Quoi de neuf en Flandre ?

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La Flandre est désormais dirigée par une coalition N-VA (droite nationaliste), CD&V (démocrates-chrétiens) et Vooruit (socialistes). L’important ministère de l’Enseignement est resté aux mains de la N-VA, Ben Weyts cédant sa place à Zuhal Demir. Voici quelques tendances lourdes de la note de politique communautaire flamande en matière d’enseignement. 

Néerlandais, néerlandais, néerlandais !

Priorité des priorités, le gouvernement dit vouloir améliorer la maîtrise du néerlandais. Parce que la ministre fait de la langue parlée à la maison (donc, en termes à peine voilés, de l’immigration) la principale cause du recul de la Flandre dans les tests internationaux. L’effort s’imposerait dès l’école maternelle, où vont arriver des objectifs terminaux. Le dispositif dans son ensemble ressemblerait à ceci : durcissement du test de néerlandais en fin de troisième maternelle (« Koala test »), avec éventuellement un report de l’accès au primaire pour certains enfants; les élèves qui ne maîtrisent pas assez le néerlandais à la fin de l’enseignement primaire, seraient obligés de suivre 3 heures (par semaine) de cours supplémentaires de néerlandais en début de secondaire. 

A noter que la maîtrise de la langue d’enseignement va également devenir une contrainte pour les parents d’élèves primo-arrivants, qui seront obligés de s’inscrire à des cours de néerlandais en cas de tests insuffisants. Sous la menace de perdre une partie des allocations familiales.

Ainsi donc, toute considération sur les inégalités sociales a complètement disparu des textes gouvernementaux. L’accent est uniquement mis sur la maîtrise de la langue, qui serait la cause des difficultés et des différences de résultats entre élèves.

Le défi de la qualité de l’enseignement

La Flandre a vécu comme un profond traumatisme la baisse de niveau enregistrée dans tous les rapports internationaux (PISA, TIMMS, etc.) La N-VA instrumentalise le constat en désignant comme responsables les politiques antérieures, à ses yeux trop empreintes du souci de l’égalité des chances, ou encore d’approches pédagogiques tendancieusement qualifiées de « ludiques ». 

Il sera désormais question pour tous les élèves de « Vlaamse toetsen » (tests flamands), introduits dès 2024 en 4ème primaire et en 2ème secondaire. Et de trajectoires de remédiation pour les enfants en échec. Des mesures contraignantes pourraient être imposées aux écoles dont les résultats seraient jugés trop faibles. Dans une logique tout aussi libérale, la ministre Demir plaide pour la publication des classements d’écoles sur base de ces tests. Ce qui n’apparaît pourtant pas dans l’accord de gouvernement. Zuhal Demir a la réputation d’être fonceuse et pas toujours alignée sur la trajectoire définie en gouvernement, ce qui devrait nous valoir quelques incidents plus ou moins croquignolets…

La ministre veut introduire dès le 1 septembre 2025 de nouveaux « minimumdoelen » (objectifs minimaux ; le nouveau nom pour « eindtermen » ou socles de compétences) pour les écoles maternelles et primaires. Il y aura des « minimumdoelen » pour la 3ème maternelle (!), et pour les 4ème et 6ème primaires. La ministre veut donner une plus grande priorité à l’apprentissage du néerlandais et des mathématiques. Le mot d’ordre : « kennisrijk curriculum » (curriculum riche de connaissances), un concept qui peut contenir des aspects positifs (contre les dérives de l’approche par compétences) mais aussi des aspects négatifs (une approche dogmatique de la pédagogie explicite). Comme la commission qui prépare les « minimumdoelen » ne terminera pas ses travaux avant la fin d’avril 2025, il est impossible que les instituteurs disposent des instruments (manuels) et du temps pour s’initier aux nouveaux « minimumdoelen » et aux nouveaux « leerplannen » (curricula) d’ici septembre 2025.  

Enfin, un renforcement de la formation des enseignants est annoncé, en termes de contenus, de gestion de classe, etc. A juger sur pièce.

Le défi de la pénurie d’enseignants

Comme en communauté française, le manque d’enseignants devient criant et appelle des politiques vigoureuses. Hélas, les solutions avancées paraissent bien maigres, quand elles ne sont pas idéologiquement contestables.

Ainsi en est-il de l’idée de favoriser l’accueil de personnes venant du privé. Le gouvernement flamand offre d’entrée à chaque transfuge 15 années d’ancienneté (auparavant, c’était 10 ans). Une mesure qui n’empêche pas 30% des néo-enseignants de fuir le métier dans l’année…

Une autre mesure, introduite par le gouvernement précédent, reste en vigueur : le recrutement de « gastleerkrachten » (enseignants-hôtes) dont on ne réclame plus un certificat pédagogique mais uniquement qu’ils parlent néerlandais et disposent d’un certificat « goed gedrag en zeden » (bonnes mœurs). Cette mesure est fort contestée par les syndicats et par beaucoup d’acteurs de l’enseignement qui trouvent qu’on dégrade ainsi le niveau de l’enseignement. 

Autre idée, plutôt positive cette fois-ci :  pour les nouveaux, la charge d’enseignement serait de 80% pour un salaire de 100%, les 20 % restants étant encadrés par des collègues expérimentés (qui, eux, ne seraient pas payés pour leur parrainage).

Par ailleurs, les nominations et les statuts ne seraient pas menacés comme du côté francophone. 

Mais il n’est pas plus question ici que là de créer des pools de remplacement garantissant un emploi stable aux enseignants débutants.

Une (très) légère augmentation du budget enseignement

Quand on fait les comptes, le solde serait très légèrement positif. Côté réduction des dépenses (402 millions), les différents cours philosophiques seraient supprimés dans l’Officiel au profit d’un unique cours de philosophie « interculturelle » (« interlevensbeschouwelijke dialoog »). Quelques autres économies et rationalisations sont annoncées : suppression d’options trop peu fréquentées et indexation partielle des subsides de fonctionnement. Côté investissements (746 millions) : digitalisation, travaux d’infrastructure, renforcement du néerlandais et formule de première année d’enseignement à 80% donnés – 100% payés. Donc un solde positif de 344 millions, ce qui est bien inférieur aux besoins objectifs. 

Nico Hirtt est physicien de formation et a fait carrière comme professeur de mathématique et de physique. En 1995, il fut l'un des fondateurs de l'Aped, il a aussi été rédacteur en chef de la revue trimestrielle L'école démocratique. Il est actuellement chargé d'étude pour l'Aped. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'école.