Existe-t-il des signes prédictifs d’une future délinquance ?
Non ! ont répondu plus de 1600 signataires francophones et néerlandophones, psy, enseignants, intervenants sociaux,
médecins, intellectuels et artistes à l’appel « touche pas à ma conduite, écoute d’abord ce qu’elle tait » lancé par le
collectif forumpsy.be . Réunis en meeting le 14 juin prochain au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, ils feront entendre
leur opposition à toute notion qui conduit à des recommandations de dépistage précoce de la délinquance. Il est en
effet impossible de prévoir et dangereux de prédire un destin de délinquant pour un enfant qui présente des
comportements contraires aux normes sociales. Les troubles de la conduite ne relèvent pas du diagnostic médical mais
du profilage comportemental.
C’est le lancement d’une recherche sur ces troubles par le Comité Supérieur de la Santé qui a mis en alerte le secteur
psycho-médico-social belge. En France, une étude équivalente de l’INSERM a soulevé il y a deux ans un tolé sans
précédent qui a conduit à la suspension des actions de dépistage envisagées. En Communauté française la ministre
Catherine Fonck a été interpellée en séance du parlement par Yves Reinkin, député écolo, peu après le lancement de
notre appel. Le collectif sera reçu la veille du meeting par la ministre qui a la tutelle du CSS dans ses attributions, Mme
Laurette Onkelinx, pour lui faire part de ses inquiétudes.
« Ne dites pas ‘cet enfant est difficile’ mais ‘cet enfant est en difficulté’, la différence d’accent conditionne la différence
d’approche, sécuritaire ou sanitaire » souligne Dominique Holvoet, président de l’Association de la Cause freudienne,
une des 60 associations signataires. Avec le « trouble des conduites » le sanitaire est phagocyté dans le sécuritaire pour
une politique de santé où la sphère publique absorbe la sphère privée, soutient Jean-Claude Milner. Chacun mesurera
l’enjeu de ces questions lorsque les pratiques de soin, d’éducation ou d’accueil se mettront à être instrumentalisées à
des fins de sécurité et d’ordre public. « La détection des enfants agités dans les crèches, les écoles maternelles, les
consultations médico-sociales, au prétexte d’endiguer leur supposée délinquance future, pourrait transformer, aux
yeux des parents, ces établissements d’accueil, de soin ou d’éducation en instances de contrôle, mettant en péril leur
vocation sociale et le concept même de prévention » met en garde le collectif français « pas de zéro de conduite pour
l’enfant de trois ans ». « Quel est la dose de mensonge acceptable d’un enfant de cinq ans ? jusqu’où les vœux de mort
qu’un petit d’homme avoue candidement sont-ils dans la norme de la conduite ou dans son trouble ? » s’interroge Dan
Kaminski, criminologue. Les enseignants vont-ils devoir faire passer des questionnaires sanitaires ? Faut-il choisir entre
dépister ou éduquer, se demande Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-
Lyon 2 ?
Le collectif belge forumpsy.be invite à se mettre en alerte à l’égard des points de vue dangereux, totalitaires, qui
décivilisent l’humain en le réduisant à un être mécanique et mesurable, l’aliénant ainsi à un corps assermenté
d’évaluateurs qui débiteront des diagnostics garantis.
Meeting bilingue sur la mise en question du « trouble de la conduite » et les
dangers du dépistage précoce de la délinquance le 14 juin au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, de 10h à 18h
Interviendront notamment : Dr Francesca Biagi Chai, psychiatre et psychanalyste à Paris, auteur de « le cas Landru à la
lumière de la psychanalyse », Jean-Marie Byttebier, artiste peintre, directeur de l’académie des arts visuels de
Waasmunster, professeur en peinture artistique aux académies de Waasmunster et de Deinze ; Yves Cartuyvels, juriste
et criminologue, professeur aux FUSL; Gerda Dendooven, auteur néerlandophone et illustratrice de livres pour enfants,
Mattias Desmet, docteur en psychologie, chercheur au département de psychanalyse de l’université de Gand ; Noëlle
Desmet, enseignante chercheuse en Pédagogie Institutionnelle et savoir des milieux populaires ; Cis Dewaele
coordinateur de Vlastrov qui assure la coordination du travail de rue en Flandre, licencié en sciences pédagogiques ;
Philippe Fouchet, professeur de psychologie clinique et différentielle à l’ULB ; Thomas Gunzig , auteur, chroniqueur et
professeur de littérature ; Lieven Jonckheere psychanalyste, docteur en psychologie et professeur à l’université de
Gand, Dan Kaminski, Juriste et criminologue, professeur à l’école de criminologie de l’UCL; Jan Masschelein, professeur
en pédagogie philosophique à la K.U.Leuven ; Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’université
Lumière-Lyon2 ; Eric Messens, Psychologue, directeur de la Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale ;
Pascal Pernot, Docteur en psychologie et psychanalyste ; Isabelle Quintens, psychologue à Gand, responsable de la
région de Flandre orientale pour la prévention et l’assistance aux comités d’Aide à la jeunesse et aux services sociaux ;
Francis Turine, Président de l’Institut Wallon pour la santé mentale, administrateur de la Plate-Forme Namuroise de
Concertation en Santé mentale et directeur du Centre de Psychiatrie Infantile « les Goélands » à Spy ; Benoit Toussaint et
Antoine Janvier pour Pédagogie Nomade et leur projet d’école alternative ; Marc De Kesel, Docteur en philosophie,
attaché à l’Arteveldehogeschool de Gand et à l’université de Nijmegen (Pays-Bas) ; Dr Alexandre Stevens, psychiatre et
psychanalyste, coordinateur de la Section Clinique de Bruxelles et directeur thérapeutique du Courtil, Dr Emmanuel
Thill, pédopsychiatre et directeur du Centre de Santé Mentale du tournaisis ; Stijn Vanheule, chargé de cours au
département de psychanalyse de l’Université de Gand et psychanalyste, coordonne les divers projets de recherche en
matière des problèmes psychiatriques ; Michel Vandenbroeck, collaborateur scientifique à l’université de Gand et
président du Centre de services pour l’éducation et la crèche (VBJK), membre de l’European Early Childhood Education
Research Association et membre du conseil de rédaction de l’European Early Childhood Education Research Journal ;
Urbain Wanten, directeur (retraité) au Service de Protection Judiciaire de Liège, Alfredo Zenoni, docteur en
psychologie, psychanalyste à Bruxelles, enseignant à la « Section clinique » de Bruxelles.
CONTACT : meeting@forumpsy.be Dr A. Stevens : 02/735 27 21 & D. Holvoet : 069/84 74 78
Meeting bilingue sur la mise en question du « trouble de la conduite »
Comme psychologue ayant travaillé dans un service P.M.S. en Belgique, je puis confirmer que la fidélité d’une observation de comportement « particulier » chez l’enfant jeune ne dépasse pas une observation de surface.
Par ailleurs, la sensibilité de l’enfant peut le conduire à s’identifier par jeu
aux adultes dont il expérimente les réponses: c’est une façon de tester les limites que ses proches ou éducateurs mettent à ses expériences. Les adultes parents et éducateurs sont ainsi renvoyés à l’image >>d’ eux-mêmes se comportant >>. Il ne faudrait pas déplacer l’objet de nos interprétations en considérant que nous avons le savoir de signes d’une future délinquence ,à moins qu’il sagisse de nos projections sur l’enfant.
S. DERIVIERE