Réseaux scolaires et classes sociales

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Le système scolaire belge est organisé en quasi-marché caractérisé par une liberté d’organisation pour les pouvoirs organisateurs, une liberté de choix d’écoles pour les parents et un financement public par élève.

Cette logique de quasi-marché entraîne une concurrence tout d’abord entre parents, voulant avoir accès à l’école qu’ils estiment la meilleure pour leurs enfants, ensuite entre écoles qui doivent attirer des élèves pour obtenir un financement. Ces dernières se retrouvent donc en compétition pour recruter des enfants contribuant à la « bonne » réputation de l’école afin d’assurer leur pérennité.

Cette concurrence entre écoles est elle-même accentuée par la concurrence entre réseaux, autre cause d’inégalités et de ségrégation dans notre enseignement.

Si le Pacte pour un Enseignement d’Excellence a eu le mérite, en phase 1, de lever le tabou des inégalités scolaires, il n’en est pas de même pour celui concernant les réseaux. La peur de raviver une guerre scolaire en est sans doute une des causes. Il est en outre difficile, certainement pour la même raison, de trouver des textes « scientifiques » analysant les populations d’élèves fréquentant l’un ou l’autre réseau. Cependant, quelques données sont à notre disposition, données qui se basent sur les Indices Socio-Économiques (ISE) des implantations scolaires.

Ainsi, toujours dans la phase 1 du Pacte, nous pouvons découvrir, dans le rapport « Contribuer au diagnostic du système scolaire »[1], offert très généreusement par McKinsey à la FWB, un graphique présentant les fortes différences d’ISE à travers les réseaux.

Nous pouvons donc constater que, pendant les années de maternelle et de primaire, les différents réseaux accueillent des élèves sensiblement de même ISE. Cependant, la différenciation se marque très nettement dès la 1ère secondaire : l’enseignement officiel subventionné accueille, en moyenne, une grande part des élèves à ISE faible alors que la moyenne des élèves fréquentant l’enseignement libre confessionnel ont un ISE beaucoup plus élevé.

Cette ségrégation socio-économique peut en outre être quantifiée de manière tout à fait objective grâce au classement des implantations scolaires selon l’ISE, classement établi par la FWB dans le but d’apporter des financements supplémentaires aux établissements à ISE faible[2].

Les résultats concernant les écoles secondaires en Communauté française font apparaître assez clairement que l’enseignement libre confessionnel et l’enseignement officiel subventionné[3] comptent presque autant d’implantations « ghettos de pauvres »[4] : 102 pour l’enseignement libre confessionnel, 122 pour l’enseignement officiel.

Tout aussi clairement, il apparaît que le réseau de l’enseignement libre confessionnel compte 123 implantations « ghettos de riches »[5] alors que l’officiel subventionné n’en compte que 22, soit 5,5 fois moins.

Nous pouvons donc en conclure que les réseaux agissent comme de puissantes instances de ségrégation sociale, surtout dans l’enseignement secondaire.

Les raisons de ces inégalités sont probablement multiples, mais les études portant sur ce point spécifique sont quasi inexistantes. Ce tabou a visiblement la peau dure.

Comment expliquer dès lors ces différenciations ? Certaines directions trient-elles les élèves ? ou dissuadent-elles certains de s’inscrire dans leurs établissements ? Certains établissements de l’enseignement libre confessionnel se spécialisent-ils afin de garantir leur caractère élitiste et d’attirer ainsi une certaine catégorie d’élèves ?

Ces questions restent ouvertes et mériteraient des analyses plus précises.

Cependant, cette situation nous semble intolérable. La fusion des réseaux en un réseau public subventionné nous semble donc essentielle pour s’attaquer aux inégalités scolaires et assurer une certaine mixité dans les différents établissements scolaires.

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Voir tous les détails de notre proposition sur la page consacrée

 

Notes

  1. McKinsey, « Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB », juin 2015, p.45.
  2. Cette liste est actualisée tous les 5 ans. Pour ce comptage, nous nous sommes basés sur l’arrêté du gouvernement du 23-04-2020 (docu 48085)
  3. Cette appellation recouvre tant les implantations appartenant au réseau WBE que celles appartenant au CEPEONS
  4. Implantations scolaires ayant un ISE de 1 à 5.
  5. Implantations scolaires ayant un ISE de 15 à 20.