Et si on liait le subventionnement des écoles à la date d’inscription des élèves ?

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Le décret inscriptions de la Ministre Arena, bien que vidé d’une grande partie de substance, continue de susciter beaucoup d’inquiétudes, d’émotion et aussi à faire couler beaucoup d’encre.

Des voix se font entendre au sein d’écoles de bonne réputation pour se plaindre du surcroît administratif occasionné par le flux d’inscriptions à enregistrer. Cette position est étonnante; un peu comme les commerçants qui se plaindraient de devoir ouvrir plus tard lors des fêtes pour accueillir les clients.

D’autres se plaignent de l’impossibilité d’offrir (en raison de l’interdiction de changer de cycle au cours du degré) aux jeunes, qualifiés de moins « intellectuels », une orientation vers l’enseignement technique. C’est oublier l’autre décret sur le 1re degré, qui vise à assurer à chacun la maîtrise des socles des compétences à 14 ans et qui recentre les acquis sur la formation générale.

Ce décret Inscription, est une avancée considérable pour produire plus d’égalité mais son impact sera relatif tant les pressions exercées par le Segec et d’autres lobbies, notamment pour y mettre des « nuances », sont grandes que les modalités d’application sont difficiles.

Sur ce dernier point, on ne prendra véritablement la mesure du problème que début septembre, quand on identifiera le nombre réel des inscriptions, les CEB octroyés, l’ordre dans les files d’attente, les places restées disponibles, …
Par contre, l’enjeu de produire plus d’égalité, de conforter la mixité sociale risque d’être fort peu rencontré. L’altération du décret par les pressions de tout genre pour préserver la « liberté constitutionnelle du père de famille » et les campagnes médiatiques autour de ce décret, ont renforcé l’attractivité des écoles qui ne connaissaient pas de politique de recrutement, qui refusaient déjà des élèves, et qui sont investies par les milieux socio-économiques favorisés.

Des études comme PISA, de laquelle on n’a mis en avant que le faible niveau acquis des élèves de la communauté française, montrent que les performances scolaires sont déterminées par l’origine sociale des élèves. Et la Belgique, où l’enseignement est fondé sur un libre marché scolaire et où les piliers sont très tôt hiérarchisés (-les expériences d’immersion linguistique en sont la dernière illustration-) contribue ainsi à produire une société duale.
Une autre étude, réalisée par le CERISIS* sur les flux scolaires entre les établissements secondaires de la région de Charleroi, a clairement identifié 3 catégories d’écoles en référence à 2 critères : les origines socio-économiques des élèves et le niveau académique des écoles. On ne s’étonnera pas de trouver dans la « division 1 » les filières les plus prisées (quasi essentiellement l’enseignement général), celles où le taux d’échec est le moins élevé et où l’origine sociale est la plus favorable.

Inversement, en « division 3 » on trouve principalement de l’enseignement professionnel, beaucoup de retards scolaires et un niveau socio-économique des familles faible, voire précaire…

Or, ces dernières écoles, où les enseignants dépensent beaucoup d’énergie pour faire réussir les élèves, où l’on trouve aussi de la violence, de l’absentéisme important, un faible soutien des parents, des conditions matérielles peu favorables) sont peu gratifiées de leur travail. Il y a bien sûr des normes d’encadrement plus favorables pour l’enseignement technique et professionnel, il y a encore des subventions particulières pour les écoles reconnues en discrimination positives mais chacun reconnaîtra sans peine que les moyens accordés ne sont pas à la mesure de l’échec scolaire et du travail des enseignants.

Pourtant, avec les effets du décret inscription, les écoles « favorisées » feront le plein de bons élèves dès novembre, pourront compter sur l’appui des parents dans le processus éducatif, pourront bien à l’avance recruter les profs nécessaires, leur proposer un horaire et des attributions bien avant la rentrée, connaîtront leur cadre budgétaire futur..

Dès lors, à enveloppe budgétaire égale, pourquoi ne pas repenser le subventionnement sur base de la date d’inscriptions des élèves ? Grâce à cet indicateur mesurable, un élève inscrit à partir du 15 novembre donnerait moins de subventions (en argent et/ ou en capital-périodes) qu’un élève inscrit en juin et encore moins qu’un jeune inscrit en septembre, après la rentrée. Ce faisant, les écoles plus favorisées recevraient moins tandis que celles qui ont le plus de difficultés recevraient plus ; elles pourraient ainsi organiser de plus petites classes, bénéficier d’un encadrement plus solide …
Car, à défaut d’imposer la mixité sociale – on se rappellera la campagne récente contre les bassins scolaires- une politique de subventionnement discriminante, basée sur les besoins réels des écoles, produirait une plus grande égalité des résultats. Et peut-être certains parents seraient amenés à revoir leur jugement sur les écoles qu’ils jugent indignes aujourd’hui de recevoir leurs enfants.

Paul Timmermans,
Directeur du Collège Pie 10 Chatelineau

* les espaces locaux d’interdépendance entre écoles secondaires – Cerisis-UCL- août 2003