Le Soir du 27 mars dernier se faisait l’écho de la thèse de doctorat – en sciences juridiques – défendue par Mathias El Berhoumi (FUSL). Sous un titre évocateur, « La liberté d’enseignement, un frein à l’égalité face à l’école ? », le journaliste F. Voogt présentait l’objet de la thèse en question et donnait la parole à son auteur. Synthèse et extraits choisis…
Pour rappel, la liberté d’enseignement recouvre deux traits de notre système scolaire : d’une part, une liberté d’organisation (ouvrir, organiser une école, opter pour telle ou telle approche pédagogique…) et, d’autre part, la liberté de choix des parents (choisir l’école de son enfant et, dans une école officielle, le cours de religion ou de morale). Un principe coulé dans la Constitution. A l’époque, il s’agissait de restreindre l’intervention de l’Etat en matière d’enseignement et de permettre aux communautés religieuses d’exprimer leur foi à travers leur enseignement. Le libre choix de l’école par la famille n’apparaît, quant à lui, qu’en 1914, avec la première loi sur l’obligation scolaire. Selon M. El Berhoumi, le décret « Missions » de 1997 marque une rupture : en effet, désormais, il y a des objectifs pédagogiques communs à tous. Cependant, force est de constater quinze ans plus tard que la dualisation de l’enseignement demeure. Le libre choix est un des principaux facteurs de reproduction de ces inégalités. Il faut dès lors le réguler, quitte à réviser la Constitution…
De la liberté d’enseignement comme facteur de dualisation : « Il y a consensus scientifique qui montre que la liberté de choix des parents met les établissements en concurrence et que la liberté des écoles leur permet de faire jouer toute une série de variables pour sortir par le haut de la concurrence, comme le fait de procéder à une sélection à l’entrée ou de choisir des méthodes pédagogiques plus traditionnelles qui correspondent aux attentes d’une certaine partie de la population. On finit par aboutir à une ségrégation de la population et au fait que certaines écoles ont une population à indice socio-économique particulièrement élevé alors que d’autres sont majoritairement composées d’élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés. »
De l’anachronisme de la liberté d’enseignement : « A l’époque, on estimait qu’il fallait que ceux qui dirigent leur école soient maîtres de ses orientations philosophiques et religieuses, que ce soit dans le choix du personnel, des programmes ou des élèves qui fréquentent son enseignement. Or, cette dimension religieuse est aujourd’hui moins présente. Ce n’est plus un motif principal du choix de l’école. On est même quelque peu dérangé quand on veut fonder des écoles sur des motifs religieux. Rappelons-nous la polémique autour de la création d’écoles musulmanes. Le problème, c’est que la liberté organisationnelle et le libre choix sont indissociables dans le régime juridique de la liberté d’enseignement. Ils sont soudés par les convictions philosophiques et religieuses dont ils garantissent le respect. La liberté de fonder une école selon ses conceptions s’accompagne nécessairement du libre choix, et vice-versa, parce que les parents sont libres de choisir une école du genre d’éducation qu’ils souhaitent, les pouvoirs organisateurs jouissent de la liberté. Or, étant donné que cette polarisation philosophico-religieuse de l’éducation est datée, on peut aujourd’hui remettre en question l’insécabilité des deux versants de la liberté d’enseignement, et considérer qu’on peut davantage encadrer le libre choix, tout en desserrant l’étau autour de la liberté organisationnelle. »
Des limites des décrets « inscriptions » : «Ils visent moins à limiter la liberté de choix qu’à mettre des critères de départage lorsqu’il n’y a plus assez de choix dans les écoles. On n’a pas touché au libre choix et, du coup, pas atteint les objectifs de lutte contre la dualisation de l’école. »
Alors, Mathias El Berhoumi, quand il prône une régulation des inscriptions dès le fondamental, est-il un candide qui méconnaît la frilosité du politique en la matière ? « Il faut voir ce que l’on vise », répond-il. « Si on veut arriver à plus d’égalité dans l’enseignement, on doit prendre les mesures adaptées et qui bouleversent véritablement les fondamentaux de l’enseignement. »
PhS