirait à encore plus de mise en compétitition.

Efficacité et équité ne sont pas nécessairement incompatibles. La Finlande présente en effet un enseignement efficace et équitable. La Communauté flamande, un enseignement efficace mais inéquitable. L’Espagne est inefficace mais équitable… et la Communauté française, inefficace et inéquitable!

Les structures éducatives déterminent donc fortement la ségrégation sociale. Et c’est une bonne nouvelle, puisque cela veut dire qu’on peut changer les choses !

M. Demeuse termine son exposé par l’analyse d’un texte de la Commission européenne, « Education tout au long de la vie », en signalant que l’Europe a peu de compétence en la matière, mais que ses textes sont souvent fort marqués idéologiquement et sans base analytique sérieuse.

Enfin, les interventions de la salle portent notamment sur le financement de l’éducation en CF (troisième cause de sa catastrophe scolaire), l’accès aux études supérieures, et le regret de ne pas avoir pu discuter du programme en 10 points de l’Aped.

JND

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