L’école ou le chaos

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Jean-Pierre Charles, L’école ou le chaos, éditions Golias, 2006

Comment l’Education Nationale française, unanimement reconnue comme l’une des meilleures du monde jusque dans les années soixante, a-t-elle pu s’effondrer au point de se cantonner au tournant des années 2000, à un rang des plus médiocres parmi les pays de l’O.C.D.E. ?

Comment a-t-elle pu cesser d’être ce vecteur majeur de transmission de la culture intellectuelle des élites européennes, par faillite de sa vocation première de mission d’instruction des enfants de la nation ?

Comment également, elle qui fut la première référence d’éducation du peuple, a-t-elle pu transmuter, au point de devenir incapable de propager ses propres valeurs, et plus encore à être réduite à incarner le lieu majeur de confrontation des tensions sociales et communautaires, découlant de l’effondrement des valeurs d’humanisme et de civisme ?
Comment ne pas avoir constaté la sclérose croissante d’un système en voie de blocage, dont la seule véritable réforme fut celle d’avoir absorbé dans les années 70 la massification des effectifs scolaires et universitaires ?

Il semble qu’il soit grand temps que la nation prenne d’abord conscience de l’état de dégradation avancé de son Ecole, de sa fragilité donc, et de l’urgence, pour sa survie même, de regagner le terrain perdu. Assez de talents encore intacts le permettent à l’intérieur, tous personnels confondus. Encore est-il nécessaire que les môles de résistance porteurs d’une pensée libre, irréductibles à la pensée conventionnelle mortifère, comme autant de témoignages de sa vitalité, puissent être appuyés par une majorité consciente de la nation, relayé par un pouvoir politique sûr de sa mission : c’est à ce prix seulement que l’Education Nationale pourra réussir son « aggiornamento ».

Par son vécu dans l’Education Nationale, ayant tour à tour occupé dix-huit postes sur plus de quarante ans entre 1960 à 2000, l’auteur nous livre un large aperçu, dans le temps et l’espace, de ce qu’il a bien fallu qu’il admette : qu’il avait traversé un territoire bien particulier, où l’absurde s’installait parfois aux postes de commande, cet espace scolaire qu’il nomme « Absurdie ».

Enrichi d’une expérience variée dans l’enseignement primaire, secondaire général, technique, spécialisé, dans la surveillance, l’éducation, l’enseignement et la direction de 4 établissements, l’auteur nourrit son analyse de récits vécus dont la force projette un éclairage particulièrement édifiant sur l’impensable : l’autodestruction de l’Ecole par ceux-là mêmes qui en ont la charge, constat impitoyable mais non désespéré.