« Quand on veut, on peut… »

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Souvenez-vous de « L’Instit’ », l’inoubliable série télé, diffusée entre 1993 et 2005. Victor Novak, ancien juge pour enfants, devenu instituteur sur le tard, effectuait des remplacements à travers toute la France. En plus de se montrer excellent enseignant, genre pédagogie active et école ouverte – et au pied levé, s’il-vous-plaît -, il parvenait à résoudre dans chaque épisode un problème touchant un des enfants qui lui étaient confiés : racisme, illettrisme, maltraitance sur mineur, chômage, immigration clandestine, séropositivité, refus de scolarisation, homoparentalité, handicap, maladie, etc. Vraiment fortiche, le gars, que la vie n’avait pourtant pas épargné (il était sans nouvelles de sa femme et de sa fille) ! En 1995, Gérard Klein, l’interprète, recevra d’ailleurs des mains du ministre François Bayrou les Palmes académiques…

L’idée de la série avait été soufflée à Pierre Grimblat et à Didier Cohen par un certain… François Mitterrand, qui souhaitait transmettre des valeurs civiques par l’intermédiaire d’une fiction. Il est vrai qu’à l’époque on assistait à la résurgence de l’extrême-droite. Il est vrai également qu’à l’époque devenaient par trop visibles les conséquences sociales dévastatrices du virage néolibéral amorcé au tournant des années ’70-’80, quand, après les Trente Glorieuses, les gouvernements avaient décidé de sabrer dans les services publics et de demander aux agents d’en faire toujours plus avec toujours moins de moyens.

On comprend dès lors l’empressement des dirigeants politiques à seriner aux oreilles de la population cette légende : l’agent de service public qui le veut vraiment peut, quelles que soient les conditions, remplir sa mission. L’Instit’ n’était pas le seul à y parvenir haut la main : pensez aux Julie Lescaut, Navarro, Cordier, juge et flic, tous compétents, efficaces, bienveillants, disponibles 24h./24 et 7j./7… et, pendant leurs temps libres, parents admirables. Pensez aux nombreuses productions qui nous disaient la même chose du personnel soignant, des pompiers, etc…

Cette légende, il est fort à parier que l’on nous en rebatte les oreilles dans les mois à venir. Dans la mise en oeuvre du Pacte d’excellence, les décideurs planchent sur l’évaluation des enseignants. Les documents de travail qui ont « fuité » annoncent une approche qui fleure bon le New Public Management. Les « mauvais » enseignants, ceux qui n’en feraient pas assez (évalués par qui, sur quels critères, avec quelles garanties contre l’arbitraire?), seraient menacés.

Nous le reconnaissons volontiers : une évaluation continue est vitale dans tout projet démocratique. Et il est tout aussi vrai que sévissent dans l’enseignement des personnes – très minoritaires – littéralement indignes de la profession.

Mais croire que la responsabilité du changement de l’Ecole repose sur les seules épaules des personnels n’en reste pas moins une grossière erreur. Prétendre (et laisser dire) qu’il suffira d’un peu plus de bienveillance et d’engagement de leur part relève – au mieux – d’une grande légèreté.

Rappelons-le une fois encore. L’avènement d’une Ecole démocratique – notamment d’un corps enseignant qui travaille collectivement dans la même direction – suppose des conditions que nous ne voyons pas remplies : un projet progressiste, sans ambiguïté; une formation initiale et continuée revue dans ce sens; une refonte structurelle du système, nous libérant des effets du quasi-marché scolaire; et des conditions de travail à la hauteur des besoins. Ambition et équité dans l’éducation!