« Méthodes et pratiques pédagogiques »

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Pour l’APED, l’école doit donner à tous les jeunes les armes, primo, pour comprendre le monde. Pour nous, toute pratique pédagogique, toute méthode, quelle qu’elle soit, doit être appréciée à cette aune-là. Est-ce que, oui ou non, telle ou telle méthode permet d’atteindre cet objectif-là : armer les jeunes pour comprendre le monde et participer à sa transformation ? Tel fut le point de départ de cet atelier qui draina les foules au colloque du 3 mars…

Lire le compte rendu complet de la journée du 3 mars

Intervenants de l’APED : Anne-Sophie Lenoir et Vito Dell’Aquila (en remplacement de Philippe Schmetz). Personne-ressource : Rudy Wattiez (CGé). Notes d’Annick Laplanche

Présentation par les intervenants de l’Aped

Même si cet atelier est centré sur le pédagogique, nous pensons qu’il faut le mettre en perspective. On ne fait pas du pédagogique pour le pédagogique. On fait de la pédagogie pour atteindre des objectifs. Pour commencer, donc, nous allons rappeler la raison d’être de notre engagement dans l’enseignement, le postulat autour duquel notre programme a été construit.

Pour l’APED, l’école doit donner à tous les jeunes les armes, primo, pour comprendre le monde – un monde complexe et confronté à des enjeux vitaux, pensons aux questions sociales, environnementales, politiques, etc. -, et, secundo, pour participer à sa transformation (vers plus de justice sociale, vers plus de responsabilité envers l’environnement, etc.)

Ce leitmotiv, nous avons pour habitude de le marteler constamment depuis la création de notre association, en 1996. C’est cette volonté-là qui nous anime.

Pour nous, toute pratique pédagogique, toute méthode, quelle qu’elle soit, doit être appréciée à cette aune-là. Est-ce que, oui ou non, telle ou telle méthode permet d’atteindre cet objectif-là : armer les jeunes pour comprendre le monde et participer à sa transformation ?

L’enjeu essentiel de l’école est donc d’amener tous les jeunes à la capacité d’exercer une citoyenneté à part entière.

Très bien, me direz-vous, mais qu’est-ce que ça suppose, cet exercice de la citoyenneté ?

Nous voyons quatre ingrédients incontournables :

1. Des savoirs : par exemple, pour se situer dans les débats autour de l’immigration, pour choisir entre racisme et solidarité, il faut des connaissances historiques – l’histoire de l’immigration en Belgique aux 20e et 21e s. -, géographiques, socio-économiques -les mécanismes de la sécurité sociale-, génétiques et anthropologiques -une seule race, la race humaine-, statistiques -la population en Belgique – etc.

2. Des compétences : les classiques lire, écrire, calculer, du texte, des graphiques, des pourcentages, des documents audio-visuels, etc. …mais aussi communiquer, s’exprimer et s’organiser collectivement.

3. Un rapport au monde privilégiant la raison et la rigueur scientifique (ce qui n’a rien d’incompatible avec la créativité et la sensibilité artistiques, cependant).

4. Ici, je prends un peu de temps, parce que cette proposition nous tient particulièrement à cœur : il faut développer un esprit critique très affûté et une pensée capable de complexité. Pour répondre aux nombreux défis du monde où ils vivront, les jeunes auront bien besoin de ces deux qualités. Il leur faudra apprendre à gratter le vernis médiatique, à cerner les enjeux cachés derrière les discours convenus. Il leur faudra dépasser le stade des débats qui s’enlisent dans l’opposition stérile du pour et du contre. Il leur faudra apprendre à trouver des solutions créatives. Nous pensons que l’école doit promouvoir un mode de pensée dialectique. Pour mieux comprendre le monde … et pour le transformer. Et je ne parle pas ici d’abstractions. Nous avons souvent pu vérifier l’efficacité de cette pratique , même avec nos élèves du professionnel. Par exemple, en classe, nous posons le problème d’une contradiction apparente du monde, pour mettre nos étudiants au défi de l’intelligence. Un ou deux petits exemples : comment expliquer que les habitants d’un pays aussi riche que le Congo (mines, bois précieux, etc.) soient parmi les plus pauvres du monde ? Ou comment expliquer que le sport, sensé améliorer la santé, conduise certains à se ruiner la santé (dopage, surentraînement …) ?

Voilà quelques premiers éléments concrets, qui ouvrent déjà bien des perspectives pédagogiques.

Mais revenons-en au programme de l’APED.

Parmi les dix points qui le composent, celui qui nous intéresse, dans cet atelier, est le numéro 7, « Retrouver un équilibre dans les pratiques ».

Si vous avez entendu Nico Hirtt ce matin, si vous avez lu notre programme, vous aurez compris qu’il s’agit surtout d’un projet d’organisation du système scolaire belge pour lutter contre ses inégalités. Dans ce sens-là, il est très détaillé. Nous l’avons voulu ainsi parce que nous pensons que ce sont les conditions socio-économiques et les politiques qui sont les plus déterminantes dans la vie des gens … et dans leur scolarité.

Alors, c’est vrai, notre programme, en ce qui concerne les pratiques et les méthodes pédagogiques reste assez imprécis. Nous n’en sommes qu’au début d’une démarche. Il devrait d’ailleurs nous rester encore un peu de temps avant le « Grand Soir » pour affiner nos propositions.

Nous reconnaissons volontiers par ailleurs que le pédagogique n’est pas la spécialité historique de l’Aped. Mais … mais … ce n’est pas pour ça que nous n’avons rien à défendre en la matière. Les militants de l’Aped sont presque tous des enseignants de terrain, animés de convictions, et qui prennent volontiers du recul pour réfléchir sur leurs pratiques.

Alors, qu’entendons-nous par « retrouver l’équilibre dans les pratiques pédagogiques » ??? C’est bien entendu le terme « équilibre » qui mérite quelques précisions.

L’équilibre le plus important, à nos yeux, – et nous sommes certains qu’il fera plaisir à la plupart d’entre vous-, c’est l’équilibre entre, d’une part, une grande autonomie et une grande souplesse offertes aux équipes pédagogiques, et, d’autre part, une rigueur accrue, un contrôle accru des résultats atteints. En d’autres termes, les enseignants retrouvent une vraie liberté de choisir les méthodes les plus appropriées, une vraie maîtrise de leur métier. Mais les acquis sont régulièrement vérifiés par une évaluation centralisée.
Pour aider les enseignants, un cadre et des repères clairs sont inscrits dans des programmes lisibles.

Deuxième équilibre fondamental : il nous faut éviter deux pièges. D’un côté, le piège du dogmatisme pédagogique, suivant lequel telle ou telle méthode serait LA bonne (pensons aux pénibles débats entre chapelles dans l’apprentissage de la lecture, où s’entredéchirent les partisans de la méthode globale et les partisans de la méthode traditionnelle syllabique ( ?), qui ont tendance à oublier une autre dimension fondamentale, la relation de l’enfant au livre, au plaisir de la lecture).
De l’autre côté, il y a le piège du relativisme pédagogique, selon lequel toutes les méthodes se vaudraient, ce qui permettrait à des enseignants -ils existent- de s’entêter dans des voies pédagogiques catastrophiques pour leurs élèves (je pense notamment aux adeptes du drill systématique, dont les élèves ne développent quasiment aucune pensée autonome). Pour atteindre tel ou tel objectif, une méthode peut être plus appropriée qu’une autre.

Troisième équilibre, qui est en fait une illustration des deux précédents : nous sommes de fervents supporters des méthodes actives, où les jeunes construisent leurs savoirs et compétences avec l’aide des enseignants. Mais nous pensons aussi qu’un exposé ex cathedra donné par un enseignant compétent et passionné est une excellente formule.

Quatrième équilibre, un sujet particulièrement sensible depuis quelques années avec l’apparition de nouveaux programmes : l’équilibre entre savoirs et compétences. On est parti d’une école où des savoirs encyclopédiques très connotés permettaient surtout aux enfants de la bourgeoisie de se distinguer. Puis on a plongé dans une pédagogie des compétences où les savoirs, aux contours très flous, sont souvent ramenés au statut de prétextes. Nous avons dénoncé en quoi cette évolution répondait à une commande des milieux économiques. Nous pensons également, sur un plan pédagogique, qu’il est urgent de rétablir, là aussi, un équilibre.

Le dernier équilibre dont je vais vous parler avant de céder la parole à Anne-Sophie est celui que nous voulons entre des pratiques collectives (que l’on parle d’enseignants travaillant en équipe, ou d’enfants travaillant en groupes) et des moments de travail individuel. Il est aussi aliénant pour un être humain d’être tout le temps dans le collectif que d’être tout le temps livré à lui-même. Alterner temps collectifs et temps individuel nous paraît précieux.

Je laisse maintenant le soin à mon éminente consoeur de préciser encore quelques balises ou conditions pour atteindre les objectifs que nous venons de cerner.

QUELQUES BALISES

… ou des conditions dont on peut penser qu’elles permettraient de tendre vers plus d’équilibre…
pour que chaque enfant apprenne, se développe, comprenne le monde et participe à sa transformation avec les autres…

1/ Une mobilisation collective d’un groupe d’adultes se préoccupant ensemble de l’apprentissage d’un groupe d’enfants

? co-responsabilité dans la réussite de chacun/de tous
? cohérence des pratiques d’équipe
? répartition des rôles et des moments (qui enseigne ? réexplique ? évalue ? remédie ? soutient ? accueille ?…)

2/ Des conditions de travail décentes:
o nombre raisonnable d’enfants par groupe
o espaces de travail
o accès à des ressources internes et externes (matériel, livres, bibliothèque, documentation, animations,…), …
o temps
o …

3/ Des programmes clairs, lisibles, cohérents, qui présentent des façons de faire efficaces pour chacun et équitables pour tous
– valoriser la coopération plutôt que l’individualisation,
– encourager la modification de la composition des groupes en fonction des besoins (groupes homogènes/groupes hétérogènes),
– valoriser la diversité des approches pour entretenir la curiosité des enfants/maintenir leur implication dans la tâche, permettre aux enfants d’être acteurs de leurs apprentissages,
– favoriser le projet comme moyen de mobiliser des connaissances dans tous les domaines et de s’essayer à l’organisation collective

4/ Des programmes clairs, lisibles, cohérents, qui clarifient et explicitent le « comment faire ? » et qui donnent des repères clairs dans le temps, à l’aide de référentiels, d’outils déterminant « quoi doit être acquis – et réactivé – quand », d’outils d’évaluation…

5/ Une formation (initiale et continue) des enseignants en congruence avec ces principes.

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Intervention de Rudy Wattiez (CGé, ChanGements pour l’égalité)

Préambule

– La question que pose l’Aped au travers de cet atelier est ambitieuse. Peut-on changer l’école, peut-on lutter contre la (re)production des inégalités sociales à l’école par le biais de la pédagogie, par une réflexion sur l’axe apprendre/enseigner ?
L’Aped est beaucoup plus familière d’un travail sur les causes structurelles des inégalités scolaires et moins sur les causes culturelles. Cette distinction me paraît opératoire dans la complexité des inégalités scolaires. Structurels : tronc commun, quasi-marché ; culturel : conception concernant l’acte d’apprendre, forte croyance dans le redoublement, …. Question : est-il possible de garder une ligne purement pédagogique sans avoir la tentation de généraliser et dès lors transformer une initiative, innovation pédagogique en réforme (qui souvent échoue)?

– Posture : je ne suis pas un spécialiste es pédagogie, je n’ai pas de titre qui me permet de le faire, mon contenu est nourri de ma pratique enseignante (prof de langues germaniques), enrichis de nombreuses formations continuées, d’avoir donné des formations, d’avoir confronté mes pratiques dans des groupe de travail à CGé et enfin de terminer un Master en sciences de l’éducation (à vocation plus sociologique)

Trame :
1°) Questionnement sur l’acte d’apprendre en général et en situation scolaire
2°) Rapports aux savoirs (‘il n’y pas de savoir sans rapports au savoir’)
3°) Transpositions didactiques, méthodologiques : pas de dogmatisme et de relativisme pour autant
4°) Et si la pédagogie n’était qu’une histoire de valeurs, de là deux postulats, éthiques et idéologiques et les implications pour la pratique enseignante

1° Apprendre en situation scolaire

Question de départ : C’est quoi apprendre, comment on apprend et plus particulièrement dans un contexte scolaire ?

Intro : apprendre, c’est existentiel (cf. Charlot)
Le petit d’homme, obligé d’apprendre pour être : une perspective anthropologique
L’homme n’est pas, contrairement aux animaux ; il doit devenir ce qu’il doit être, il doit être éduqué et s’éduquer lui-même
Homme = imparfait (Fichte, Kant), prématuré mais il bénéficie de la richesse fabuleuse de son équipement social excentré (= tout ce qui a été construit avant par l’espèce humaine)
L’homme absent à lui-même, porte cette absence comme un désir, désir de soi, de cet être qui lui manque. L’autre est objet de désir, il est objet d’amour, j’en ai besoin mais indissociablement objet de haine, son existence même témoigne de mes manques !
Naître = entrer dans cette condition humaine, être soumis à l’obligation d’apprendre.
Apprendre dans une histoire qui est mienne, unique mais m’échappe de toute part, mouvement long, complexe, jamais achevé qu’on appelle éducation.

Apprendre est un processus énigmatique, dès lors il faut en faire une approche la plus objective possible (Develay)

L’école n’est pas le seul lieu des apprentissages, on apprend tout au long de sa vie mais l’école a la double charge de transmettre un noyau dur (notions-clés & savoir-faire)
L’école a la fonction sociale de gérer ces apprentissages.
Les enseignants doivent donc fonder leur professionnalité sur les processus d’apprentissage.

Résistances : représentations de l’acte d’apprendre, espoirs scientistes (méthode pour tous, formatage), méthodes pour gérer la complexité, consumérisme scolaire.

Apprendre est difficilement objectivable pour trois raisons :

1° inscription dans le temps
2° distinction entre processus et produit
3° multiplicité des manières d’apprendre

1°) ne commence ni ne finit à l’école ! A-t-on jamais fini d’apprendre à nager, à jouer du piano …
2°) Processus est complexe, met en branle les éléments neurologiques,… analyser le produit + simple (plusieurs approches ont vu le jour : approche béhavioriste, approche mentaliste, approche par situations problème)
3°) seul, en groupe, par imitation, en cherchant …

Trois repères pour caractériser les apprentissages scolaires

1°) apprendre, c’est trouver du sens en situation d’apprentissage (1)
2°) apprendre, c’est maîtriser une habileté (une compétence, une capacité, …) (2)
3°) apprendre, c’est créer des ponts cognitifs entre des éléments de savoirs isolés (3)

(1) Question du sens

Projet mais pas uniquement, processus non passif, même réactif ! Sens = valeurs et repères pour soi-même mais question délicate car le sens diffère d’un individu à l’autre, il n’existe pas en tant que tel,

Approche psychologique de la question du sens

Mais ce n’est pas suffisant, il faut un passage à l’acte, la motivation est la mise en mouvement du désir.
Le sens est dans le rapport entre le bénéfice escompté (professionnel, personnel, …) et l’investissement nécessaire pour y arriver

Approche pédagogique de la question du sens

= Répondre à la question : A quoi ça sert de … ?

? faire prendre conscience à l’élève de l’usage possible du savoir enseigné en dehors de l’école
= dimension sociale, utile en général
= au regard de son propre projet scolaire ou autre

? aider l’apprenant à prendre conscience de sa propre pensée

Le sens réside dans le sujet : l’élève doit s’investir, pédagogie de l’effort, de la volonté

Le sens réside dans l’objet : pédagogie nouvelle, proposer des activités ludiques pour déclencher des apprentissages

Importance des activités métacognitives, = explorer ses propres cheminements intellectuels, prendre conscience de ses propres cheminements

Importance également de l’inscrire dans le continu d’une année scolaire, plan de travail …

(2) maîtriser une ‘habileté’

a) Apprendre nécessite l’existence d’un conflit intra-personnel qui est activé le plus souvent par un conflit interpersonnel provenant de l’expression de représentations contradictoires

L’élève apprend à condition de se trouver dans une situation en avance sur son niveau de développement (‘zone proximale de développement’) chez Vygostsky qui devient pour le prof l’espace didactique
= s’appuyer sur la représentation de l’élève, cette représentation n’est pas à considérer comme une pensée aberrante, quelque chose de passager mais comme le réel de l’individu, sa manière de pensée qui est de l’ordre de l’intimité.
L’apprentissage implique un conflit avec soi-même, une déconstruction, une rupture
Tout apprentissage implique rupture et continuité
Construction didactique autour de l’objectif-obstacle

b) Maîtriser une habileté mais également pouvoir la transférer, càd réutiliser une habileté dans une autre situation
Distinction entre application, réinvestissement et transfert.
Le transfert implique au niveau d’une situation nouvelle une activité de recontextualisation
Ex. élève capable d’utiliser un théorème mathématique dans une série de problèmes dans lesquels il faut retrouver la structure nécessitant l’utilisation de ce théorème.

c) Apprendre oblige à anticiper le résultat de l’apprentissage et à planifier son action

> Rôle de l’évaluation formatrice

(3) Apprendre, c’est créer des ponts cognitifs

Créer des ponts entre différentes disciplines, elles peuvent manipuler les mêmes concepts. Les concepts de ‘fonction, force, révolution, relation, démontrer …’

? Montrer aux élèves les liens entre différentes disciplines par rapprochement mais par opposition aussi
? Dépasser le sentiment présent chez des élèves de se dépêcher d’oublier ce qu’on a appris afin d’apprendre autre chose

2° Rapports aux savoirs

‘Il n’y a pas de savoir sans rapport au savoir’ (savoir compris ici dans le sens large de ‘l’apprendre’) CHARLOT

Il ne peut y avoir de savoir hors la situation cognitive, il ne peut y avoir de savoir en soi.
Le savoir est une relation, une forme de rapport au monde.
On peut certes dresser un inventaire des différents types de savoirs (Linné) mais l’erreur consiste à croire que ce sont des formes spécifiques d’un objet naturel.
Ex. savoirs pratiques ? Le savoir n’est pas pratique, c’est l’usage qu’on en fait !

Le savoir est construit dans une histoire collective et il est soumis à des processus de validation, capitalisation et transmission. Il y a évolution des savoirs et des rapports aux savoirs des individus.
Conséquence pédagogique importante : ce n’est pas l’accumulation de savoirs intellectuels qui comptent mais c’est le processus qui conduit à adopter un rapport de savoir au monde.
‘Les figures de l’apprendre’

Apprendre a-t-il le même sens pour les enseignants que pour les apprenants ??

Charlot : beaucoup d’élèves s’installent dans une figure de l’apprendre qui n’est pas pertinente pour acquérir du savoir, et donc réussir à l’école.

Inventaire des figures de l’apprendre :
• des objets-savoirs (livres, revues, dicos …)
• des objets qu’il faut apprendre à utiliser (gradation : brosse à dent > ordinateur)
• des activités à maîtriser (lire, nager, jouer du piano …)
• des dispositifs relationnels

Mais ce n’est pas tout, apprendre c’est déployer une activité en situation
Lieux : un lieu peut avoir plusieurs fonctions (école = lieu d’instruction, d’éducation, de socialisation) (famille = …)
Temps : moment de mon histoire mais cela de l ‘humanité. Occasion ou obligation d’apprendre ?

Le rapport au savoir (« Enseignant … un métier à refaire ? » Epol)

Les enfants des familles économiquement défavorisées échouent plus fréquemment à l’école que ceux des familles plus aisées. Beaucoup d’enseignants expliquent ce fait par des causes extérieures à l’école et en termes de manques : manque d’intérêt et d’attention des parents pour la scolarité, manque de suivi scolaire, manque d’autorité parentale, absence d’espace privé propice à l’étude, manque de travail scolaire (à cause des jobs ou du travail ménager), manque de maîtrise du français, non-respect des règles de l’école, etc. Ce type d’explication a pour double conséquence de dédouaner les enseignants de toute responsabilité en la matière et de nourrir en eux un sentiment d’impuissance face aux difficultés scolaires de leurs élèves de familles modestes. Cette croyance au déterminisme social est si développée que les objectifs d’éducation sont, dans les faits, mais généralement de manière non explicite, adaptés.
C’est ainsi, par exemple, que l’on renoncera à favoriser le développement chez ces élèves de la capacité à s’autodiscipliner en remplaçant l’autodiscipline par la contrainte extérieure (« Il n’y a que ça qui marche avec eux ! ») : surveillance plus étroite, y compris à l’aide de caméras, sanctions répétitives appliquées au coup par coup, du type retenues, exclusions des cours. De même, jugeant que les élèves en sont définitivement incapables, on renoncera à favoriser chez eux l’acquisition de compétences complexes, les confinant dans des tâches de reproduction et d’application de règles ou de comportements, au besoin en les dirigeant vers des filières courtes, jugeant qu’ils sont dotés d’une « intelligence pratique » et « peu capables d’abstraction ». Des publications déjà anciennes [1] ou plus récentes [2] en sociologie de l’éducation nous invitent à un autre regard sur les origines des difficultés scolaires des jeunes issus de familles économiquement défavorisées. Dans La Reproduction, Bourdieu et Passeron n’expliquaient pas les difficultés scolaires des jeunes issus de familles modestes par des manques, mais bien par des différences entre ce qu’ils nomment l’habitus primaire et l’habitus scolaire de cette catégorie d’élèves. L’habitus désigne des manières d’être, de penser et de faire, communes à plusieurs personnes de même origine sociale, issues de l’incorporation non consciente des normes et pratiques véhiculées par le groupe d’appartenances.
L’habitus primaire est engendré par l’éducation préscolaire, dans l’enfance, au sein de la famille. L’habitus scolaire habite les enseignants, généralement issus de la classe moyenne. La culture scolaire qui se concrétise dans la manière qu’ont les enseignants de concevoir, de mener et d’évaluer les apprentissages, en est imprégnée. La distance à la culture scolaire sépare l’habitus primaire d’un élève de l’habitus scolaire. L’habitus primaire des jeunes de milieux défavorisés se trouve tellement éloigné de l’habitus scolaire qu’ils ont un grand sentiment d’étrangeté, de non-familiarité face aux pratiques scolaires. Ils ont plus difficile que les autres à y trouver du sens. Pour les jeunes de milieux sociaux proches de celui des enseignants, beaucoup de choses vont de soi à l’école (pourquoi on y va, comment on s’y conduit, comment on fait pour y réussir). Si, dans leur immense majorité, les enseignants sont pétris de cette culture scolaire particulière, ils ne sont pas pour autant conscients de son existence. Ceci parce qu’ils ont eux-mêmes très certainement bénéficié de configurations familiales favorables à leur réussite scolaire. On comprendra dès lors que la plupart des enseignants n’imaginent pas que ces savoirs-là puissent s’apprendre à l’école. D’ailleurs, pour beaucoup d’entre eux, ils ne s’apprennent tout simplement pas : ce sont des compétences innées (des « dons ») ou des « attitudes » qui dépendent de la (bonne) volonté de chaque élève. Ces enseignants se contentent, par conséquent, de constater et de déplorer le manque de dispositions adéquates à la réussite scolaire de leurs élèves issus de familles modestes ou, au mieux, de les exhorter à être dans de meilleures dispositions (plus attentifs, plus ordonnés, plus patients, plus réfléchis, plus imaginatifs,…). On voit donc qu’une raison importante de l’échec scolaire des jeunes issus de familles modestes est le fait que l’École sanctionne les manquements à la culture scolaire, alors que cette culture n’y est pas enseignée et qu’elle n’est possédée que par les élèves bénéficiant d’une configuration familiale permettant sa transmission. La lutte contre l’échec scolaire en milieu économiquement défavorisé passe par conséquent obligatoirement par une prise de conscience des enseignants de l’existence de la culture scolaire [3]. Cette condition est indispensable pour que, dans nos écoles, les pratiques pédagogiques soient modifiées de manière à permettre l’appropriation par tous les élèves des éléments constitutifs de la culture scolaire. Mais une telle prise de conscience ne sera possible que moyennant une formation digne de ce nom en sociologie de l’éducation de tous les enseignants en fonction dans l’enseignement fondamental et secondaire, incluant une réflexion en profondeur à propos des conséquences sur les pratiques pédagogiques de ces données de la sociologie.

3° Transpositions didactiques, méthodologiques de l’acte d’apprendre (ou ‘quand apprendre devient enseigner’)

Différents modèles d’enseignement ont vu le jour et correspondent à une conception de l’apprentissage qui d’une manière plus générale s’inscrit littéralement dans une conception philosophique de l’homme. À chaque modèle, on pourrait faire correspondre les attitudes attendues de l’apprenant, celle de l’enseignant, le rôle de l’évaluation, les avantages et limites de ces modèles.

On pourrait citer le modèle transmissif ou encore de l’empreinte (le savoir se transmet, relation linéaire, leçon/conférence) le modèle béhavioriste (actes d’imitation) ou encore le modèle constructiviste (situation problème, …)

Mais tel n’est pas notre propos, tout modèle a ses limites et nous serions assez d’accord avec la position développée par l’APED selon laquelle il faut tendre vers un équilibre dans les pratiques, qu’il faut éviter le dogmatisme (une seule méthode valable pour tous) et le relativisme (toutes les méthodes se valent). Mais l’APED ne va pas assez loin.

Question centrale dans cet atelier?

Existe-t-il des pratiques pédagogiques plus efficaces que d’autres et plus particulièrement pour les élèves provenant d’un milieu en rupture avec le milieu scolaire, défavorisés culturellement ?

Toute pédagogie initiée pour réduire les inégalités peut au contraire y contribuer
(lutte contre les inégalités se déplace). Les pédagogies dites actives ont été récupérées par les classes moyennes surtout dans un système de quasi-marché.

Plutôt que de prôner telle ou telle méthode, ma proposition est de réfléchir à des lignes de force, à des postulats qui sous-tendent toute action pédagogique. En disant cela, je mets en avant que la pédagogie est avant tout une question idéologique, de valeurs, de croyances.

4°) Et si la pédagogie n’était qu’une histoire de valeurs ? De là, deux postulats et des implications pour la pratique enseignante ainsi que les limites

1. Postulat éthique se basant sur l’éducabilité des élèves

Tous les élèves sont doués pour apprendre, pourtant une majorité estime que certains sont doués pour ceci, ont la bosse pour cela, sont prédestinés à devenir artistes, scientifiques, ;… L’idéologie sous-jacente se base sur le caractère inné des aptitudes et la plupart des systèmes d’enseignement ont été construits sur ce modèle, l’Ecole se devait donc de respecter les différences naturelles des individus et de proposer des formations taillées sur mesure, particulièrement chez nous, filière précoce, enseignement général avec ses propres filières fortes et faibles, enseignement technique, … . Ces idées ont été battues en brèche notamment par Piaget pour qui l’intelligence se construit. Tous les enfants doivent se construire les idées, concepts, théories qui nous paraissent si évidents.
Deuxième idée clé : ce qui distingue les élèves, c’est leur vitesse d’apprentissage. Le facteur ‘temps’ est un élément essentiel dans la qualité des apprentissages.
Il ne peut survenir de l’apprentissage que si je fais ce pari constant de l’éducabilité de l’autre, si l’enseignant est convaincu que l’élève peut y arriver (Tous capables) et qu’il concrétise cette attente par une inventivité didactique toujours renouvelée. Dès lors, le fait que des élèves n’apprennent pas dans une classe se définit moins par un écart à la normalité (le fatalisme des fameux handicaps socio-culturels) que par la limite que l’enseignant se fixe à ce principe d’éducabilité.
Pas question ici de se culpabiliser, même si dans les faits ce principe est souvent démenti, les enseignants ne sont pas tout-puissants et d’un élève démotivé et en échec, on ne peut en faire un élève enthousiaste et compétent.
Petite révolution car tout dans la pratique enseignante dément ce postulat : courbe de Gauss par exemple.

Un facteur-clé de l’efficacité pédagogique concerne le crédit que l’enseignant a dans les capacités d’apprentissage de ses élèves.

Implications pour la pratique enseignante :

– L’enseignant doit s’intéresser autant au produit de l’apprentissage qu’au processus lui-même, autant à la cognition qu’à la métacognition, quoi apprendre mais comment apprendre ?
– L’inventivité didactique implique une confrontation avec ses pairs, de là le métier d’enseignant peut/doit prendre une dimension collective, ce qui implique à son tour un bouleversement dans l’espace-temps de l’enseignant, dans la conception même du métier.

Question/limite :

– comment gérer l’hétérogénéité des apprentissages, comment prendre en compte l’hétérogénéité des élèves, comment envisager chaque apprenant en fonction des ses besoins pédagogiques ?
– Autre question : comment gérer ces postures au sein d’une injonction paradoxale qui est la suivante actuellement: « soyez des praticiens réflexifs » ?

2. Postulat idéologique qui s’appuie l’émancipation de l’individu par les savoirs

Emanciper = sortir de la domination, l’homme ne naît pas libre, il s’émancipe par l’exercice de la raison, l’Ecole est portée par la volonté d’étendre à tous les hommes ce qui était la prérogative de quelques-uns. L’éducation ne peut être synonyme d’endoctrinement, elle doit émanciper, l’enjeu idéologique essentiel de l’école est de construire l’individu, le sujet dans l’homme en l’affranchissant des superstitions, des idées toutes faites. L’Ecole joue un rôle non négligeable dans la distribution des rôles et des positions dans la société. Si l’Ecole a cette mission de reproduction de l’ordre social, elle est également ce lieu où les règles du jeu peuvent changer. L’Ecole pourrait avoir un rôle plus démocratique en rencontrant pleinement sa mission d’égalité d’accès de tous les enfants à une école de qualité.

Nous savons que l’Ecole francophone tout particulièrement renforce les inégalités de départ. La pédagogie eut-elle apporter quelque chose ? Ce n’est pas une question de recette, ce n’est pas une question de trucs et ficelles. Avec les milieux populaires, ceux dont la culture est la plus éloignée de la culture scolaire, je prends appui sur la longue pratique pédagogique de NDS issue de la PI (lecture Front des classes, p. 129) . ! Toute tentative de généralisation de méthodes a souvent/toujours été un échec dans l’histoire de la pédagogie

Implications pour la pratique enseignante :

– Construire le lien entre socialisation et apprentissage. Le défi le plus important pour tout enseignant. Etre attentif à mettre en place des rituels scolaires, permettant à chacun de s’impliquer dans le fonctionnement de la classe, gérer un groupe, aménager l’espace, le temps, des codes de comportement assurant la sécurité physique et psychologique des élèves tout en veillant aux objectifs d’apprentissage. Thèse de B. Cantonar : certains enseignants estiment qu’ils ne sont pas là pour socialiser. (lecture, Front des classes, p. 81)
– Tenir compte de ces rapports aux savoirs différents et s’appuyer sur ces différences pour construire de l’apprentissage

Question / limite

– Comment garder le cap sur des objectifs d’apprentissage quand les bases de la socialisation ne sont pas posées ? Comment construire un dispositif qui met en route tous les élèves (motivation) autour d’objectifs d’apprentissage ? Comment mobiliser par les savoirs ?
– Quelle formation pour les enseignants (initiale et continuée) : disciplinaire (aussi épistémologique), psychologique, sociologique ?

Question concernant ces deux postulats :

Comment y faire adhérer tous les enseignants alors que tous ne partagent pas les mêmes valeurs.
Code déontologique ?

CCL pas évident de tenir une ligne purement pédagogique et c’est logique, le structurel et le pédagogique se chevauchent. Exemples issus des dernières réformes/décrets en Cf.
Faut-il par exemple imposer le travail en cycle pur assurer la continuité des apprentissages et prendre en considération le temps de l’apprentissage ?? Faut-il abolir le tronc commun ? Faut-il imposer partout (dans tous les milieux socioculturels) un nombre maximal d’élèves par classe ?

En attendant, c’est dans leur réalité quotidienne que les enseignants doivent agir, ici et maintenant.

Citation pour terminer :
Etre enseignant, c’est devoir prendre des décisions toute la journée sans avoir pu y réfléchir avant et porter les conséquences après.

Bibliographie

Charlot, Rapport aux savoirs, ?
Crahay, Une école de qualité pour tous, 1997
De Smet, Au front de classes, 2005
Develay, Peut-on former des enseignants ?, 1994
Meirieu, Apprendre … oui, mais comment ?, 1987

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Echanges entre participants

1. Un intervenant, responsable d’un centre qui accueille en extrascolaire des élèves issus de l’immigration, s’interroge sur la formation des normaliens. Il observe une carence en matière d’ouverture et d’approche de l’interculturalité. Pour lui, si un cours intitulé « Ouverture à la diversité culturelle » existe dans le cursus des futurs enseignants, il se révèle être, dans la pratique, insuffisant. Les futurs enseignants ne sont pas préparés à interagir avec des enfants issus de l’immigration. Des attitudes et propos (préjugés) tenus par des stagiaires accueillis dans son association en attestent. Du coup, il ne faut pas s’étonner du fossé qui existe entre école et enfants issus de l’immigration. Par ailleurs, pour lui, il faudrait améliorer le lien entre école et famille.

2. Un intervenant rapporte que la même carence existe dans la formation des futurs agrégés.

3. Anne-Sophie Lenoir confirme qu’un cours intitulé « approche théorique et pratique de la diversité culturelle » existe dans les écoles normales depuis la réforme Dupuis en 2001. Elle explique que le contenu de ce cours risque cependant d’être très variable d’un prof à l’autre, dans la mesure où, dans les écoles normales, les profs n’ont pas de programmes mais uniquement des intitulés de cours et un référentiel de 13 compétences définies par décret (dont le fait de pouvoir s’adapter aux publics scolaires et d’éveiller ses élèves à la culture…). Or, les profs sont loin d’avoir les mêmes représentations du monde, du rapport à l’autre, de l’enseignement…

4. Un professeur enseignant dans le primaire, en milieu rural, signale que dans son école, aucun problème ne se pose par rapport à la question de l’intégration des immigrés. Le problème de manque d’ouverture à la diversité viendrait plutôt de certains parents (qui tiennent des discours dangereux).
Il ajoute que les enseignants sont parfois amenés à « éduquer » les parents ; en tout cas, à les conseiller et même quelques fois leur dire ce qu’ils doivent faire. Les enseignants ne sont cependant ni des psychologues, ni des sociologues. Où s’arrête le rôle de l’enseignant ? Ne devrait-il pas être secondé par des personnes extérieures ?

5. Concernant l’école comme « lieu de vie ». Un intervenant souligne la nécessité, dans cette perspective, d’ouvrir l’école aux parents pour les aider dans les difficultés qu’ils rencontrent par rapport aux méthodes, aux programmes, etc. Et ne faudrait-il pas faire entrer dans l’école des spécialistes pour aider les enseignants ?

6. Un intervenant dénonce un malaise des enseignants amenés à définir leur rôle. Que recouvre aujourd’hui le métier d’enseignant ? Il faudrait que soit redéfinie sa fonction, la façon dont il doit exercer son métier. S’il ne peut plus se contenter de transmettre des savoirs, où s’arrête son rôle social ? Par ailleurs, ce participant souligne la nécessité d’une revalorisation de l’enseignant.

7. Un intervenant conseille la lecture du livre « The teacher man », dans lequel l’auteur fait l’inventaire de tous les rôles qu’il a pu jouer durant sa carrière d’enseignant : punching-ball, paillasson, … Il explique que, dans les moments les plus difficiles de sa relation aux élèves, il se remémore cette phrase attribuée à Mozart : « Dites-moi d’abord que vous m’aimez et je vous jouerai tout ce que vous voulez ». Il rappelle qu’il faut garder à l’esprit cette dimension psychologique de l’apprentissage : les élèves, eux aussi, ont besoin de se sentir aimés, encouragés…

8. En quoi consiste notre rôle d’enseignant ? Certains intervenants ont souligné notre difficulté / impossibilité d’agir sur des facteurs extérieurs à l’école. Pour cet intervenant, la réponse est évidente. Pour un enseignant militant (notamment militant à l’APED), le rôle d’enseignant englobe une dimension politique. Nous ne pouvons pas ne pas nous engager, ne pas prendre des risques. Nous devons amener nos élèves à réagir. Si nous sommes seuls, cette prise de risque est dangereuse. C’est pourquoi nous devons agir en commun, avec les parents et les collègues. Nous devons leur rappeler qu’une société plus juste est possible et que c’est uniquement collectivement qu’on peut s’en approcher. Si nous ne partageons pas sensiblement la même vision du monde, nous n’arriverons pas à travailler ensemble. Exemple : Face à des parents racistes, nous ne pouvons pas ne pas réagir. Ceci implique une prise de risque, et nécessite du temps.

9. Rudy Wattiez : concernant le manque de formation politique / sociologique / à l’interculturalité des futurs enseignants : quelques heures avaient été introduites dans le cursus des écoles normales mais ces heures ont été diminuées.
Concernant la revalorisation : celle-ci passe nécessairement par l’allongement de la formation des enseignants. La Belgique (Cf. Exposé de Nico) est l’un des pays où la formation des enseignants est la plus courte. En allongeant la formation, on peut, de surcroît, introduire des cours de sociologie dont on a signalé la carence plus haut. Il faut allonger, mais ‘plus’ n’est pas synonyme de ‘mieux’. Quels enseignants voulons-nous pour nos enfants ?
D’une manière générale, il faut repenser l’entrée dans la carrière (accompagnement des plus jeunes, allégement de la charge pour permettre des concertations, …), la diversification dans la fonction est également un enjeu (renvoie à un texte produit par l’équipe politique de CGé ‘Enseignant, un métier à refaire’ sur le site [http://www.changement-egalite.be])
Concernant le rôle de l’enseignant et ses limites : il considère que, en tant qu’enseignant, il est uniquement spécialiste dans le domaine de l’apprentissage et préfère, pour ce qui ne relève pas spécifiquement de son domaine, renvoyer à des spécialistes extérieurs. Nous possédons nos limites et devons en être conscients.
Si l’école est « un lieu de vie » (allusion à la conception de l’APED), alors on peut très bien imaginer que des personnes ressources interviennent dans l’école pour faciliter le dialogue entre tous les acteurs.
Devons-nous éduquer les parents ? Dans le même ordre d’idées que ce qu’il a précisé précédemment, il considère que, pour lui, ce n’est pas notre rôle. Au mieux, pouvons-nous inviter les parents en classe leur montrer (quitte à les mettre en situation) comment on travaille avec les enfants maintenant. Ainsi pourront-ils confronter leurs représentations (de l’école, l’apprentissage, …) avec la réalité de l’école aujourd’hui.
Là, nous exerçons notre métier d’enseignant et ne sortons pas du rôle qui est le nôtre.

10. Un professeur d’histoire rappelle combien sa discipline peut-être enseignée de façons différentes – selon le point de vue idéologique du professeur. Il insiste sur l’importance pour chacun d’entre nous, a priori, de nous situer, de définir qui nous sommes, quelle école nous voulons, avec quelles valeurs de base, quelle ligne de conduite.
Cet intervenant considère que l’enseignant est un généraliste. Pour lui, on ne doit pas trop cloisonner les domaines ni recourir trop vite aux spécialistes (sauf cas graves évidemment).

11. Vito Dell’Aquila rappelle ce que l’APED entend par « lieu de vie ». Dire de l’école qu’elle est un lieu de vie signifie que celle-ci doit aller au-delà de sa mission strictement « scolaire » : elle doit devenir un lieu d’éducation sportive, artistique, un lieu d’échanges culturels… Cela ne signifie pas que l’enseignant doit jouer tous les rôles.
Il souligne que « faire évoluer la personne humaine » représente un acte d’adhésion. Or, on se rend compte que beaucoup de profs n’y croient plus (comme beaucoup ne croient plus qu’une autre société est possible). Dans ce contexte, il est difficile d’arriver à convaincre les parents qu’une autre école est possible. Cependant, se référant à son expérience dans le professionnel, Vito observe que les parents qu’il rencontre dans son école ne sont pas si résignés que cela. Lorsqu’on prend la peine de discuter avec eux, de les interroger, beaucoup sont conscients et critiquent l’orientation trop rapide des élèves et autres mesures inégalitaires.
Par ailleurs, il se prononce pour plus d’exigence dans la formation des profs, notamment pour pouvoir réagir positivement face à la diversité culturelle. Il insiste sur l’importance de l’aspect « transmission des savoirs ». Si, par exemple, un enseignant se sent désarmé face à des élèves musulmans défendant des idées intégristes, c’est, d’après lui, par le recours à l’histoire (analyse historique, politique, culturelle d’un dogme) qu’il pourra susciter une ouverture. Il reconnaît que ceci nécessite un travail énorme (de recherche) de la part du prof. D’autre part, il se dit persuadé que cette transmission d’un savoir rigoureux est plus efficace que n’importe quel discours sur la tolérance et la citoyenneté. Il met également en avant les obstacles que constituent les nombreux préjugés de certains profs face à la diversité culturelle.

12. Une intervenante met en avant la nécessité de s’approcher du modèle finlandais :
• 5X plus d’adultes dans les écoles comme personnes de référence permanentes
• Des écoles de petites tailles
• …
Dans ce contexte, si un enseignant est moins (se sent moins) psychologue ou sociologue, il sait qu’il peut trouver dans l’école des spécialistes vers qui il peut orienter les élèves.
Cette intervenante explique s’être trouvée confrontée, dans l’enseignement de promotion sociale, à un étudiant turc de 18 ans qui n’était absolument pas à sa place dans ce type d’enseignement. Cet élève avait un potentiel formidable et, questionné sur son parcours, a expliqué avoir, très tôt, choisi la filière professionnelle uniquement pour « faire comme tous ses copains ». Et jamais, au cours de sa scolarité, il n’a rencontré d’adulte l’amenant à reconsidérer son choix et lui proposant de s’orienter vers une formation susceptible de lui convenir d’avantage.

13. Un très jeune professeur fait part de son expérience et explique que, lorsqu’on commence dans l’enseignement, et que l’on est porteur d’idées nouvelles, innovantes, créatives, on se trouve très vite confronté à la résistance des collègues plus anciens. Leurs représentations sont solides. Ils ont tendance à considérer que leur vision de l’enseignement est plus juste et que leurs méthodes sont plus appropriées. Il est difficile pour un jeune qui débute de résister à la pression de ses collègues, et de ne pas se laisser « couper les ailes ».
Pour cet intervenant, il serait souhaitable que la formation initiale soit scindée en 2 temps, que la dernière année de formation soit postposée. Ainsi, dans sa seconde phase, après trois ans de pratique, par exemple, elle permettrait d’exploiter les acquis de cette première expérience professionnelle.

14. Une jeune prof met en avant la difficulté que rencontrent les jeunes enseignants à changer constamment de niveau. D’autre part, elle explique être en total accord avec les idées défendues par l’APED, mais se sentir fort seule dans son école, où « 99% » des collègues ne partagent pas notre vision de l’enseignement. Elle constate que leurs conseils vont souvent à l’encontre de nos valeurs : « Si tu veux qu’ils te considèrent, fais-les gratter !». On voudrait proposer aux élèves des choses plus constructives, différentes et l’on se heurte aux « modèles » d’enseignement partagés par la majorité des autres enseignants.

15. Un intervenant, qui travaille dans une école qui pratique l’enseignement par projets, souligne l’excellente collaboration entre les professeurs de son école (échange de savoirs, travail en équipe, …). Cette dynamique entre profs, au sein de son école, est permanente. Celle-ci s’explique par le fait qu’il y a dans l’école un projet clair auquel chacun adhère.

16. Un intervenant formule une demande : y aurait-il des trucs pour faire venir les parents, y compris ceux issus de l’immigration, dans l’école ?

Questions de synthèse :

Comment redéfinir le métier d’enseignant ?
Comment penser l’accompagnement des enseignants (travail en solidarité) ?
Comment envisager la formation (initiale et continue) des enseignants, dans la perspective d’une co-responsabilité des adultes vis-à-vis des enfants qui fréquentent l’école ?

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