Problématique de la scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire

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L’éducation des filles est l’un des problèmes qui préoccupent actuellement l’humanité toute entière; son importance a été prouvée à maintes reprises. A cet effet, la conférence mondiale sur l’Éducation Pour Tous (EPT), tenue du 5 au 9 mars 1990 à Jomtien (Thaïlande), a reconnu comme priorité des priorités, l’accès et l’amélioration de la qualité de l’éducation des filles ainsi que l’élimination des préjugés défavorables à leur égard.

Au cours de cette conférence, il a été rappelé que quarante années s’étaient écoulées depuis qu’il était affirmé dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme que « toute personne a droit à l’éducation ». Aujourd’hui pourtant, malgré les efforts considérables déployés pour garantir ce droit, la réalité est telle que plus de 100 millions d’enfants et d’innombrables adultes n’achèvent pas le cycle éducatif de base qu’ils ont entamé; des millions d’autres le poursuivent jusqu’à son terme sans acquérir le niveau de connaissances et de compétences indispensables (UNESCO, 2000, pp. 74-75). En outre, les deux tiers de 110 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école sont des filles.

C’est sur ces chiffres officiels de l’UNESCO que Koffi Annan a ouvert le forum mondial sur l’éducation à Dakar en avril 2000. Ce forum a adopté un cadre d’action engageant les gouvernements à atteindre les buts et objectifs de l’éducation pour tous. Les participants se sont collectivement engagés à atteindre six objectifs spécifiques en faveur de l’EPT dont les deux ci-après portent essentiellement sur les filles:
– Faire en sorte que d’ici 2015, tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu’à son terme;
– Eliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 et instaurer l’égalité dans ce domaine en 2015 en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite. (UNESCO, 2000, pp. 36-37).

La République Démocratique du Congo (RDC), prône, elle aussi, la scolarisation des filles et l’élimination des disparités de scolarisation entre celles-ci et les garçons. C’est pourquoi, depuis le forum de Dakar, la RDC s’est engagée à améliorer la scolarisation des filles particulièrement avec l’appui de l’UNICEF. Aussi, peut-on se poser la question de l’efficacité des actions menées pour l’amélioration de la scolarisation des filles en République Démocratique du Congo.

Le texte de Mokonzi sur l’éducation pour tous (repris dans ce même numéro) ayant suffisamment abordé le problème de parité entre les filles et les garçons au niveau de l’accès et de la fréquentation scolaire, nous examinons dans cet article un seul aspect de la problématique de la scolarisation des filles : l’abandon scolaire. En nous appuyant sur la situation de la ville de Kisangani, nous nous posons, pour l’enseignement secondaire, les questions suivantes :
– Comment les taux d’abandon scolaire se répartissent-ils entre les filles et les garçons et comment ont-ils évolué à travers le cycle de l’enseignement secondaire ?
– Quelles sont les causes d’abandon scolaire des filles ?

Stratégie de l’étude

Pour répondre à la première question, nous avons dépouillé les palmarès de toutes les années d’études de l’année scolaire 1998-1999 à l’année scolaire 2002-2003. De ces documents, nous avons relevé les effectifs des inscrits et des abandons par sexe dans 82 écoles secondaires répertoriées dans la ville de Kisangani. Les rapports entre les effectifs d’abandons et ceux des inscrits nous donnent les proportions des abandons dont les moyennes exprimées en pourcentages sont reprises dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1. Taux moyens d’abandon par année d’études et sexe

|Année d’études|1ère| |2ème| |3ème| |4ème| |5ème| |6ème| |
|Sexe|G|F|G|F|G|F|G|F|G|F|G|F|
|Taux moyens|6,6|24,8|9,1|21,0|14,4|12,5|10,3|12,6|10,6|12,9|10,0|16,4|

Tableau 2. Taux moyens d’abandon par année scolaire et sexe

|Année scolaire|1998-1999| |1999-2000| |2000-2001| |2001-2002| |2002-2003| |
|Sexe|G|F|G|F|G|F|G|F|G|F|
|Taux moyens|12,9|18,0|6,6|16,6|5,4|14,6|5,0|10,0|20,9|24,3|

Pour répondre à la question relative aux causes des abandons scolaires, nous nous sommes entretenu avec 60 filles ayant abandonné leurs études au niveau de l’enseignement secondaire.

De l’abandon scolaire

Comme on peut le remarquer à partir du tableau 1, les taux d’abandon scolaire des filles sont plus élevés que ceux des garçons à tous les niveaux d’études sauf en troisième année où la moyenne des taux est de 12,5% pour les filles contre 14,4% pour les garçons. En considérant les années scolaires, les filles ont abandonné les études plus que les garçons pendant toute la période de notre étude (cf. tableau 2).

La conception traditionnelle, non absente en milieu urbain, qui ne perçoit pas l’importance de la scolarisation des filles peut être l’un des facteurs à la base de cette situation. Pour certains parents, scolariser une fille constitue un énorme gaspillage de temps et de ressources financières, d’autant plus qu’à cause du mariage de celle-ci, la famille ne pourra jouir totalement de sa production. Un pareil préjugé défavorable à l’égard des filles ne fait qu’accroître la disparité entre les deux sexes en matière de scolarisation. C’est ainsi que de nombreuses filles abandonnent les études à cause de la « prime » payée par les parents, car ces derniers préfèrent privilégier les garçons.

Par ailleurs, les taux d’abandon scolaire des filles sont plus prononcés au niveau de 1ère et 2ème année. Cet état de chose peut être lié au développement physiologique des filles. En effet, la puberté, avec toutes ses conséquences, se manifeste assez tôt chez les filles (entre 13 et 14 ans), moment où elles sont censées être en 1ère et 2ème année. Pendant cette période, les filles sont animées du souci de la découverte, surtout sexuelle, découverte qui, mal orientée, les amène facilement à des grossesses prématurées et mariages précoces.

Si en 6ème année, les abandons scolaires des filles ont augmenté, nous pensons que cela s’explique par les échecs aux examens d’État qui peuvent constituer la source de démotivation.

En plus des facteurs généraux que nous venons d’évoquer ci-dessus pour expliquer les abandons scolaires, la plupart des filles concernées par notre enquête ont fait allusion aux difficultés liées au paiement de la prime, aux grossesses, aux décès des parents et au mariage comme facteurs les ayant amenées à interrompre leur scolarité. La majorité d’entre elles sont pourtant pour la reprise des études afin de décrocher un diplôme qui leur permettrait d’obtenir un emploi plus intéressant que le petit commerce des denrées alimentaires qu’elles exercent et qui ne subvient même pas à leurs besoins fondamentaux.

Pour l’amélioration de la scolarisation des filles
Actuellement des actions assez timides sont posées, notamment par l’UNICEF qui a, depuis l’année 2004, lancé le slogan « toutes les filles à l’école » et qui appuie la scolarisation des filles de quelques écoles ciblées de la ville de Kisangani. Cet appui est essentiellement axé sur :
– le paiement des frais d’études pour les filles inscrites en première année primaire ;
– la distribution gratuite des fournitures scolaires aux filles des écoles précitées ;
– le plaidoyer auprès des parents et responsables scolaires.

De telles actions devraient cependant être intensifiées et impliquer tous les partenaires de l’éducation. En effet, en analysant le programme scolaire congolais surtout aux niveaux primaire et secondaire, très peu de place est réservée à l’éducation sexuelle. Ainsi, compte tenu de la précocité de la période de la puberté chez les filles, il serait tout indiqué d’insérer les notions de la sexualité dans le programme scolaire.

Pour les filles ayant abandonné l’école et qui optent pour la reprise des études, il serait souhaitable que l’État, les organisations non gouvernementales et les responsables scolaires leur viennent en aide car leurs problèmes sont essentiellement d’ordre financier. En effet, la plupart des filles ayant abandonné à cause de la grossesse ou du mariage précoce (qui sont aujourd’hui divorcées) sont rejetées par les parents et les autres membres de famille alors qu’elles manifestent le désir de reprendre les études.

Nous pensons que la constitution future de la R.D.C., adoptée actuellement par le Sénat et l’Assemblée Nationale, qui met l’accent sur la parité entre les deux sexes, pourra aussi contribuer à l’amélioration de la scolarisation des filles.

Enfin, l’État congolais devrait prendre ses responsabilités en main en supprimant le phénomène « prime » et en instaurant un enseignement primaire obligatoire et gratuit.
Références bibliographiques

UNESCO. (2000). Forum mondial sur l’éducation : Rapport final. Paris : UNESCO.
UNESCO. (2000). Forum mondial de l’éducation : Cadre d’action de Dakar. Paris : UNESCO.

1 COMMENT

  1. Problématique de la scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire
    je trouve que cet article est pertinent et que son contenu resume la problématique

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