L’Europe libérale aux commandes de l’école

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La question cruciale que posent le rapport Thélot et la nouvelle loi d’orientation concerne la logique de fond qui préside aux analyses et mesures proposées pour réformer l’école. Comment se construit aujourd’hui une loi sur l’école en France ? Qui en décide et surtout quelles sont les instances qui l’inspirent ? La forme et le fond, le processus et le contenu sont indissociables. L’impressionnante théâtralisation qui a accompagné l’élaboration de la loi depuis l’automne 2003 a répondu à un double souci et a eu un double effet : déposséder les enseignants et les autres personnels de l’enseignement, majoritairement porteurs de conceptions politiquement indésirables, de toute vraie « voix au chapitre » ; oblitérer autant que possible le déplacement du centre de gravité des politiques éducatives vers le niveau européen.

Comment lire le rapport Thélot [[Publié en octobre 2004 sous le titre « Pour la réussite de tous les élèves ». Ce rapport a été élaboré parallèlement à la mise en place d’un « grand débat national » et à la parution d’une synthèse ( « Miroir du débat ») en avril 2004.]] et comment interpréter le projet Fillon de loi d’orientation pour l’avenir de l’école ? Les réactions les plus intéressantes ont certainement été les analyses critiques centrées sur la « logique de renoncement » à la démocratisation de l’Ecole qu’impliquerait la définition minimaliste du « socle de compétences » et les inégalités croissantes qu’engendrerait la reconstitution de filières au Collège[[Cf. Jean-Yves Rochex, « Une logique de renoncement », L’U.S, sup. au n°608, p. 45. Dans le même esprit, cf. les analyses critiques de Nathalie Duceux, Education du rapport Thélot à la loi Fillon, Nico Hirtt, Thélot ou l’école de la reproduction, de Samuel Johsua et Nathalie Duceux, Le rapport Thélot et la fin du droit égalitaire à l’éducation et de Jean-Yves Mas « Commentaires critiques du (pré) rapport Thélot ». ]]. Je voudrais développer ici une approche complémentaire qui vise à montrer que, s’il est évidemment nécessaire d’analyser en détail les textes en question et de réfléchir à leur portée concrète, il est tout aussi indispensable de les replacer dans leur contexte général.

Un exercice de dépossession et de dépolitisation de la question scolaire

La « Commission du grand débat pour l’avenir de l’école » installée à l’automne 2003, a produit en octobre 2004 un rapport qui a pour particularité de n’entretenir qu’une relation extrêmement ténue avec le « grand débat national » dont pourtant elle disait tirer sa légitimité. Peu après, en novembre 2004, François Fillon a fait connaître les grandes lignes de la prochaine loi d’orientation qui sera présentée au Parlement en janvier 2005. Par certains côtés, on pourrait se contenter de prendre ces documents pour les expressions les plus récentes d’une habitude très française de « réforme » permanente de l’école. Il est vrai qu’ils ressemblent à s’y méprendre à ces très nombreux rapports, à ces innombrables projets qui depuis des années formulent à peu près toujours les mêmes avis, les mêmes analyses, les mêmes préconisations, du fait même qu’ils sont produits par le même « milieu » d’experts, d’administrateurs et de responsables politiques.

Alors que Claude Thélot, le président de la dernière commission en date, dans sa lettre au Premier Ministre, affirme que le « présent rapport repose sur les aspirations des Français telles qu’elles se sont dégagées de ce grand débat », ajoutant même que le « temps de la réflexion » représente « un enrichissement de notre démocratie », il n’est pas très difficile de montrer que le contenu du rapport est très loin de refléter le « Miroir » du débat national, aussi « cadré » qu’ ait été ce dernier. Le rapport Thélot en effet n’hésite pas à prendre le contre-pied de la synthèse du débat national sur de nombreux sujets, par exemple sur l’autonomie des établissements et sur l’évaluation. Ainsi fait-il l’apologie sans réserve de la LOLF (loi organique sur la loi de finance) qui va conditionner l’affectation des moyens à la définition d’objectifs et à l’accomplissement de missions particulières selon les principes du « nouveau management public », ce qui suppose autonomie des entités de base et le recours à une évaluation constante[[Rapport, p. 25.]]. On trouve d’ailleurs dans le même rapport la préconisation de tous les grands axes de la mutation managériale du système éducatif (autonomie des établissements, partenariats locaux, diversification locale, culture de l’évaluation, renforcement du pouvoir des chefs d’établissement) sans aucun bilan des conséquences réelles de vingt ans d’avancée dans cette direction et sans aucune mention du refus de cette même voie par une majorité de participants au cours du débat national[[Cf. par exemple, Rapport p. 45. Cf également, p.103 et 104.]].

Mais le plus frappant sans doute – et ce en quoi le rapport va exactement à contre sens du mouvement du Printemps de 2003 et du contenu du débat n’est pas là. A l’opposé de cette reconnaissance politique et symbolique de l’Ecole et de ses valeurs, demandée par les enseignants et nombre de citoyens, il témoigne d’un esprit technocratique dont les manifestations, quand elles sont explicites, sont particulièrement remarquables. Ainsi peut-on lire que « le projet éducatif de l’Ecole n’est plus, comme hier, porté par un volontarisme politique arrimé à une conception ambitieuse de la Nation et du Progrès ». Ce qui sonne comme un constat, et qui a son évidente validité au regard des politiques scolaires menées depuis une quinzaine d’années, devient immédiatement une fatalité à laquelle il faudrait s’adapter. Le « projet éducatif » devrait désormais se passer d’un discours politique puissant et l’école ne devrait compter que sur elle-même ou, plus exactement, sur sa technostructure et ses nouveaux managers. Le rapport ajoute dans un impeccable sophisme qu’on doit considérer que « le discours classique sur les « valeurs » de l’Ecole semble avoir aujourd’hui atteint ses limites. Non pas que les valeurs républicaines soient dépassées ou superflues – bien au contraire- mais elles ne constituent plus la clef d’une nouvelle dynamique des ambitions éducatives de l’Ecole ». Le rapport n’explique pas immédiatement quelle est cette « nouvelle dynamique », mais il avance un diagnostic fatal qui doit retenir l’attention : « Car, loin d’être en phase avec la culture de l’époque, l’Ecole semble se trouver avec elle en décalage croissant »[[Rapport, p.36.]].

Faudrait-il, par un effort de grande ampleur, à la fois politique, social et culturel, renverser l’ordre des valeurs ? Non, le « volontarisme » en politique est visiblement dépassé selon les auteurs. Les analyses sociologiques de François Dubet, que l’on peut apprécier en tant que telles par ailleurs, (l’école est soumise à la fois à une forte demande d’éducation en vue de la réussite individuelle et elle est en même temps contestée comme institution capable d’imposer ses propres normes) se convertissent en un constat d’impuissance et en une sorte de repli sur soi de l’école[[Cf. Rapport, p. 36.]]. Considérant que le recours aux grands principes républicains est une facilité incantatoire, le rapport soutient qu’il serait « vain de chercher à faire en sorte que la société adhère aux valeurs de l’Ecole, en espérant qu’ainsi celle-ci aille mieux. Peut-être est-il plus opportun de jouer la carte d’une acceptation tranquille de sa singularité : il conviendrait alors de réfléchir aux évolutions internes qui pourraient lui permettre de garder malgré tout le cap de ses nécessaires ambitions. L’essentiel réside sans doute davantage dans la qualité du fonctionnement de l’Ecole que dans le degré d’adhésion de la société à ses valeurs »[[Rapport, p. 37.]]. C’est sans doute le passage clé du rapport Thélot, celui en tout cas qui exprime le mieux l’esprit qui est le sien : si, comme le suppose justement François Dubet, les causes de la crise de l’Ecole sont sociales, les remèdes, quant à eux, ne relèveraient que du « fonctionnement » et seraient par conséquent de nature strictement organisationnelle et pédagogique. D’une analyse sociologique, on passe donc à la solution technocratique avec une assurance déconcertante. Selon cette logique, à l’extrême opposé de l’esprit sociologique, les solutions « opératoires » sont à comprendre dans le champ limité de l’identification organisationnelle des « problèmes ». Chaque institution est ainsi supposée constituer un domaine d’action à part, isolable dans sa « singularité, « toutes choses égales par ailleurs ». Certes, on admettra volontiers, et conformément à l’esprit sociologique, que le « fonctionnement » institutionnel n’est pas étranger aux valeurs sociales, mais alors, comment espérer que ce « fonctionnement » soit de plus en plus respectueux de valeurs républicaines si celles-ci sont engagées dans la voie d’un inéluctable effondrement et s’il n’est plus question de les promouvoir dans l’espace public? A moins qu’on ne parle de « nouvelles valeurs » qui demanderaient à être dites, il y a là, on le voit, une impasse qui réduit la « grande ambition » de l’école à un colmatage désenchanté.

Or il n’est nullement évident que l’on ait à renoncer à toute volonté politique et que l’on doive laisser l’école à sa « singularité », autrement dit à son immense et croissante solitude. Cette proposition est même, osons le mot, un coup de force idéologique qui ne relève aucunement de la logique scientifique des faits dont se réclame un certain nombre d’auteurs du rapport. Il suffit de penser aux phénomènes de ségrégation spatiale qui commencent à être pris en compte dans les raisonnements sociologiques et politiques pour s’apercevoir qu’il serait suicidaire de laisser l’Ecole à sa « singularité », dans une pure stratégie d’adaptation à « la diversité des publics » ou d’ouverture, sous la forme de partenariats, avec « l’environnement économique ». D’ailleurs le rapport, et c’est son mérite, est bien obligé, même si c’est en contradiction avec son fatalisme « sociologique », d’en appeler à une certaine volonté politique en matière de « mixité sociale ». Le coup de force en question est d’autant plus manifeste qu’il est la négation même de la prise de parole des enseignants, des élèves et des parents qui, à chaque mobilisation puissante depuis une vingtaine d’années, appellent la « société » et ses représentants à ne pas laisser l’Ecole seule face à des questions, qui, en dernière instance, sont proprement sociales et supposent pour les traiter un engagement politique à leur mesure.

Appliquer en urgence la politique européenne de l’éducation

Quelle est donc la « nouvelle dynamique » qui devrait inspirer désormais la politique éducative française ? La volonté politique est-elle aussi absente qu’on pourrait le croire en lisant certains passages du rapport ? En réalité, l’un des caractères de ce dernier aussi bien que de la loi Fillon tient précisément au glissement progressif vers le nouveau centre de gravité des politiques éducatives qu’est l’Union européenne. L’insistance pour « accrocher » la réforme préconisée à la « Stratégie de Lisbonne » est particulièrement significative à cet égard. De façon générale, le rapport Thélot et la loi d’orientation se présentent comme des applications dans l’espace national des choix politiques déterminants (mais encore mal connus par l’opinion publique) en faveur d’une « Europe de l’éducation et de la formation »[[Rapport, p.21.]]. Le projet de loi d’orientation souligne en ce sens que « l’appartenance de la France à l’Europe de la connaissance et de la culture est à la fois un acquis et un nouveau défi pour notre pays. (…) » Après avoir rappelé la liste des « objectifs de Lisbonne », le projet de loi indique que : « A travers la présente loi d’orientation, la France s’attache à porter la qualité de l’éducation et de la formation au niveau le plus élevé pour tous ; à donner aux personnes qui possèdent des qualifications, des connaissances et des compétences la possibilité de les faire reconnaître effectivement dans toute l’Union européenne ; à permettre aux citoyens de tous âges d’accéder à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. [[Cf Projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école, p. 24. ]]» Il va sans dire que l’analyse que l’on doit faire de cette dimension européenne des projets de réforme n’implique aucune position a priori sur la nécessité d’une telle Europe de l’éducation. Elle engage plutôt à réfléchir sur l’obscurité qui entoure sa construction et sur la nature de son contenu, inséparable du caractère profondément libéral et utilitariste des principes qui la dirigent. Elle n’interdit pas non plus de réfléchir à la possibilité d’une autre Europe de l’éducation.

Rappelons les grandes lignes de la politique éducative européenne. En mars 2000, pour répondre au « défi économique américain », le Conseil européen de Lisbonne décide de construire à l’horizon 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »[[La citation est reprise dans le Rapport Thélot et dans le projet de loi d’orientation. ]]. Cette orientation, inspirée a-t-on dit par Tony Blair, a donné lieu à une déclinaison de trois grands objectifs stratégiques, eux-mêmes subdivisés en treize objectifs subordonnés. Ces trois objectifs majeurs rappelés dans le rapport Thélot consistent à
-améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation dans l’UE ;
-faciliter l’accès de tous aux systèmes d’éducation et de formation ;
-ouvrir ces systèmes au monde extérieur.

Qui s’opposerait à des préoccupations aussi louables, surtout lorsque le constat est partout répété que les pays européens ne doivent pas avoir de priorité plus importante que « d’investir plus dans les ressources humaines » en général et dans l’éducation en particulier ? L’important n’est cependant pas dans les bonnes intentions mais dans l’esprit de cette politique éducative et dans ses conséquences pratiques. Il n’est pas lieu de faire ici une analyse exhaustive de la « stratégie de Lisbonne ». Soulignons simplement quelques points majeurs.

De façon un peu redondante, on doit d’abord souligner que la grande nouveauté de la politique européenne d’éducation, est qu’elle est justement …européenne. Le niveau désormais explicite d’élaboration, de définition, de prescription des axes ne se situe plus principalement au plan national mais au plan intergouvernemental, et ce, apparemment, en transgression des traités européens qui placent l’éducation en dehors du champ de compétences de l’Europe. Le niveau national est progressivement celui de l’application des orientations européennes et de leur acclimatation nationale selon les caractéristiques propres des sociétés et des systèmes d’éducation. Ce changement est considérable, même s’il est encore trop peu perçu. De ce point de vue, le rapport Thélot et les attendus de la loi Fillon font œuvre pédagogique en le rappelant, même si c’est trop furtivement.
En deuxième lieu, mais ceci explique cela, cette politique européenne de l’éducation est un chapitre de la politique de l’économie et de l’emploi poursuivie par l’Union européenne. L’éducation n’y est en effet considérée que sous l’angle économique, en tant que formation du capital humain indispensable à l’économie de la connaissance compétitive. Il suffit pour s’en rendre compte de citer l’un des très nombreux textes de la Commission ou du Conseil traitant de l’éducation. Dans l’un de ses tous derniers papiers, le Conseil commence ainsi une liste de « dix messages clés » : « les ressources humaines constituent la principale richesse de l’Union européenne. Elles sont au cœur de la création et de la transmission des connaissances et sont un élément décisif du potentiel d’innovation de chaque société. L’investissement dans l’éducation et la formation est un facteur déterminant en matière de compétitivité, de croissance durable et d’emploi dans l’Union et constitue de ce fait un préalable pour atteindre les objectifs économiques , sociaux et environnementaux que l’Union européenne s’est fixés à Lisbonne. De même, il est essentiel de renforcer les synergies et la complémentarité entre l’éducation et d’autres domaines d’action tels que l’emploi, la recherche et l’innovation et la politique macro-économique »[[Conseil de l’Union européenne, Education et formation 2010, l’urgence des réformes pour réussir la stratégie de Lisbonne, mars 2004, p. 4.]].

La politique en matière d’emploi de l’Union européenne, qui vise à augmenter le taux d’emploi des plus jeunes et des âgés (d’où les réformes des retraites en Europe) et à améliorer « l’employabilité » de tous les actifs, exige de rendre plus flexible le marché du travail en dotant chaque actif des moyens de s’adapter aux mutations accélérées de la structure et de la nature des emplois dans les années à venir (accélération qui est posée comme indissociable de la stratégie d’innovation systématique propre à « l’économie de la connaissance »). Les systèmes éducatifs ont donc pour mission prioritaire de lutter contre les sorties scolaires précoces de jeunes sans bagage de compétences suffisant pour accéder à l’emploi et de s’inscrire dans une perspective de « formation tout au long de la vie ».

Les systèmes éducatifs doivent également contribuer à la création accélérée d’un marché libre de la main d’œuvre en Europe, régi par le seul principe de la concurrence[[La « circulaire Bolkestein » sur la libre circulation des travailleurs des services en Europe n’est qu’une des pièces de la stratégie. Cf. Philippe Ricard, « La libéralisation des services se heurte à de fortes réticences »Le Monde, 30 novembre 2004. ]]. Ce qui suppose non seulement l’uniformisation des diplômes universitaires, telle qu’elle est engagée depuis 1999 ( « processus de Bologne »), mais également, comme on le voit de façon plus précise aujourd’hui, la mise en conformité de tous les étages du système scolaire sous la forme d’un socle commun de compétences clés à l’échelle européenne que tous les futurs citoyens de l’Union doivent posséder. Le Conseil européen de Barcelone (2002) a été l’occasion de déterminer des méthodes de travail pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de Lisbonne. Les Etats membres se sont engagés mutuellement sur ces objectifs et sur des « méthodes de coordination » faisant appel au « benchmarking » (comparaison intergouvernementale des niveaux de référence) destinées à mettre en œuvre cette décision stratégique. Toujours dans la même logique, les membres de l’Union sont pressés aujourd’hui par la Commission de faire des réformes urgentes pour accélérer « la stratégie de Lisbonne »[[Le même document formulait ainsi son attente : « en vue de contribuer aux objectifs de Lisbonne, le rythme des réformes des systèmes d’éducation et de formation doit être accéléré. Il faut que « Education et formation 2010 » soit dûment pris en compte dans la formulation des politiques nationales » (p. 6). C’est aussi le sens du récent rapport de Wim Kok, Relever le défi, la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, novembre 2004, qui propose de rendre plus contraignante encore la mise en œuvre des objectifs de Lisbonne.]].

Le « socle de compétences clés »

Il serait évidemment trop long, quoique intéressant, de chercher comment toutes les préconisations européennes trouvent leurs modes spécifiques d’application en France et ailleurs. Regardons un seul point, décisif certes, de ces orientations : la définition du « socle de compétences ». On a justement critiqué la dérive utilitariste et communicationnelle qu’elle enfermait. On a montré qu’elle conduisait à déterminer non la « culture commune » mais la « culture du pauvre » du seul fait que cette définition coupait les compétences en question d’un accès à la culture pour tous. Mais d’où vient cette définition ? A quelle logique correspond-elle ? L’étrange et inquiétant « aveuglement sociologique » dont parle justement Jean-Yves Rochex trouve son fondement intellectuel et politique dans la littérature et dans les instances qui inspirent et définissent les axes majeurs des politiques éducatives à l’échelle européenne[[Il faudrait naturellement examiner le rapport entre cette définition des compétences et le rôle des enquêtes PISA de l’OCDE. ]].

Pour en avoir une petite idée, il suffirait de comparer les diverses versions du « socle de compétences clés » et d’évaluer ainsi le degré de correspondance entre les prescriptions européennes et les orientations de la réforme proposée en France :

|Conseil européen |Rapport Thélot |Projet Fillon |
|communication dans la langue maternelle et dans les langues étrangères |langue maternelle |français |
|connaissances en mathématiques |mathématiques |mathématiques
|
| communication dans les langues étrangères |anglais de communication internationale |une langue vivante étrangère (capacité de base à communiquer) |
|aptitudes en TIC |maîtrise des NTIC |technologies de l’information(ordinateur et internet) |
|compétences interpersonnelles et civiques |vivre ensemble. Formation de la personne et éducation du citoyen | culture de base pour exercer notre citoyenneté (culture civique et historique) |
| compétences de base en sciences et en technologie et sensibilisation à la culture. | |culture de base pour comprendre notre environnement (culture scientifique et technique) |
|esprit d’entreprise | | |

On voit à ce simple travail de comparaison que l’originalité des propositions de la Commission Thélot et celle de la loi Fillon est assez limitée. Si l’on critique à juste titre la démarche du « socle » en soulignant le caractère fort peu démocratique d’une conception aussi pauvre de la culture commune, il faut aussi s’interroger sur la nature, les motifs et les effets de la politique européenne d’éducation et de formation, laquelle n’est pas séparable de la nature, des motifs et des effets de la construction d’une Europe fondée sur l’extension du marché et le respect du principe de concurrence, en particulier en matière de marché du travail. Le rapport Thélot de ce point de vue ne cachait pas vraiment les enjeux de ce socle de compétences : « le système éducatif doit préparer les élèves à se mouvoir dans l’espace politique et économique européen [[Rapport, p. 22.]]». C’est cette exigence de « mobilité professionnelle dans l’espace européen » qui justifiait l’instauration de l’apprentissage universel de « l’anglais de communication internationale ». Le projet de F.Fillon affirme dans le même sens qu’ « à travers la présente loi d’orientation, la France(…):oeuvrera avec ses partenaires pour rendre les systèmes éducatifs suffisamment compatibles pour que les citoyens puissent passer de l’un à l’autre et profiter de leur diversité ». En d’autres termes, « l’adaptation à la diversité des élèves » n’est jamais que la conséquence du choix économique absolument fondamental de doter les actifs européens du bas de l’échelle professionnelle d’un « code de base » supposée nécessaire à leur employabilité et à leur mobilité sur un marché de l’emploi complètement ouvert à la concurrence en Europe. La Déclaration de Copenhague sur la formation professionnelle (novembre 2002) a par ailleurs proposé les pistes à suivre pour accélérer l’unification du marché du travail (uniformisation du curriculum vitae, meilleures « transparence, comparabilité et transférabilité des qualifications et compétences à tous les niveaux en Europe », sous la forme en particulier d’un certificat de valeur professionnelle valable dans toute l’Union).
C’est de cette conception de la construction du marché du travail européen que se déduisent les caractères minimalistes et strictement utilitaristes du socle scolaire dans lequel une « sensibilisation à la culture » paraît bien suffire pour les salariés « relationnels » et « communicationnels » de l’Europe de demain.

Réduction des coûts et privatisation rampante

Pour parvenir à fournir un « capital humain » aux entreprises européennes sur un marché unifié, il convient dans chaque cas national de mettre l’accent sur des « cibles prioritaires », la priorité étant déterminée précisément par le caractère exceptionnel ou anormal d’une situation nationale par rapport à une moyenne européenne. « Toutes choses égales par ailleurs », si l’on constate par exemple que le « niveau secondaire » absorbe une part plus importante de la dépense d’éducation, il convient de la réduire et de redéployer éventuellement les économies ainsi réalisées vers d’autres niveaux anormalement faibles[[Cf.Conseil de l’Union européenne, doc.cit., p. 42.]]. C’est le sens, d’ailleurs explicite, de la loi d’orientation de François Fillon de diminuer les « coûts » de l’enseignement secondaire, « effort courageux » dont la conséquence première sera d’augmenter le temps et la charge de travail des enseignants tout en diminuant le « poids » financier qu’ils représentent pour le budget de l’Etat (allégement déjà bien amorcé par la réforme des pensions de retraite et la diminution importante du pouvoir d’achat des fonctionnaires), sans oublier la réduction de la quantité et de la diversité des cours proposés aux élèves[[Cf., Les considérants préalables aux « 14 propositions de F. Fillon »sur le site du Ministère de l’Education nationale. Que ces objectifs ne soient pas tous compatibles entre eux ainsi qu’avec les préconisations de l’Union européenne, cela va de soi. Au vu des éléments avancés par le ministère, la concentration des réductions de moyens sur le niveau secondaire risque de se traduire également par une remise en cause très profonde de l’existence de certaines disciplines, parmi lesquelles les sciences économiques et sociales, dont l’esprit n’est guère conforme au main stream européen. ]]. Ces mesures affectant la situation des personnels s’accompagnent de compensations symboliques et peu coûteuses, mais adaptées à ce qu’on croit être une sensibilité du corps professionnel et censées par là même apaiser l’amertume ou la colère du « terrain » (punitions collectives, poids dans les conseils de classe, rétablissement tout verbal de l’« autorité » des enseignants et liberté pédagogique « encadrée » par les chefs d’établissement). Mais la politique de réduction de l’effort financier consacré à l’école n’est-elle pas contradictoire avec l’idée selon laquelle les pays européens ont accumulé beaucoup trop de retard sur leurs concurrents américain et japonais en matière « d’ investissement dans les ressources humaines » ?

Les 14 propositions du projet de la loi Fillon, de façon très symptomatique, insistent pesamment sur la dimension de la charge financière : « en consacrant chaque année de l’ordre de 100 milliards d’€ à l’éducation (dont plus de 60milliards d’€ pour le seul budget de l’Éducation nationale, soit 23% du budget de l’État), la France dépense pour la formation initiale 0,4% de PIB de plus que la moyenne des pays industrialisés (6% contre 5,6%) ». Ce propos est étonnant du point de vue même de la « stratégie de Lisbonne ». Que la France se situe dans la moyenne haute des pays de l’OCDE n’est pas infamant, à un moment où l’OCDE recommande à un pays comme l’Allemagne d’investir nettement plus dans son école secondaire. Il semble également oublier que des pays comme le Danemark, la Suède ou la Corée ont des dépenses éducatives supérieures à la France de près d’1% de PIB. C’est oublier encore que depuis 1993 la dépense d’éducation diminue relativement au PIB. De ce point de vue, la politique macroéconomique restrictive de l’Europe, ainsi que la nécessité affichée de limiter les déficits budgétaires creusés par la réduction des impôts en France, entrent en contradiction avec la volonté d’augmenter sur le long terme les financements pour la formation du capital humain.

En réalité, l’actuel projet de loi cherche à la fois une réduction globale des dépenses publiques d’éducation et un redéploiement interne aux différents niveaux de l’enseignement au détriment du secondaire, ce qui peut expliquer la dureté des mesures envisagées pour ce niveau. Le gouvernement français se prévaut pourtant là encore de la politique éducative européenne, d’une façon qu’on pourra trouver fort spécieuse. L’argument veut que la dépense par élève rapportée au PIB par habitant soit plus élevée en France que dans d’autres pays (elle est au niveau de Chypre et du Portugal). Selon la méthode des « niveaux de référence » ou « benchmarks », cet écart à la moyenne est donné comme une anomalie, d’autant que dans le même temps l’enseignement supérieur apparaît comme sous-financé par rapport à la moyenne européenne[[Comme le rappelle la Commission, l’Union européenne investit moins dans l’enseignement supérieur que les Etats-Unis, lesquels dépensent plus de deux fois plus par étudiant que l’Union européenne. Par rapport au PIB, la moyenne de l’UE n’est que de 1,1 % consacré à l’enseignement supérieur contre 2,3 % aux États-Unis. L’écart de financement dans ce domaine est encore plus marqué que dans la recherche et développement, où les chiffres sont de 1,9 % du PIB dans l’UE, contre 2,7 % aux États-Unis. ]]. Il est assez facile de repérer combien cette méthode de comparaison reste assez grossière, oublieuse qu’elle est de toute spécificité historique et structurelle des systèmes éducatifs sans laquelle on ne comprend pas précisément la structure des coûts. Il est particulièrement significatif que dans les présentations qui en sont données, le ministère omette les différences de dépenses par élève entre le collège et le lycée, et surtout entre les différentes filières de lycée[[Cf. Ministère de l’éducation nationale, Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche, 2004, p. 277.]]. Mais surtout, la politique suivie, consistant ( dans le meilleur des cas) à « déshabiller Pierre pour habiller Paul », est évidemment de courte vue : comment assurer l’expansion et la qualité des enseignements supérieurs en appauvrissant l’enseignement secondaire ? L’Allemagne qui a une dépense par étudiant rapporté au PIB par habitant supérieure à la France va-t-elle devoir appauvrir ses universités pour re-financer son enseignement secondaire ? [[Cf Conseil de l’Union européenne, op.cit.,annexes p. 42.]] Ce serait naturellement assez stupide.
Le Conseil de l’Union et la Commission européenne, s’ils encouragent l’augmentation de la dépense éducative et non sa diminution, puisqu’elle doit être regardée comme un investissement et non comme un coût, invitent les Etats membres à « une concentration des investissements sur les domaines susceptibles de gagner en qualité et en adéquation et de donner de meilleurs résultats en matière éducative et à une affectation des investissements fondée sur les besoins des personnes ». A la « réduction des poches d’inefficacité et à la réorientation pertinente des ressources existantes vers l’éducation et la formation », il faut surtout, compte tenu des contraintes budgétaires, susciter une « contribution plus importante du secteur privé, en particulier dans l’enseignement supérieur, la formation des adultes et la formation professionnelle continue »[[Ibid., p. 22.]]. Dans une communication de janvier 2003, la Commission s’exprimait ainsi : « Bien que les pays de l’UE, comme les États-Unis, consacrent en moyenne un peu plus de 5 % de leur PIB aux dépenses publiques d’éducation et de formation, il existe toujours un net déficit au niveau du financement privé. Si l’on reconnaît que, dans le modèle social européen, les sources privées ont toujours été considérées comme un complément et non pas comme un remplacement du financement public, face aux nouveaux défis de la mondialisation, un accroissement de celles-ci se révèle nécessaire. Le niveau du financement privé de l’éducation et de la formation constitue une différence majeure entre l’UE et les États-Unis, qui ne cesse de s’aggraver. Les dépenses privées consacrées aux établissements d’enseignement n’ont que très peu augmenté dans l’UE depuis 1995 (de 0,55 % à 0,66 % du PIB environ), alors que l’on observe un niveau presque double au Japon (environ 1,2 % du PIB) et presque trois fois supérieure aux États-Unis (1,6 %) ».

Ce recours à la dépense privée, qui suppose à la fois l’augmentation des droits d’inscription et le développement d’établissements privés, ne sera pas facile, note la Commission, du fait du « modèle social européen » La Commission préconise donc une approche à la fois progressive et localisée : « quant au moyen de mobiliser des ressources humaines et financières supplémentaires, la communication souligne l’importance de créer une approche de partenariat avec les entreprises et les individus. Cela devrait se faire grâce à une gestion plus efficace des ressources existantes et à une décentralisation au niveau régional dans la gestion des ressources et des programmes. Cette décentralisation, qui devront s’accompagner d’une plus grande coordination entre les ministères nationaux, devront bien sûr agir dans le respect de la dimension européenne des décisions d’investissement. »[[Communication de la Commission du 10 janvier 2003, Investir efficacement dans l’éducation et la formation: un impératif pour l’Europe , COM(2002) 779.]]

Sur ce volet de la privatisation de l’enseignement, politiquement très délicat, le projet de loi d’orientation fait plutôt silence. Comment en effet aller à l’encontre de l’opinion, comment risquer une nouvelle mobilisation des étudiants et des élèves ? Faute de pouvoir immédiatement compter sur des ressources privées pour le supérieur, le choix stratégique a donc apparemment consisté à baisser les ressources publiques affectées aux autres niveaux. A moins que cela ne soit un moyen indirect, du fait de la dégradation du service public qui va s’ensuivre, d’aider à la privatisation de l’enseignement.

Un copier/coller général ?

Le modèle européen d’ « école flexible, efficace et ouverte », élaboré depuis longtemps par l’OCDE et certains lobbies patronaux, correspond au moins à trois séries de préoccupations : la baisse des coûts dans les budgets nationaux qui passe à la fois par la diminution des charges salariales, le transfert de certaines charges sur les ménages, la baisse des exigences scolaires et l’externalisation de la formation vers des « partenaires » ; la « réactivité » des systèmes éducatifs aux besoins des entreprises, qui suppose que les établissements scolaires rapprochent leur fonctionnement de celui des entreprises ; la socialisation précoce des futurs salariés par les « milieux professionnels ». On pourrait montrer sous d’autres aspects combien le rapport Thélot et la loi Fillon s’inscrivent assez fidèlement dans le cadre de ces orientations européennes. La « flexibilisation » exigée se traduit par exemple par la personnalisation des parcours scolaires ; la diversification des voies ; la contractualisation généralisée depuis l’élève jusqu’au Ministère en passant par les établissements ; la flexibilité horaire et la polyvalence des personnels. « L’ouverture sur l’environnement » se lit sans doute dans la généralisation des partenariats ; l’ouverture à l’entreprise par la découverte professionnelle et la diffusion de « l’esprit d’entreprise »(préféré à un enseignement théorique de l’économie et de la société) [[L’un des objectifs européens est de créer une « société entrepreneuriale » ou une « société d’entreprises », ce qui impose de diffuser « l’esprit d’entreprise » dans tous les systèmes éducatifs. Un document du Conseil européen définit ainsi cet « esprit » : « l’esprit d’entreprise ne se limite pas à l’activité commerciale, c’est aussi un esprit actif et réactif que la société dans son ensemble se doit de valoriser et dans lequel elle doit investir. Aussi les établissements d’éducation et de formation devraient-ils stimuler les compétences des apprenants et leur esprit d’entreprise tout au long de leur parcours d’éducation et de formation » Ils devraient également « permettre l’acquisition des compétences nécessaires pour créer et gérer une entreprise », ce qui explique la proposition d’une option « de gestion des entreprises » en classe de 1ere ES (Cf. Rapport du conseil éducation sur les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation et de formation, 2001 p. 14). Cet objectif permet de retraduire systématiquement les méthodes et pratiques pédagogiques en une logique nouvelle : « les Etats membres devraient (…) promouvoir davantage les compétences entrepreneuriales : la créativité et l’esprit d’initiative devraient s’ensuivre et se fonder sur une approche transdisciplinaire. Il conviendrait aussi dans cette optique, de donner aux écoles les moyens de mener des activités favorisant les attitudes et compétences entrepreneuriales »( Conseil de l’Union européenne, doc. cit, mars 2004, p. 25). ]] : le co-pilotage renforcé avec les collectivités territoriales, spécialement en matière d’orientation ; le renforcement des liens avec la justice, la police et les services de santé.

Comme on le voit à cette déclinaison, la France n’est pas aussi en retard qu’on le dit parfois, mais elle a encore du chemin à faire pour atteindre les objectifs fixés.
Il faudrait également ajouter qu’il convient partout d’acclimater la ligne commune en Europe aux réalités locales et de répondre aussi sur le plan moral et « communicationnel » aux impératifs de « cohésion sociale ». L’un des volets des réformes proposées vise à renforcer le rôle de l’école dans l’imposition des valeurs morales en déshérence, sans trop se préoccuper d’ailleurs des contradictions entre l’universalisation du principe de concurrence dans les sociétés européennes et la destruction des significations collectives partagées que cette même universalisation engendre. C’est désormais à cet usage essentiellement « moralisateur » qu’est convoquée une rhétorique républicaine qui tourne à vide. Il faudrait souligner encore que, si la droite française, à l’instar des autres gouvernements néo-libéraux, articule de façon toujours plus nette la libéralisation de l’économie et la pénalisation renforcée de la société, elle n’oublie pas l’école dans l’application de sa double référence au marché et à la répression.

Conclusion

Depuis 2003, la mise en scène de la préparation de la loi d’orientation a constitué un spectacle à la fois long et répétitif. On aurait pu penser qu’il ne s’agissait que d’enliser puis d’enterrer le mouvement social de 2003 en faisant appel à d’autres sources de légitimité que celles des professionnels et des parents d’élèves. Le triple recours à l’opinion publique (le grand débat), à la communauté d’experts (la Commission Thélot) et enfin à la représentation nationale (loi d’orientation) a contribué à déposséder les enseignants de toute prise sur la définition des politiques à mener. Mais la théâtralisation a des effets de croyance qui dépassent les conflits récents. On peut émettre l’hypothèse suivante : rendre complètement explicite la translation de la politique scolaire nationale au niveau européen et exposer clairement la signification essentiellement économique des réformes menées dans un esprit libéral (alléger les coûts, augmenter l’employabilité, unifier le marché du travail européen) n’est pas aujourd’hui tout à fait possible en France, tant l’ancrage des questions d’école dans les coordonnées culturelles et politiques nationales est encore fort. Cela n’empêche pas les petits pas et les demi aveux, telle la relativisation, dans le rapport Thélot, des « valeurs républicaines » au nom d’une « nouvelle dynamique du projet éducatif », et l’abandon dans la loi Fillon de la grande ambition de l’école pour tous sous le prétexte de la diversité des goûts et des talents des enfants.

Il faut savoir que « l’agenda » du rapport Thélot et de la loi Fillon sur l’école est sans doute beaucoup plus déterminé par la « stratégie de Lisbonne » et la contribution que doit y apporter l’éducation que par une quelconque volonté populaire. Mais on aurait pourtant mauvaise grâce à reprocher à Claude Thélot ou à François Fillon d’avoir pratiqué un copier/coller sur les documents européens. Ils n’ont fait en réalité que suivre le chemin dans lequel les différents gouvernements français de gauche comme de droite se sont engagés depuis longtemps, celui de la construction d’une Europe d’inspiration très libérale au sein de laquelle la connaissance devrait être regardée principalement comme un facteur économique au service de la compétitivité. Comment leur reprocher de mettre en œuvre une politique apparemment aussi consensuelle ? Mais s’il faut être conséquent jusqu’au bout, il faut également ajouter que l’Europe n’a pas non plus fait preuve d’une grande originalité dans le modèle libéral et utilitariste d’école qu’elle propose. Il y a beau temps que les grandes organisations économiques et financières internationales (OCDE et Banque mondiale en tête) en ont dessiné le visage. Si débat véritable il doit y avoir un jour, il devrait porter plus que jamais sur le « nouvel ordre éducatif mondial » qui s’impose de façon progressive et par de multiples voies en Europe et en France[[Cf. Christian Laval et Louis Weber (coord.), Le nouvel ordre éducatif mondial, Syllepse/Nouveaux Regards, 2002.]].

Christian Laval is medewerker van het onderzoeksinstituut van de Franse onderwijsvakbond FSU (Fédération Syndicale Unitaire). Hij is auteur van meerdere boeken, zoals: Christian Laval, L'école n'est pas une entreprise. Le néo-libéralisme à l'assaut de l'enseignement public, Editions La Découverte, 2003. Christian Laval, Louis Weber, Le Nouvel Ordre éducatif mondial, Nouveaux Regards/Syllepse, 2002

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