Quelques questionnements à propos de “Business in the Community »

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Les grandes entreprises usent de leur pouvoir toujours croissant pour comprimer leurs coûts au maximum et générer davantage de profit pour les actionnaires : au-delà des économies d’échelle grâce aux concentrations d’entreprises, elles déplacent leurs sites de production (ou bien sous-traitent) en fonction du meilleur coût et des meilleures législations sociales, fiscales et environnementales, comprimant les salaires et l’emploi sans états d’âme, pratiquent l’évasion fiscale à grande échelle – notamment à travers leurs implantations dans les paradis fiscaux – et font pression sur les institutions nationales et internationales pour obtenir toujours moins d’entraves à leurs droits, au commerce et à la circulation des capitaux. Leur pouvoir est devenu considérable, au plan économique mais aussi politique : sur les 100 premières puissances économiques au monde, 51 sont des entreprises, devant de nombreux Etats.
Les Etats, décideurs au niveau national et dans les instances internationales, laissent partir de plus en plus de secteurs vitaux aux mains du privé : eau, énergie, éducation, santé, …, marchandisant de plus en plus les services publics, au détriment des plus démunis et de la commmunauté.

BITC, qui regroupe 800 entreprises (dont plus de 80% sont cotées au FTSE100 – équivalent du CAC 40 français) avec pour objectif affiché d’ « améliorer encore l’impact des entreprises sur la société », mène des actions qui relèvent de l’intérêt général et s’apparentent au service public : formation de personnels de l’Education, insertion de personnes démunies, soutien aux causes humanitaires et désintéressées, protection de l’environnement, etc. Certains de ces programmes sont co-financés par des organismes publics ou services de l’Etat. Les actions de marketing humanitaire (« cause related marketing ») génèrent directement des ventes.

Ces services peuvent-ils vraiment être assurés dans une logique d’intérêt général sans produire une généralisation et la normalisation des modes de fonctionnement des entreprises pour toutes les activités humaines, alors que l’utilitarisme s’est déjà largement insinué dans toutes les formes de relations sociales ?

Par ailleurs et au-delà des objectifs concrets recherchés (redorer leur blason, (re)conquérir les consommateurs et stimuler leurs ventes, séduire les meilleurs des meilleurs parmi les employés et s’assurer l’employabilité de leurs recrues de demain), ne s’agit-il pas de détournement d’impôt pour assurer des services théoriquement d’intérêt général puisque, immanquablement, le coût de ces activités porté par les entreprises doit bien être intégré, in fine, dans le prix des produits au consommateur (et non moins contribuable) ?

Est-il par conséquent acceptable que ces services soient assurés par des entreprises, au bénéfice de leur image et de leurs ventes, tandis que le cœur de leurs pratiques et de leurs activités demeure quasiment inchangé ?

Il faut ajouter que BITC réalise également un classement de la Responsabilité Sociale des Entreprises (« Corporate Responsibility Index ») et une question supplémentaire : quelle peut être la valeur d’un classement d’entreprises réalisé par un organe regroupant ces mêmes entreprises ?

Véronique Gallais