Sept leçons pour une pédagogie de classe

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Lorsque vous entendez parler des enfants étrangers dans notre école, on en parle souvent comme s’ils représentaient un problème ou un atout pour «nos» enfants. Un problème, car le rythme et la qualité du travail scolaire seraient ralentis d’une manière très préjudiciable. Un atout car la diversité des origines et des langues permettrait un contexte de travail enrichi et plus stimulant d’un point de vue culturel et social. À la première observation – “avec tant d’étrangers, le niveau et le rythme de travail scolaire sont pénalisés, ceux qui en souffrent sont nos enfants” – nous avons tendance à riposter avec la seconde: “c’est vrai, c’est peut-être difficile, mais nous y gagnons à être ensemble”.

On ne donne donc pas une réponse spécifique et dirigée vers les préoccupations des parents. On leur tourne seulement autour, on tergiverse. Mais les parents ne sont pas dupes… Je travaille dans les écoles. Je rencontre des parents et ils me posent des questions. Ces questions parfois ne regardent pas directement leurs propres enfants. Ils me questionnent aussi sur le classisme sociale de l’école. Ainsi je me sentais dans l’obligation morale (ainsi qu’humaine et professionnelle) de répondre de façon documentée à leurs questions …

Première leçon: le niveau de l’école

La présence d’élèves étrangers et parlant une langue étrangère, ainsi que les données sur les taux d’analphabétisme de retour peuvent inquiéter les parents. Pourtant, l’idée que le niveau général de formation des nouvelles générations est diminué n’a aucun fondement.

Dans la comparaison entre les générations, les données qui ressortent des enquêtes statistiques indiquent un nombre croissant de diplômés. Chez nous (au Tessin, Suisse), il suffit de rappeler l’augmentation du nombre d’élèves du LICEO (collège), à partir des années 70 (nombre plus que triplé).

Le niveau de préparation des étudiants, à partir des années 60, a aussi augmenté: et cela vaut pour tout le monde, car aussi les étudiants les moins préparés sont bien meilleurs que lorsqu’ils venaient exclus de l’école. Non seulement le nombre d’étudiants a augmenté, mais a augmenté aussi le nombre d’années passées sur les bancs de l’école!
En effet, l’actuelle institution école forme au moins deux fois plus de bons élèves par rapport sa période élitaire (Baudelot, Establet, 1989).

Quand certains employeurs se plaignent que les élèves devenus apprentis n’ont pas acquis les niveaux requis, ce n’est pas le niveau de formation qui s’est abaissé, ce sont les élèves qui ne sont plus les mêmes. Beaucoups de ceux qui signent aujourd’hui un contrat d’apprenti ne l’auraient pas fait dans le passé. Ils seraient immédiatement entrés en emploi, à 15 ans, sans formation. Aujourd’hui, cela est de plus en plus rare.

D’ailleurs même chez les apprentis l’exigence d’isser le niveau des examens continue d’augmenter (cela étant le seul moyen de rester compétitif).

Deuxième leçon: les compétences en lecture …

Dans le passé on a beaucoup entendu parler d’analphabétisme. Aujourd’hui, nous parlons plutôt d’analphabétisme de retour, c’est-à-dire une maîtrise insuffisante des compétences de lecture et d’écriture. L’analphabétisme constituant un handicap beaucoup plus fort.

L’analphabétisme concerne les citoyens qui n’ont jamais appris, qui jamais sont entrés dans un cycle de formation. L’analphabétisme de retour est un phénomène qui touche une personne qui a fréquenté l’école, qui a appris, mais ensuite oublié. On parle aussi de illétrisme.
Si l’on considère les phénomènes de l’analphabétisme et de l’analphabétisme de retour, les données peuvent paraître contradictoires. Les statistiques nous montrent que le nombre d’analphabètes a diminué, ou presque disparu. Alors que le taux d’analphabétisme de retour atteint un pourcentage très préoccupant dans tout le monde industriel.
Au Tessin le 15% des jeunes de quinze ans (PISA 2000, Maccagno, 1993) sort de l’école (secondaire) avec des graves difficultés en lecture.Les données relatives au monde occidental (USA en tête) donnent des indices allant de 15 à 20% d’adultes avec de sérieuses difficultés.

Dans une étude genevoise, le 10% des élèves perdent leurs compétences « normales », qu’ils avaient acquis en lecture, écriture et calcul, dans les années suivantes (Girod)!
Girod écrit: “L’intensité et le rendement de l’action des mécanismes du learning et de la conservation dépendent en dernier ressort des motivations relatives aux savoirs en cause – lire, écrire, calculer – et de la fréquence des occasions de les utiliser. . Or, dans la société moderne, une partie des individus ont peu de raisons de se soucier beaucoup de bien savoir lire, écrire et calculer, peu d’occasions aussi de se servir de ces outils“ (P. 43).

Comment pouvons-nous considérer les données sur la disparition de l’analphabétisme d’une part, l’augmentation de l’analphabétisme de retour d’autre part et l’augmentation globale de la formation?

En bref, la formation augmente mais aussi leses illétrés? Ces données sont ou ne sont pas contradictoires?

Une lecture possible, approximative avec un bon degré de possibilité, nous dit:
– dans les années 30-60, on relevait les données relatives à la formation primaire et aux analphabètes,
– aujourd’hui, désormais, on compare les données sur l’enseignement secondaire et l’analphabétisme de retour!
Cela témoigne des changées et accrues nécessités de la formation, pour l’accès au monde du travail en général. Desormais après la phase de massification des études secondaires on ne mesure plus l’analphabetisme, mais l’illétrisme.
Lors du passage des societés pré-industrielles à celles industrielles ont mesurait les taux d’analphabétisme.

Avec l’avènement des sociétés fortement industrialisées et post-industrielles on mesure les taux de l’analphabétisme de retour. Cela nous indique que le phénomène de l’analphabétisme est un problème typique des sociétés pré-industrielles, sous-développés ou en développement, tandis que l’analphabétisme de retour est un phénomène décidément post industriel, étroitement lié aux processus de production, aux capacités productives accrues, ainsi qu’à l’augmentation des besoins de formation, ainsi qu’à l’optimisation et la compétition des ressources.
L’analphabétisme de retour est une conséquence caractéristique, inévitable et inexorable du capitalisme avancé …

Troisième leçon: les classes homogènes et les classes hétérogènes

Ici et là, vous l’aurez lu ou entendu, les parents, les éducateurs, et les politiciens se plaignent que les meilleurs élèves et étudiants sont pénalisés par la promiscuité avec des étudiants moins performants. En bref, les élèves moins performants ralentissent le rythme de nos “enfants”, les meilleurs, qui doivent toujours attendre.
Avec “classes hétérogènes” on se réfère à des classes où tous les élèves – bons et moins bons – sont ensemble.
Il est question de “classes à niveau”, ou de “classes homogènes” (par opposition aux classes hétérogènes), pour les classes où les élèves sont séparés selon des caractéristiques ethniques, linguistiques ou cognitives. Dans la pratique, en faisant référence à une différenciation des programmes d’études qui sépare les étudiants. D’un côté l’élite (les meilleurs) avec une classe spéciale pour eux, d’autre côté une masse (les pires) avec une autre classe. A vraie dire il serait correct de parler d’écoles ségréguées.
Les écoles hétérogènes sont celles qui existent par exemple dans le canton du Tessin: une seule école obligatoire pour tous, sans distinction (ou presque, vu que notre “Scuola Media” (secondaire obligatoire) même si elle organise des cours à niveaux, en 3éme et 4éme, ne présente pas des classes intégralement homogènes).

Il existe deux types de recherche qui tiennent compte de la composition des classes. Celles qui tiennent en compte les conditions pédagogiques du travail et celles qui ne le font pas.

Pour ce qui concerne la recherche USA et européenne, les conclusions sont les suivantes:
– à qualité pédagogique égale et à contenus d’enseignement et d’apprentissage égales, les résultats entre les classes « fortes » et les classes «faibles» ne diffèrent pas significativement. Cela soit pour le secteur primaire que secondaire. L’effet de la composition des classes et donc nul en ce qui concerne les résultats des élèves, placés dans une classe plutôt que dans une autre (Slavin, 1987, 1980).
Même dans une étude réalisée à Genève (voir Rastoldo, Bain, Davaud, Favre, Hexel, Lurin, Soussi), on découvre que la réussite des élèves est similaire dans les différents systèmes de regroupement des élèves (classes homogènes et hétérogènes). C’est-à-dire que les meilleurs élèves dans des classes hétérogènes (mixtes) rejoignent les mêmes résultats que les meilleurs étudiants regroupés dans les « classes fortes ». Et l’étudiant moyen atteint des résultats similaires dans les deux types de structure …
Ainsi: la création de classes séparées a un effet nul à des conditions d’égalité. Le différent degré de formation en sortie de l’école, le niveau rejoint par les élèves à la fin du programme d’études, ne dépend pas de la façon de réunir les étudiants.
Toutefois, si les conditions (l’argent investi, la quantité et la qualité de l’enseignement, le nombre d’élèves par classe, les attentes des enseignants, etc …) ne sont plus égales pour les deux groupes, les résultats scolaires sont aussi différents (Dupriez, Draelants).

C’est-à-dire: dans la composition des classes en fonction des critères de niveau, l’effet que nous savons nul se transforme en effet réel, concret, tangible, de caractère négatif, lorsque les conditions pédagogiques de travail se détériorent! Par contre, lorsque la classe d’élèves « forts » est favorisée par l’augmentation de ressources financières (et humaines), l’effet de la ségrégation est positif (pour cette classe).
Dans cette comparaison entre « classes performantes » et « classes faibles », les classes faibles marchent sur place, même elles régressent, alors que les classes fortes améliorent leur performance (Dupriez, Draelants).

L’effet du regroupement des élèves, en fonction de leurs compétences, a donc un effet positif sur les classes d’élèves « forts » Pourquoi? Mais parce que ce groupe est devenu le bénéficiaire direct et exclusif d’une politique d’investissement scolaire clairement élitiste! Ce qui signifie: plus d’argent et meilleures conditions de travail en général.

En bref, ce qui est caché est que l’effet positif n’est pas dû au regroupement des meilleurs élèves, mais plutôt aux meilleurs investissements financiers, éducatifs et humains! Je voudrais bien voir combien de classes et lesquelles, qui soient de niveau élevé, moyens, bas ou infime, n’amélioreraient pas leur niveau global lors de l’augmentation des ressources mises à leur disposition.

L’effet de «meilleures conditions» pédagogiques pour tous on peut le voir enfin avec les confrontations internationales PISA. Il suffit de regarder aux pays scandinaves, où, à de générales conditions de salaires favorables et meilleurs, s’associent des horaires réduits de travail, la politique des congés, des classes moins nombreuses, la relation entre n° de PC et les étudiants …

Autre fait intéressant, peut-être avec un effet moins marqué chez nous, est la ségrégation résidentielle. Les immigrants et les couches sociales inférieures ont tendance à fréquenter les grandes écoles situées dans les quartiers «populaires», ils montrent un degré global inférieur de succès, et montrent également un mineur degré d’investissement dans l’éducation de la part des acteurs scolaires (Meunier).

Or, en vérité, ceux qui théorisent la création de structures à niveaux poursuivent un dessein hiérarchique, qui diffuse des dispositifs pédagogiques inégalitaires. Celle-ci est la seule validité scientifique des classes homogènes. Cela en dit long sur les véritables intentions élitaires des ségrégationnistes.

Quatrième leçon: les classes spéciales

Le faible taux de réussite des élèves immigrants par rapport aux élèves autochtones est un fait qui caractérise nombreux systèmes scolaires. D’autant plus si les systèmes sont plus sélectifs.
Aujourd’hui, les élèves immigrants sont beaucoup plus facilement attribués à l’éducation spéciale que dans le passé (Kronig 2001, 2003). Au Tessin, ce phénomène est observable avec les étudiants qui fréquentent les cours pratiques dans les écoles moyennes, ou le Service de soutien pédagogique.
Ces évolutions sont comparables aux procédés de création de sous couches dans le marché du travail. Plus il y a d’immigrants dans le système et plus grande est la possibilité d’ascension sociale pour les autochtones. Cela est aussi vrai au travail qu’à l’école (Hofmann).
À ces données, nous pouvons ajouter que (Kronig, 2003):
– l’assignation à une classe spéciale varie d’un canton à l’autre. Au Tessin, il est bien connu, les étudiants qui fréquentent une école spéciale sont assez peu (environ 1%);
– l’assignation des étrangers dans des classes spéciales se fait en fonction des places disponibles. Plus il y a de places, plus augmente le pourcentage des élèves étrangers assignés à ces classes spéciales;
– cette question connaît un continuum: depuis les années 80 le nombre de étrangers affectés à une classe spéciale a quadrupliqué;
– l’assignation d’un élève dans une classe spéciale n’est pas transparente d’un point de vue du diagnostic scientifique. L’assignation à une classe spéciale plutôt qu’à une classe ordinaire ne dépend pas du profil du QI (quotient intellectuel). L’évaluation par le QI n’arrive pas à différencier entre eux les élèves des classes spéciales de ceux des écoles normales;
– les étudiants étrangers et les étudiants suisses ne sont donc pas différenciables par le QI ;
– plus d’immigrants il y a dans un système, plus augmentent les chances de succès et d’ascension sociale des étudiants autochtones. Les jeunes suisses, qui proviennent de classes avec une grande présence d’étrangers parlant une autre langue, passent plus souvent dans les études secondaires que leurs pairs suisses qui proviennent de classes avec une mineure présence d’étrangers parlant une autre langue;
– l’échec des étrangers touche les groupes méditerranéens et pas les groupes provenant de F, A, D, GB. L’échec touche encore plus les nouveaux groupes extra-européens.
Les groupes méditerraniens sont des groupes d’immigrants à scolarité faible et de bas niveau socio-économique.
Les élèves des groupes méditerranéens de niveau social plus élevés connaissent le même succès des suisses.

Cinquième leçon: élèves étrangers ou classes sociales défavorisées ? L’ethnicisation de la diversité scolaire

Dans les discours publics, savants ou pas, les difficultés d’ordre comportemental et scolaire des élèves apparaissent de plus en plus comme effet de leur origine ethnique. Les explications culturelles, peut-être assaisonnées avec le déterminisme socio-biologique le plus vulgaire (combien de fois, on entend dire que “les Slaves sont croisés avec des Arabes” …), prévalent sur celles qui sont liées aux origines sociales. Dans le passé récent, il y a eu une véritable transformation du discours sur la détresse et la naissance d’une catégorie d’intervention publique relative aux origines géographiques (Mottet, Bolzman).
Si dans les années 60 on mettait l’accent sur l’origine sociale, aujourd’hui l’accent est plutôt mis sur les origines nationales et ethniques, pour justifier l’échec ou le manque d’intégration dans l’école.

Cependant, dire que l’étudiant est étranger ou parle une autre langue ne suffit pas.
Par exemple:
– d’une part, nous avons les enfants originaires des districts (pays) industriels qui ont des réussites analogues à celles des enfants suisses, d’autre côté nous avons les enfants provenants du méditeranée sous industriel, avec une réussite de niveau plus bas … (Rosenber S. Lischer, R. Kronig, W., Nicolet M., Burl A., Schmid P., Bühlmann R,);
– si l’on regarde les statistiques se rapportant au soutien pédagogique au Tessin, nous observons un mouvement similaire. Dans le soutien pédagogique, les élèves étrangers sont «surreprésentés» par rapport à la population “normale”. Ici aussi, apparemment, la plupart de ces élèves est originaire du bassin méditerranéen et des pays du tiers-monde (celle-ci n’est pas une statistique, mais une observation personnelle auprès différents collègues);
– dans le soutien très difficilement on trouve des élèves de classe sociale élevée des pays méditerranéens;
– les gars en provenance des pays d’Europe du Nord et industrialisés ont généralement un avantage sur les garçons de la Méditerranée et le Sud « .

Le remplacement de la catégorisation sociale par la catégorisation ethnique est le reflet des processus récents de la mondialisation, de l’optimisation et de la délocalisation des ressources (ressources = main-d’oeuvre). Le conflit de classe vient automatiquement et mondialement internationalisé, soit en déplaçant les zones de production où le travail est moins cher, soit en déplaçant la main-d’œuvre dans les centres de production.
Ces processus, de concentration et de mondialisation, (par conséquent) ont accéléré les mécanismes de paupérisation et la migration vers les pays riches.
Ces dernières années en Suisse, de cette façon, nous avons observé l’arrivée:
– de cadres qualifiés, en particulier en provenance de pays industrialisés tels que D, F, A, GB
– un sous-prolétariat de masse (lumpenprolétariat) réparti entre les travailleurs non qualifiés, réfugiés de guerre, réfugiés politiques ou réfugiés économiques en provenance de la région méditerranéenne, de pays extra-européen, d’Afrique, des Caraïbes, de l’Amérique du Sud.

Il n’est pas étonnant de découvrir que la différente collocation géographique et professionnelle des parents correspond à une catégorisation analogue de la réussite de leurs enfants à l’école … d’un côté les pays industrialisés, d’autre côté les autres.
Il n’est pas étonnant de découvrir que les réussites scolaires, avec la formation de particulières dynamiques sous-culturelles, suivent souvent les sorts socio-professionnels des parents (Kronig).

En bref: l’ethnicisation du discours pédagogique marche assez bien, mais seulement pour certains groupes ethniques. Il s’applique pour les groupes ethniques du pays méditerranéens, par exemple. Il s’applique pour les citoyens de l’Afrique. Il ne fonctionnera pas pour les Allemands, les Français ou les Autrichiens … Faut-il se émerveiller?
Les thèses individualistes, ethniques, sociobiologiques et racistes de la réussite font totale abstraction des déterminations sociales, économiques, historiques, biographiques des étudiants.

Ces thèses s’appliquent de façon discontinue.

Le développement du discour ethno-pédagogique est ainsi un phénomène strictement lié à la mondialisation et à l’optimisation des ressources, qui parcoure les abîmes sociaux produits par l’économie capitaliste.
Il y a un problème de la pédagogie, lorsque les processus de paupérisation, de recherche d’une meilleure vie, de déracinement social, et ainsi de suite … sont réduits à une question de cuisine, à la reprise d’une chansonnette en classe, ou d’un conte du village abandonné.

Sixième leçon: le classisme

Le discours public sur la recherche ethnique en éducation est plus susceptible d’indiquer les variables:
– Suisse – classe moyenne-supérieure d’un côté,
– Méditerranée – classe moyenne-inférieure de l’autre.
Comme s’il n’y avait pas de classe inférieure basse. Dans la recherche devient de plus en plus difficile de trouver des données sur ce groupe « ethnique ».
Pourtant, lorsque la situation socio-économique ou professionnelle des familles est contrôlée, sont pleinement confirmées les conclusions déjà connues dans le passé (voir, par exemple, Berger, Wolter, Tozzini-Paglia).
Les déterminations socio-économiques, les déterminismes de classe enfin, sont tout à fait quotidiens.

Aujourd’hui, comment se produisent les tendances classistes en éducation?
Par exemple:
– dans la fréquence aux écoles secondaires (LICEO) ;
– dans les échecs aux licées;
– dans la fréquence à des programmes scolaires différents (lycées, écoles professionnelles, écoles pour apprentis);
– dans le nombre d’années de fréquentation scolaire;
– dans la fréquence des cours à niveaux (supérieur) à l’école moyenne, ou d’un plus grand nombre de cours à niveau;
– dans le choix des cours à niveaux. À parité de compétences, les élèves de familles aisées fréquentent plus fréquemment les cours à niveaux;
– dans les valutations;
– dans le niveau des compétences linguistiques;
– dans les compétences en matière de lecture;
– dans la fréquence de leçons privées de ratrapage (décidemment fréquentées par ceux qui peuvent les payer);
– dans la fréquence d’autres cours privés d’autre nature (aussi ici pour ceux qui peuvent les payer);
– dans les structures “d’accueil continu”, fréquentables dans la plupart des cas avec des frais inaccessibles aux familles moins aisées; – dans le nombre d’élèves suivis par les services de soutien;
– dans la graduelle et cumulative surdétermination de l’échec. Si à l’école de l’enfance, le déterminisme est présent, mais peu (en particulier avec la langue, lorsque le vocabulaire de certaines couches est restreint), comme les enfants grandissent, ces déterminations viennnent s’associer et se cumuler (le pourcentage d’enfants de classe sociale basse présent dans les services de soutien, ou avec des échecs scolaires, etc … augmente à chaque niveau d’école!).
D’autres données intéressantes peuvent être retirées à partir des indices à la consommation. En particulier, la consommation de la “culture” par les ménages (achat de livres, CD, appareils informatiques, de la fréquence aux concerts, films, etc).

Au cours des 20 dernières années aucune variation significative à modifié ces indices. C’est-à-dire, le déterminisme social existe toujours, et il est toujours massif. Même … des signes négatifs nous font penser au pire. En Suisse, le contexte social et culturel influe sur la réussite scolaire des élèves plus que dans d’autres pays (Pisa 2000). C’est peut-être mieux ne rien dire? Dans les tests PISA 2000 les meilleurs résultats ont été obtenus par des jeunes qui ont grandi dans un environnement où les parents ont une formation culturelle solide et exercent une activité professionnelle bien payée et de prestige social élevé. Une chose est claire: pour réussir à l’école, il est préférable avoir de parents suisses et instruits (Pisa 2000).

Septième leçon: les questions (FAQ) des parents

Voici les questions type des parents que je rencontre.

1) La présence de tant d’étudiants différents ensemble n’est pas négative?

2) Est-il vrai que quelqu’un vient pénalisé? Qui profite de la présence des étrangers et parlant une autre langue, dans des classes d’école primaire ou des collèges?

3) À quoi sert mettre autant d’attention sur les enfants étrangers, dans des classes d’école primaire ou des collèges?

4) Qui sont vraiment « nos enfants »

À ces questions, nous devons fournir des réponses concrètes, pratiques et politiques.

Tout d’abord va faite une observation générale.
C’est difficile de dire que le mérite des compétences, majeures ou mineures, d’un enfant doit attribués à son origine. Du style , “il est intelligent car Suisse”, “il est stupide parce qu’italien” (comme disait quelqu’un dans les années 60), soit “parce qu’il est slave” (comme on dit aujourd’hui), soit parce qu’il est “non-européen” (comme on aura tendance à dire dans le prochain futur).

L’explication raciale n’est rien d’autre qu’une tentative d’expliquer les différences individuelles, en cachant les responsabilités sociales et économiques (et aussi la responsabilité politique). Une tentative asservie à un dessin racial (et dans l’histoire nous voyons à quoi ont toujours servi ces desseins raciaux, notamment l’asservissement des masses de main-d’œuvre à coût zéro).
Déjà dans les années 40-60, aux États-Unis étaient très développées des thèses qui ont donné beaucoup d’importance au déterminisme biologique. Eysenck, parmi les chercheurs WASP les plus célèbres, asservis à la conception raciale, recherchait systématiquement des corrélations entre QI et race. Mais ce n’est pas surprenant d’observer que le développement de ces théories allait de pair avec le processus de prolétarisation de masse des noirs.

Ces recherches raciales font beaucoup d’erreurs. Mais tout d’abord ne considèrent pas des deux processus de développement différents. Deux procédés de différente nature:
– le premier est celui de la mobilité générationnelle ascendante. En effet, ces théories n’expliquent pas pourquoi, après deux ou trois générations, les fils d’immigrants montrent un niveau d’intégration complètement normalisé;
– le second est celui du marquage social. Les immigrations ont une marche cyclique. Tous les 20 ans, grosso modo, arrivent de nouveaux groupes ethniques “majoritaires”. Ainsi on à toujours un nouveau “Autre”, nouvelle cible des thèses socio-biologiques, jamais tramontées, mais toujours actives.

Aujourd’hui, le multiculturalisme dans la salle de classe ne représente aucune richesse.
En fait, l’élève étranger (et celui qui parle une langue étrangère) doit être alligné dès que possible au travail de la classe; doit être fixé à la compréhension et la production de textes, à l’exécution de calculs, de problèmes, et passer son temps avec ses nouveaux camarades dans le travail scolaire.
Pas question de festins culinaires, …
En vérité, dans un régime où tout est sujet à la concurrence, la production et le profit, et où règne l’optimisation des ressources, le multiculturalisme enrichit seulement les poches des exploiteurs.

1 problème ou ressource?
Certainement, la reconnaissance et l’appréciation de la diversité des élèves pose des problèmes de gestion de la classe.
À nos jours, ils s’appliquent et se développent des approches de plus en plus concurrentiels, différenciés et individualisés. Approches qui prônent à “l’autonomie”, des approches qui permettent aux enseignants de stimuler au mieux les compétences réelles des élèves testés.
L’augmentation des étudiants étrangers et parlant une autre langue, qui s’est produite au cours des dix dernières années, a entraîné une augmentation des charges pour les enseignants. Lourde est la reconnaissance de cette diversité et sa valorisation, car elle nécessite des compétences didactiques et de gestion assez complexes … Pour dire la vérité les charges ont augmenté aussi à d’autres nombreux niveaux.
Les problèmes, s’il y a des problèmes, doivent êtres résolus avec des ressources.
Les solutions de ségrégation (comme les classes séparées), en plus qu’êtres éthiquement indéfendables, sont clairement des solutions pour l’élite.

2 Qui perd et qui profite:

2.1 La présence des étrangers, en général, représente un avantage pour les étudiants suisses.

Plus il y a d’immigrés dans un système, plus augmentent les chances de réussite et l’ascension des élèves indigènes. Les jeunes suisses qui viennent de classes avec une grande présence d’étrangers passent plus souvent aux études secondaires que leurs camarades suisses qui viennent de classes avec un nombre réduit d’étrangers.

2.2 Par contre la création de classes homogènes ou préférentielles sert une politique classiste de la formation (classes pour le privilège). Sert des intérêts de classe. Mais certainement pas la classe populaire. Les conséquences sont un plus grand investissement financier et éducatif des classes élitaires, moins d’investissements financiers, pédagogiques, humains dans les autres classes.

Les pressions politiques actuelles, qui vont dans ce sens, sont instrumentales à la formation de nouvelles élites, comme à la reproduction de la stratification sociale et aux nouveaux dirigeants, etc.

3 le refoulement de la question de classe

Mettre l’accent sur les enfants étrangers, plutôt que de parler d’enfants de classe sociale basse, sert à au moins à 2 choses.

3.1 La préservation de la domination.
Introduire un paradigme ethnique conduit à l’élimination de la question de classe. Si nous parlons des étrangers nous ne parlerons pas de l’exploitation. Nous évitons de mettre l’attention sur les privilèges et l’exploitation.
Ceci conduit à la constitution d’alliances entre les différents groupes sociaux de la population.

3.2 La protection du privilège (qui a besoin de mettre l’accent sur les étrangers).
Qui soutient l’affirmation selon laquelle le niveau de l’école est diminué? Quel sujet social a l’intérêt de poursuivre sur la voie de la séparation des élèves?
L’école souffre de l’élitisme de sa culture, culture de la classification et de l’élimination précoce, de sa tolérance aux inégalités et de la reproduction du privilège (Baudelot, Establet, 2009).

L’école demeure l’otage des idées qui lui ont donné naissance au début du 900. Distinguer une petite élite sans trop se soucier du niveau des autres. Au plus, aux signes de protestation et d’insubordination des jeunes désespérés répondra par des mesures visant à maintenir l’ordre public.
Pour certains, la méritocratie est une course pour le meilleur emplacement, pour d’autres, plus nombreux, la méritocratie se traduit dans la relégation rapide, se traduit dans par l’échec, dans l’attente d’entrer dans le monde du travail.
Ce qu’on veut c’est de préserver une école pour une élite.

La généralisation de l’instruction secondaire, en vérité, en a modifié la réalité sociale: elle ne peut plus être un instrument de différenciation sociale, mais constitue pour tous la base indispensable pour vivre dans la société contemporaine.

4, nos enfants

4.1 Lorsqu’un parent de classe moyenne et moyenne inférieure fait sien le discours «ethnique» sur la gêne de l’école, il est convaincu de mieux défendre ses enfants.
Cette défense des enfants, avec la conséquente recherche d’une meilleure école, est dans son droit et devoir de parent.

Malheureusement, il doit comprendre et que l’exclusion d’un prétendu élève qui gâche l’école, des élèves qui font baisser le niveau, des élèves étrangers qui dérangent, des élèves pauvres qui puent, ou autre, ne correspond pas vraiment protection de ses droits de «classe». Il croit défendre ses enfants. En vérité, cette exclusion des autres favorise seulement le privilège de quelques-uns.

Lorsque ce parent fait pression pour l’exclusion de quelque élèves dérangeants, en vérité il soutient la relégation sociale des classe moyennes basses.

4.2 Au parent doivent être présentées les alternatives possibles qui se posent dans la politique scolaire. Dans ce sens, la situation odierne est très grave, ainsi que menaçante.
Les citoyens ont perdu de vue ce que sont leurs intérêts de classe. Ils récriminent (au plus) contre la présence de quelque pauvre type dans la classe de leurs enfants, ils rejoignet les slogans et la propagande populistes de l’UDC, de la Ligue, ou d’autres droites «populaires», sans même se rendre compte que ces mêmes groupes politiques veulent:

1 – Réduire l’engagement de l’Etat à l’école.

2 – déréglementer de plus en plus horaires et rythmes du travail.

Quelle hypocrisie d’affirmer que ce sont les familles à devoir s’occuper de leurs enfants lorsque les deux parents doivent travailler pour tirer la fin du mois.

4.3 Quels sont nos intérêts de classe? Il faut expliquer et déployer nos standards en éducation.

Un manifeste pour le droit à la formation est urgent.

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références bibliographiques
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