Les plans de Vandenbroucke pour un nouveau financement de l’enseignement

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Le Ministre Frank Vandenbroucke a dévoilé dans un document de travail du 15 juin 2007 ses plans pour un nouveau système de financement de l’enseignement obligatoire. Le ministre attend d’ici fin septembre l’avis du VLOR . Fin 2007, Vandenbroucke voudrait faire approuver ses plans par le Gouvernement flamand et ensuite par le Parlement flamand, afin qu’un premier paquet de mesures puisse entrer en vigueur dès l’année scolaire 2008-2009.

Les frais de fonctionnement

Dans une première phase, à partir de septembre 2008, le ministre Vandenbroucke veut organiser différemment le financement des frais de fonctionnement. Les subsides de fonctionnement par élève alloués aux écoles subventionnées s’élèvent aujourd’hui à 76 % de ceux des écoles de la Communauté. Ce système de répartition 100/76 serait abandonné afin qu’il n’existe plus de différence entre réseaux. Les écoles qui organisent différents cours de religion ou de morale non confessionnelle toucheraient un maximum de 7,5% de frais de fonctionnement complémentaires. Les écoles comportant beaucoup d’élèves à faible potentiel obtiendraient des moyens supplémentaires fondés sur quatre « indicateurs des potentialités »[[Ceci est la moins mauvaise traduction que nous ayons trouvée au terme original flamand «leerlingenkenmerken»]] des élèves : le diplôme de la mère ; l’absence de droit à une allocation scolaire ; la langue parlée à la maison et l’utilisation de la langue ; le lieu d’habitation. Un élève dont la mère n’a pas de diplôme supérieur ou de secondaire supérieur, ou qui a droit à une bourse d’études, ou qui ne parle pas néerlandais à la maison ou est faible en langue, ou qui habite une commune ou un quartier où le pourcentage d’enfants de 12 ans accusant un retard scolaire de 2 ans ou plus est supérieur à la moyenne flamande, générera plus de subsides de fonctionnement pour son école que celui qui ne répond pas à (tous) ces critères.

La combinaison de l’harmonisation entre réseaux et la prise en compte des quatre critères caractérisant les élèves aboutira à une redistribution des subsides de fonctionnement. Les écoles « pauvres » du réseau catholique et de l’enseignement officiel subventionné (communes et écoles provinciales) devraient être les grandes « gagnantes » de l’opération. Elles combinent en effet les avantages financiers d’une population scolaire à faible potentiel avec l’harmonisation de la subvention par élève entre les réseaux. Vandenbroucke assure qu’aucun pouvoir organisateur et qu’aucune école ne touchera moins de subvention de fonctionnement qu’avant. Il prévoit, à partir de 2009, 125 millions supplémentaires de subventions de fonctionnement : 80 millions pour l’école fondamentale et 45 millions pour l’enseignement secondaire. En 2008, il y a déjà 30 millions supplémentaires de prévus (20 millions pour le fondamental et 10 millions pour le secondaire). Le montant de 125 millions d’euros est inscrit dans les prévisions pluriannuelles du Gouvernement flamand actuel jusqu’en 2011. Vandenbroucke écrit pourtant que « les moyens disponibles ne permettent pas de mettre totalement en oeuvre l’harmonisation (l’abandon de la clef de répartition 100/76 ) et le financement sur base des caractéristiques de la population scolaire. Des augmentations budgétaires supplémentaires seront donc nécessaires. En attendant, les deux objectifs seront mis en oeuvre partiellement. »

Encadrement

Le deuxième paquet concerne l’encadrement, donc le nombre moyen de professeurs par élève. Les frais de personnel représentent environ 85 % des coûts de l’enseignement et sont donc bien plus considérables que les frais de fonctionnement. Ici, Vandenbroucke est beaucoup plus prudent et ne veut commencer qu’à partir de 2011. Depuis les années ‘90, des mécanismes fournissaient un encadrement complémentaire limité aux écoles à population défavorisée : la politique d’enseignement prioritaire (OVB onderwijsvoorrangsbeleid) et de remédiation étendue (ZVB zorgverbreding). Les deux systèmes de financement différencié furent remplacés à partir de 2002 par le système des indicateurs d’égalité des chances d’enseignement (GOK gelijke Onderwijskansen), introduit dans le cadre du décret « Gelijke Onderwijskansen ». Les indicateurs GOK actuels resteront en vigueur jusqu’à l’année scolaire 2010-2011 comprise, avec une légère amélioration pour les deuxième et troisième degrés de l’enseignement secondaire : diminution du seuil de 25 % d’élèves pris en compte par les indicateurs GOK et augmentation de leur influence.

A partir de 2011, les indicateurs GOK devraient être remplacés par de meilleurs indicateurs des chances de réussite des élèves, comparables à ceux qui seront déjà utilisée à partir de 2008 pour l’attribution des budgets de fonctionnement. Dès ce moment, on ne travaillerait plus sur base d’enveloppes fermées et d’un seuil comme aujourd’hui avec l’indicateur GOK. Le seuil est le pourcentage d’élèves GOK que l’école doit atteindre pour obtenir des moyens complémentaires. « Nous ne montons ni un mécanisme progressif ni un mécanisme dégressif : tous les élèves sont pris en compte par école, de manière purement linéaire. Nous ne voulons pas punir les grandes structures scolaires par un mécanisme dégressif, mais nous ne voulons pas non plus les récompenser par un mécanisme progressif. ». Comme indiqué plus haut, pour respecter la promesse de supprimer les enveloppes fermées, des moyens supplémentaires devront être prévus au plan pluriannuel du Gouvernement flamand.

Pour l’encadrement, Vandenbroucke voudrait aussi apporter des modifications aux indicateurs liés à l’école. Ce sera le travail d’un gouvernement ultérieur, mais il veut le préparer au cours de la présente législature. Pour l’enseignement fondamental, le ministre se demande « si et comment il est possible de corriger l’encadrement par élève, moins avantageux pour les grandes écoles ». Les principales modifications devraient intervenir dans l’enseignement secondaire et s’insérer dans un décret « enseignement secondaire ». « Les deux phases doivent aller de pair avec une réforme fondamentale de l’enseignement secondaire. Nous consacrerons alors notre attention au contenu du premier degré, à l’apport pédagogique, à une meilleure orientation de tous les élèves, à « étudier et travailler », au passage du secondaire à l’enseignement supérieur, à la modulation du libre choix, etc… ». Ici, Vandenbroucke ne dévoile pas encore trop ses cartes.

Il laisse entendre que le premier degré de l’enseignement secondairedevrait être plus commun qu’aujourd’hui et qu’il devrait avoir un contenu plus nettement technologique. Le cursus B (1B et 2BVL) devraient subsister en assurant mieux sa fonction de pont (ramener dans le cursus A les élèves ayant un retard important), même si aucune ébauche de solution concrète n’est formulée pour cela. « La tâche prioritaire du premier degré est l’orientation optimale des élèves en fonction de leurs talents. Pour permettre cela il faut une taille suffisante et une collaboration au sein de la communauté éducative est nécessaire, parce que c’est ce niveau qui assure le développement, qui ouvre l’accès à une large offre de formations (ASO, TSO, BSO, KSO) [[ASO = algemeen secundair onderwijs ou enseignement général ; TSO=technisch secundair onderwijs ou enseignement technique ; BSO=beroepssecundair onderwijs ou enseignement professionnel ; KSO = kunstsecundair onderwijs ou enseignement artistique)]] aux deuxième et troisième degrés. Pour ces deuxième et troisième degrés, le ministre plaide également pour de plus grandes structures et une rationalisation. « L’enseignement secondaire flamand compte également un grand nombre d’écoles, ce qui favorise des normes de rationalisation basses et un encadrement dégressif. Nous nous demandons si ça favorise toujours la qualité. » Plus loin, le ministre indique : « L’offre de l’enseignement secondaire flamand se caractérise par un grand nombre de filières spécialisées, souvent peu fréquentées. Souvent, elles sont peu intéressantes sur le marché du travail et offrent peu de perspectives de carrière intéressante aux jeunes. La fréquentation limitée d’orientations scolaires qui nécessitent une infrastructure coûteuse, ne conduit pas à une utilisation efficace des deniers publics. Le monde des entreprises veut avant tout être partenaire d’écoles fiables qui produisent toujours un grand nombre de jeunes bien formés. » Il est difficile d’interpréter cette dernière phrase autrement que comme un plaidoyer pour adapter au plus près l’offre d’enseignement des filières de qualification aux souhaits du monde de l’entreprise.

« Du fait de la dégressivité des dotations horaires, les écoles ont intérêt à offrir un large éventail de filières ou à s’adapter aux règles par des fusions ou des regroupements en vue de créer des emplois supplémentaires. Dans ces opérations, l’intérêt des élèves n’est pas toujours la priorité principale. En même temps, l’offre scolaire en Flandre est de plus en plus caractérisée par l’éparpillement. Ceci complique le travail efficace des écoles et ne permet pas une utilisation optimale des moyens. Les dotations d’horaires minimales sont une garantie d’affectation d’heures et peuvent dans certains cas entraver ou compromettre la croissance de l’école. »[[NDT: Il s’agit de dotations horaires qui sont garanties dans l’enseignement de la Communauté et pas dans l’enseignement subventionné. Le Ministre semble dire que cette garantie d’heures de cours pourrait parfois entraver le dynamisme de l’école et sa croissance. ]] Ces paragraphes ressemblent fort à ce que le Ministre Luc Van Den Bossche écrivait, il y a dix ans, dans sa note pour rationaliser et épargner dans l’enseignement secondaire. Vandenbossche avait dû réduire l’ambition de ses plans de réforme, sous la pression des syndicats (qui craignaient une perte d’emplois), de l’enseignement communautaire (qui craignait la perte de ses petites écoles du fait de la coupe dans les dotations horaires minimales et de la suppression de la dégressivité des allocations d’heures de cours) et de différents pouvoirs organisateurs de l’enseignement catholique (qui tenaient particulièrement à leur autonomie et n’étaient pas d’accord avec la souplesse de la rue Guimard vis à vis du Ministre en vue de créer partout des grandes structures scolaires avec des compétences étendues).

Il convient encore d’attendre pour voir quelles sont les réformes concrètes que Vandenbroucke entend poursuivre dans l’enseignement secondaire et si celles-ci iront bien toutes dans le sens de plus d’égalité des chances.

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Commentaire

Un petit pas dans la bonne direction

Une partie de la note de travail pour le financement de l’enseignement obligatoire contient déjà des propositions concrètes. Le timing, le budget prévu et les deux axes principaux (mise au pas des réseaux et introduction des quatre indicateurs des potentialités des élèves sont dès à présent définis pour le financement des subsides de fonctionnement. On peut également se faire une image concrète du remplacement des indicateurs GOK par quatre indicateurs des potentialités des élèves, pour définir l’encadrement complémentaire des écoles accueillant beaucoup d’élèves à faible potentiel. Le reste de la note de travail concerne principalement des modifications des « critères liés à l’école » et font apparaître que des réformes assez fondamentales se préparent, particulièrement dans l’enseignement secondaire. Cette partie reste vague et ne permet pas encore une évaluation précise.

Des points positifs …

Ce qui se trouve sur la table à court terme, au 1er septembre 2008, nous paraît positif. Une augmentation des frais de fonctionnement de 30 millions d’euros à partir de 2008 et de 125 millions à partir de 2009, couplée à la promesse qu’aucune école ne touchera moins que précédemment, constitue une avancée. L’introduction des quatre indicateurs des potentialités des élèves rend possible un financement plus différencié des frais de fonctionnement, à l’avantage des écoles accueillant beaucoup d’élèves à faible potentiel. Comme Vandenbroucke place explicitement ces mesures dans la perspective d’une politique contre la ségrégation sociale dans l’enseignement et pour un enseignement de qualité pour tous les élèves, nous ne pouvons qu’applaudir. Le programme en dix point de l’APED part de la constatation que la ségrégation sociale dans l’enseignement constitue bien le problème principal.

… mais insuffisants pour éviter la ségrégation sociale

Quand il analyse les causes de la ségrégation sociale et les raisons qui provoquent une inégalité sociale plus importante dans notre enseignement que dans les autres pays de l’OCDE, l’APED distingue au moins trois causes structurelles liées à notre système éducatif lui-même.

Tout d’abord, il y a la ségrégation précoce en filières (ASO, TSO, KSO, BSO) et en orientations hiérarchisés. Dans les faits, l’enseignement flamand propose, dès la première année de l’enseignement secondaire, 24 options différentes dans la filière A (avec en haut, encore et toujours, l’option latine). Ces diverses options constituent dans une grande mesure déjà une orientation vers les diverses filières d’enseignement. Il existe en plus une filière B, dont les élèves arriveront pratiquement tous dans l’enseignement professionnel (à plein temps ou à temps partiel) . Cette spécialisation dès 12 ans est profondément ancrée et a pour conséquence que les élèves sont mentalement prédestinés à l’une ou l’autre orientation scolaire ou au moins à un type d’enseignement. Il doit se produire beaucoup de choses pour que le fils ou la fille du médecin ou du professeur n’aillent pas vers l’ASO (de préférence une orientation scientifique ou latine) et ensuite vers l’université. Les chances sont très faibles pour qu’un enfant de parents peu instruits et sans emploi suivent cette voie. Ces faits sont connus. La note de travail de Vandenbroucke renvoie d’ailleurs à diverses études et enquêtes et contient aussi des exemples éclairants.

Lutter contre ce facteur de ségrégation sociale signifie remplacer la spécialisation précoce par un long tronc commun. Dans son programme en 10 points, l’APED plaide pour un enseignement commun de dix ans (de 6 à 16 ans), combinant une formation générale et une formation polytechnique (pratique). Un tel tronc commun réduirait certainement la sélection sociale dans l’enseignement. Il formerait surtout plus de personnes plus polyvalentes et permettrait que des élèves de 16 ans choisissent en connaissance de cause de poursuivre des études, un enseignement complémentaire ou un enseignement de qualification.

Chez Vandenbroucke, l’éclatement en filières hiérarchisées subsiste, certainement à partir du deuxième degré de l’enseignement secondaire. Peut-être pense-t-on au « remplacement » des filières d’enseignement par des domaines d’intérêt. Dans ce cas, le domaine d’intérêt « économie » comporterait encore toujours un éventail hiérarchisé d’orientations d’études (science économique, économie-langues modernes, comptabilité-informatique, commerce, bureau et vente…) mais l’étiquette stigmatisante « TSO » ou « BSO » disparaîtrait.

Un deuxième facteur structurel rend la ségrégation sociale inévitable : c’est la liberté absolue dans le choix de l’école. La Belgique a le système le plus libéral en Europe de l’Ouest. Les parents aisés ou intellectuels choisissent les « meilleures » écoles pour leurs enfants, quitte à camper durant deux jours à l’entrée de l’école pour être sûrs d’avoir une place. A l’autre extrême, la liberté de choix scolaire signifie que les parents moins favorisés, qui pour toutes sortes de raisons ne trouvent pas leur chemin dans le système scolaire, doivent souvent se contenter des écoles qui restent. Des écoles ghettos pour riches et pour pauvres sont inévitables dans notre système de libre choix. Le pourcentage d’écoles socialement mixtes est beaucoup plus bas chez nous que, par exemple, en Finlande, qui est connue comme la championne de l’enseignement de qualité et de l’égalité des chances. Le programme en dix points de l’APED plaide pour une affectation prioritaire de l’école en fonction du lieu de résidence de l’élève et de critères socioéconomiques, afin d’obtenir une mixité sociale dans toutes les écoles. Les indicateurs des potentialités des élèves, que Vandenbroucke veut utiliser pour un financement différencié des frais de fonctionnement, pourraient peut-être servir utilement dans un tel système de « carte scolaire » corrigée (en France, les écoles sont attribuées via une carte scolaire , mais uniquement sur base du lieu de résidence). Mais le Ministre Vandenbroucke ne touche pas au libre choix des parents. Les LOP (Plates-formes de réflexion locales rassemblant les directeurs d’école et partenaires éducatifs régionaux) qui ont été instaurées dans le cadre de la politique des GOK (égalité des chances éducatives) ont pour mission de réfléchir et de collaborer pour prendre en compte les effets néfastes des écoles ghettos. Mais tant que le ministre de l’enseignement ne trouvera pas le courage d’affirmer que le libre choix des écoles est un réel obstacle à l’égalité des chances et que la Constitution doit être modifiée, même la réflexion locale la mieux intentionnée ne pourra surmonter les barrières pour réaliser la mixité sociale dans les écoles. Et la ségrégation sociale perdurera. Dans la note de travail de Vandenbroucke, on peut lire un passage qui indique que les écoles ghettos d’élèves à faible potentiel ont un effet individuel négatif sur les élèves. « Nous constatons que, tant pour l’élève que pour l’école, la combinaison d’un faible niveau de scolarité de la mère et le fait de vivre de revenus de remplacement prédit mieux la faible potentialité que le faible niveau d’éducation seul. Les effets du faible niveau de scolarité de la mère et du fait qu’on n’a pas droit à une bourse d’études sur les prestations scolaires individuelles de l’élève sont encore amplifiés, si beaucoup d’élèves avec bourse d’études et/ou avec une mère peu scolarisée fréquentent la même école. D. Kavadias et E. Franck (2006) ont montré que le pourcentage de mères peu scolarisées au niveau de l’école définit le niveau de retard scolaire des élèves. Le pourcentage d’élèves ayant droit à une bourse d’études dans l’école semble également, bien que dans une moindre mesure, prédire le retard scolaire. Les deux types de concentration ont, indépendamment l’une de l’autre, un effet qui se superpose à l’effet provenant du niveau scolaire de la mère au niveau individuel. Les risques de retards scolaires, dans une école avec beaucoup d’élèves aux mères peu scolarisées et beaucoup de bénéficiaires d’allocations scolaires, sont supérieurs pour des élèves aux parents peu scolarisés que pour ceux dont les parents le sont plus. »

Un troisième facteur de ségrégation scolaire est l’existence de réseaux scolaires concurrents. L’introduction d’un système fermé d’affectation scolaire nécessite un planning global. En France, la « carte scolaire » est sapée du fait qu’elle n’est d’application que pour l’enseignement officiel. De ce fait, les parents fortunés peuvent souvent envoyer leurs enfants dans des écoles ghettos pour riches, de leur choix, dans le réseau libre (qui est pourtant bien plus limité qu’en Belgique). C’est pourquoi l’APED plaide pour une fusion des réseaux en un seul service public. Sur ce terrain également, il ne faut pas attendre d’initiative novatrice du ministre actuel de l’enseignement.

Le financement différentié sur base des indicateurs des potentialités des élèves donnera un bol d’air aux écoles qui accueillent beaucoup d’élèves à faible potentiel. Mais pour réduire la ségrégation sociale et pour apporter un enseignement de qualité à tous les élèves, des mesures structurelles plus énergiques sont nécessaires.

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Contre la ségrégation : un enseignement de qualité pour tous les jeunes

Dans son document de travail « Orientations pour un nouveau financement de l’enseignement obligatoire » (15 juin 2007), le ministre Frank Vandenbroucke développe un certain nombre d’arguments et d’intentions auxquelles nous pouvons souscrire. Quelques citations.

« Le soutien supplémentaire des écoles avec des élèves à faible potentiel fera désormais partie du financement régulier des écoles. Nous faisons cela pour deux raisons importantes.Une première raison d’allouer un financement complémentaire aux écoles avec des élèves à faible potentiel est d’éviter la ségrégation dans la politique de recrutement des écoles.Les élèves de milieux favorisés sont plus attrayants pour les écoles que les élèves de milieux défavorisés. Ils apprennent généralement plus facilement et ont de meilleurs résultats, ce qui influence favorablement l’image de l’école. Des écoles avec des élèves doués attirent les élèves les plus forts et renforcent l’enseignement de qualité tandis que des écoles avec un public défavorisé attirent principalement des élèves d’un milieu à faible potentiel scolaire et la qualité de leur enseignement s’en ressent. En donnant plus de poids de financement aux élèves à faible potentiel, on les rend aussi plus attractifs pour les écoles. En effet, les écoles sont mieux soutenues pour maintenir un haut niveau de qualité d’enseignement.

Une deuxième raison d’investir plus dans les écoles avec des élèves à faible potentiel est de garantir le droit à un enseignement de qualité pour tous les jeunes. Des jeunes de milieux défavorisés doivent le plus souvent produire un effort plus important pour atteindre la même qualification que des enfants du même âge venant de milieux favorisés. Cela vient de ce qu’à la maison il reçoivent un moindre capital culturel et social, (ce capital) qui augmente les chances de réussite. Des parents peu scolarisés ont, par exemple, beaucoup plus de difficulté à guider leurs enfants dans leur cursus scolaire. Ils ne possèdent pas le niveau linguistique qui est attendu des enfants à l’école et disposent encore moins de réseaux et d’informations qui aident leurs enfants en cas de problème. Des familles à bas revenus peuvent offrir moins de confort à leurs enfants, comme un espace de travail séparé, des livres, des activités éducatives annexes, un ordinateur et l’accès Internet. De faibles chances de réussite, dans des milieux socialement défavorisés, nécessitent un investissement complémentaire en années d’études. Les allochtones doivent surmonter les barrières linguistique et culturelle. En modulant le financement ordinaire des écoles en fonction des indicateurs des potentialités des élèves, nous voulons soutenir particulièrement les écoles qui doivent faire relativement plus d’efforts pour maximaliser les potentialités de tous leurs élèves. »

« Nous ne voulons pas de distinction entre écoles chères et écoles bon marché. Des écoles chères attirent inévitablement un « meilleur public », des écoles bon marché un « public plus faible ». La ségrégation sociale qui peut en découler, empêche d’atteindre la même qualité dans toutes les écoles et n’est d’ailleurs pas une bonne chose en soi. Nous ne voulons pas de ségrégation sociale dans notre enseignement. Nous voulons un enseignement de qualité pour tous les élèves. »

« Toutes nos écoles doivent recevoir d’urgence plus de moyens de fonctionnement, tant pour pouvoir offrir un enseignement de qualité, que pour pouvoir limiter la facture maximale. Aujourd’hui les parents doivent trop souvent contribuer financièrement de manière substantielle, pour permettre un bon enseignement. Trop longtemps nous avons investi trop peu dans le fonctionnement de nos écoles. Je pense particulièrement à notre enseignement technique et professionnel. Le développement des technologies médicales et thérapeutiques a forcé des écoles de l’enseignement spécial à des investissements importants sans beaucoup de subventions complémentaires. »

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Les quatre indicateurs des potentialités

Le chapitre qui concerne les indicateurs des potentialités des élèves est le plus abouti du document de travail du ministre Vandenbroucke sur le financement de l’enseignement obligatoire.

Le ministre s’est fondé sur les recherches sociologiques et pédagogiques et s’est attaché la collaboration d’un certain nombre de chercheurs. De manière assez détaillée, il expose les orientations de travail et les arguments pour choisir les quatre critères suivants.

Niveau d’études (diplôme) de la mère.

Il existe une corrélation forte entre le niveau d’études des parents et les potentialités scolaires des enfants.

Le critère choisi est le diplôme le plus élevé de la mère et trois nivaux sont considérés : enseignement supérieur ; enseignement secondaire supérieur ; enseignement secondaire inférieur ou primaire. Initialement, on travaillera sur base d’une déclaration sur l’honneur des parents en attendant la mise au point d’une base de données avec les informations concernant le niveau de formation des mères d’élèves.

L’allocation d’études.

Le droit à une bourse d’études est un indicateur des ressources économiques de la famille, vu qu’il est fondé sur les revenus de la famille. « L’étude d’Ides Nicaise a montré que le critère de revenus dans le système flamand d’allocation scolaire est suffisamment précis et fiable pour servir de mesure réelle du pouvoir d’achat.»

« Les moyens matériels des familles définissent aussi leur confort pédagogique : il y a plus de temps pour les tâches d’éducation, il y a plus d’argent pour des jouets ou toutes sortes de biens ou de services qui favorisent l’apprentissage de manière informelle. Les plus nantis vivent dans plus d’espace et plus confortablement. Les dépenses scolaires et les coûts indirects de l’enseignement secondaire sont aussi un moins grand problème. »

La langue maternelle et l’utilisation de la langue

Dans une première phase, la langue maternelle de l’élève ( le néerlandais ou une autre langue) sera utilisée comme indicateur. Ultérieurement, l’utilisation de la langue sera également enregistrée (sur base d’un test). Le ministre Vandenbroucke souligne qu’il y a encore des discussions entre les pédagogues sur la valeur et la définition précise de la langue comme indicateur de prévision de la scolarité.

Le lieu de résidence

Du fait que les personnes d’un même milieu social vivent souvent dans le même quartier, le lieu de résidence peut servir d’indicateur de particularités socioéconomiques et culturelles de la famille de l’élève.

Le ministre se fait fort de croiser les banques de données du ministère de l’enseignement et de l’Institut National des Statistiques (concernant le lieu de résidence de l’élève) pour attribuer une valeur prédictive des chances de réussite au lieu de résidence de l’élève. Par lieu de résidence (commune ou quartier), on mesure quel est le pourcentage d’enfants de 12 ans qui accusent un retard scolaire de deux ans ou plus. Les élèves qui habitent là où le retard scolaire est important, génèreront donc plus de moyens de fonctionnement pour leur école.