Plaidoyer pour un enseignement multilingue

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« Il est frappant de constater qu’en Belgique francophone, dans pas moins de 249 écoles bruxelloises et wallonnes, les élèves suivent certaines « matières normales » dans une autre langue que le français. Dans l’immense majorité des cas, cette langue est le néerlandais. (A Bruxelles, cela n’est d’ailleurs pas possible dans une autre langue) ». Dans les pages politiques du « Standaard », on ne lit habituellement que peu d’éléments positifs sur la Belgique francophone, mais le 27 août, on y trouvait un article vantant les mérites de l’enseignement en immersion dans les écoles wallonnes et bruxelloises francophones.

Cette année, vingt « écoles en immersion » wallonnes et bruxelloises supplémentaires se lancent dans cette nouvelle méthode d’enseignement.
Le journal De Standaard a donné la parole à Piet Van de Craen, professeur à la VUB et spécialiste de l’enseignement multilingue. Il ne voit que des avantages à l’enseignement en immersion.

«Nous avons tout analysé et l’on constate des effets positifs à plusieurs niveaux : les connaissances, les compétences, la maîtrise de la langue maternelle, des matières, ainsi que la motivation des élèves suivant un enseignement en immersion sont meilleurs. Il n’est pas surprenant de constater que les élèves apprennent à mieux utiliser la langue étrangère dans ces conditions, mais ils maîtrisent également mieux leur langue maternelle, car ils réfléchissent dès leur jeune âge aux langues. Et ils maîtrisent même mieux les matières enseignées. Nous avons également montré grâce à des scanners du cerveau que les enfants bilingues doivent réfléchir moins longtemps pour effectuer des additions simples. Pour répondre à la question : « 7+6 est-il égal à 8+4 ?», les cerveaux des élèves en immersion avaient besoin de moins d’énergie que ceux des enfants qui n’avaient appris la seconde langue que selon la méthode ordinaire. L’immersion est donc non seulement une nouvelle méthode d’apprentissage des langues, elle constitue également une meilleure méthode d’enseignement ».

Et en Flandre?

L’enseignement en immersion n’existe actuellement en Flandre que dans 9 écoles, comme projet pilote. Pascal Smet (SP.A), ministre flamand de l’enseignement : « Je suis partisan de l’enseignement multilingue, mais il ne doit pas devenir un enseignement d’exclusion sociale. (…) Le Gouvernement a décidé que le projet pilote devait d’abord être évalué. Dans le cas d’une évaluation positive, il sera difficile de ne pas continuer dans cette voie ».
Selon Van de Craen, tous les pays européens introduisent l’enseignement en immersion, Portugal, Islande et Danemark exceptés.
Van de Craen trouve le retard flamand incompréhensible. « Celui-ci s’explique par les sensibilités linguistiques et la peur de la francophonisation de la périphérie bruxelloise, mais l’enjeu n’est ici pas politique. (…) Même dans la périphérie bruxelloise, l’enseignement en immersion n’est pas un danger. En effet, les enfants francophones suivent l’enseignement dans les deux langues.»
« Beaucoup de pays nous envient le fait qu’en Flandre, les langues sont pour ainsi dire présentes partout, mais ils sont surpris que nous n’en fassions pas usage »

1 COMMENT

  1. Réponse à « Plaidoyer pour un enseignement multilingue »
    Si les élèves en immersion sont les meilleurs, c’est surtout, hélas, qu’ils sont majoritairement issus des classes sociales les plus favorisées ou que, quand ils ne le sont pas, ils sont pourvus des parents les plus attentifs et les plus exigeants.

    Dans ma classe de quatrième TT, où débarquent chaque année des éclopés du général, sans que personne ne s’avise que les exigences du Transition technique sont identiques ou parfois supérieures à celles du général, j’ai pu constater de manière récurrente que les AOB arrivant d’immersion sont parmi les plus faibles en français, matière que j’enseigne, et qu’ils sont, en plus, très moyens dans la langue où ils ont été immergés, d’après mes collègues professeurs de langue.

    Il est très facile de tirer de grandes théories de l’observation d’un phénomène ultra minoritaire pour n’en garder, de plus, qu’un des aspects, sans s’interroger sur les autres paramètres, qu’ils soient sociaux ou intellectuels. Sans parler du fait que les résultats de cette étude ont été présentés, dans les quotidiens tout du moins, mais c’est là que la majorité s’informe, comme la preuve euclidienne que le néerlandais pouvait aider les pauvres petits francophones à maîtriser leur langue maternelle qu’ils sont manifestement trop niaiseux pour dominer autrement.

    Je ne suis pas contre l’enseignement en immersion a priori; je constate simplement qu’il est loin de convenir à la majorité des élèves, qu’il est un outil de discrimination scolaire (finalement, en immersion, on est « entre soi ») et qu’il coûte plus cher. Ce sont des chose qu’il faut rappeler. Et je ne suis pas convaincue que laisser volontairement sur le côté sa propre langue permette de susciter de l’intérêt pour elle et pour la culture qu’elle porte et qui la porte.

    On me rétorquera que la preuve est faite depuis belle lurette qu’un enfant plongé dans une langue étrangère se débrouille finalement très rapidement. C’est vrai, mais pas toujours : il n’est que de voir les difficultés parfois insurmontables auxquelles font face beaucoup d’élèves quand, à la maison, on parle autre chose que le français. Et pourtant, ils sont de facto en immersion!

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