Approche par compétences : l’économie du savoir

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Ne dites pas à un défenseur de l’approche par compétences (APC) que celle-ci tourne le dos aux savoirs. Il aura tôt fait de vous répondre, à juste titre, qu’on ne peut pas exercer de compétence sans mobiliser des savoirs. Certes. Mais quels savoirs ? A cette question, point de réponse. Parce que l’essentiel n’est pas de doter le futur citoyen des savoirs qui lui donneront force pour comprendre le monde, mais bien d’armer le futur producteur de cette capacité d’adaptation aux savoirs nouveaux qui doit assurer son « employabilité » tout au long de la vie.

Conférence de Nico Hirtt, au Colloque du SNUEP-FSU, Paris, 4 décembre 2015

A. L’APC, une mauvais réponse à un vrai problème

Le problème des «savoirs inertes», que les élèves mémorisent sans pouvoir les mobiliser, est un vrai problème. Nul ne songera donc à contester sérieusement la nécessité d’introduire, dans les finalités de l’école, des objectifs de compétences, ces «capacités réelles d’utiliser des savoirs variés dans des situations nouvelles et complexes». Autre chose est de redéfinir l’ensemble des programmes et des pratiques dans le cadre restrictif d’une «approche par compétences» (APC), comme on l’a fait en Belgique, en Suisse au Québec et comme on tend à le faire aujourd’hui en France. Cela revient à sous-entendre que la question de la mobilisation des savoirs constituerait le plus urgent ou le plus critique des problèmes que devrait résoudre l’école dans la formulation de ses objectifs et de ses méthodes. Je suis loin d’en être convaincu.

1. La nécessité de contextualiser davantage les apprentissages, afin que les savoirs prennent sens pour les apprenants, me semble un problème plus important et prioritaire : le sens d’un savoir ne réside pas seulement dans l’usage que l’on peut en faire, mais autant et parfois davantage, dans la suite de questionnements qui conduisent à son développement. Faire participer activement les élèves à un processus de déconstruction de leurs conceptions actuelles et de (re)construction de concepts nouveaux ne peut se réaliser exclusivement par l’exercice de compétences. Lorsque je place les élèves en situation de découvrir par eux-mêmes certaines lois du mouvement orbital des planètes, à partir d’autres savoirs déjà acquis (théorie de la gravitation, cinématique du mouvement circulaire, algèbre…) je ne m’inscris manifestement pas dans une démarche visant à développer une compétence mais bien à leur faire construire un savoir (même si, au passage, j’exerce aussi des compétences à travers une telle démarche). En d’autres mots, l’APC n’apporte pas de réponse à la question : comment transmettre des savoirs par des pratiques plus efficaces que la simple… transmission ?

2. Les référentiels et programmes présentent depuis toujours d’énormes lacunes sur le plan des connaissances. Ainsi, l’initiation aux technologies — qu’elles soient industrielles, artisanales, collectives ou domestiques — en est largement absente (dans l’enseignement général) ou étroitement spécialisée (dans les filières de qualification). De même, l’étude des phénomènes économiques et sociaux est inexistante ou réservée à quelques-uns seulement. Dès lors, on lâche dans la vie démocratique des citoyens incapables d’appréhender ce qui constitue la base matérielle de toute société : les rapports techniques et sociaux de production et d’échange de richesses. Or, en centrant toute l’attention des révisions de programmes sur les compétences, l’introduction de l’APC a, de facto, contribué à repousser dans l’ombre cette question essentielle : quels savoirs faut-il enseigner ?

3. Quoi qu’en disent ses défenseurs, l’introduction de l’APC a conduit à une relativisation de l’importance et de la valeur du savoir. Il se fait que tous les savoirs ne se prêtent pas à une mobilisation « dans des situations complexes et inédites » (du moins en contexte scolaire). Dois-je renoncer à faire découvrir le «big-bang» ou quelques notions de mécanique quantique à des élèves de fin d’enseignement secondaire, au prétexte qu’il est impossible de les amener à exploiter ces connaissances dans un contexte «complexe et inédit» ou dans des «situations de la vie courante» ? A moins, évidemment, de recourir à des artifices comme celui consistant à leur demander de réaliser un «powerpoint», une affiche ou un site internet relatifs à l’un de ces sujets. Ce qui développerait assurément leurs compétences (ou leurs savoir-faire ?) dans les domaines du graphisme, de l’expression ou de la bureautique informatisée, mais nullement leur capacité à mobiliser des connaissances en physique. Dans les référentiels et programmes issus de l’APC il est dit (parfois) ou suggéré (souvent) que le choix des connaissance à mobiliser dans l’exercice et l’évaluation des compétences importe peu. Dans un programme d’histoire de l’enseignement belge, on peut lire que «la construction progressive, par chaque élève, d’un cadre de référence et d’une vision organisée de l’histoire (…) ne constitue pas l’objet final de l’évaluation»1FESeC, Histoire et formation historique, 2e et 3e degrés, Humanités générales et technologiques, Bruxelles. qui doit seulement porter sur les quatre compétences générales : sélectionner des renseignements utiles, analyser et critiquer des sources, organiser une synthèse et mener à bien une stratégie de communication d’un savoir historique. N’est-ce pas clairement tourner le dos aux savoirs, au nom des compétences ? Dans l’enseignement de la physique on m’impose désormais explicitement de ne plus développer le cheminement théorique et mathématique qui conduit, par exemple, à la formule de l’énergie cinétique (Ek=m.v2/2), mais de me contenter d’exercer les élèves à utiliser cette formule dans la résolution de problèmes. Si l’on réfléchit d’un point de vue strictement limité à l’utilité pratique du savoir, cela se justifie. L’élève aura appris à appliquer une formule dont il ne comprend pas l’origine (ce qui est le lot d’innombrables professionnels aujourd’hui : de mon chauffagiste à mon architecte). Il aura sans doute également appris qu’en amenant une voiture à 80 km/h on aura consommé quatre fois (et non deux fois) plus d’énergie qu’en l’amenant à 40 km/h. En revanche cet élève sera passé à côté de l’opportunité de comprendre que nos représentations du monde (physique ou autre) ne sont pas des lois qui tombent du ciel mais des constructions qui s’appuient sur l’observation et la raison.

4. Tout ceci a un impact important sur l’équité sociale de l’école. Tel professeur d’histoire exerce ses élèves à rechercher, dans des documents historiques, des permanences, des ruptures, des relations causales. Magnifique. Mais au moment de l’évaluation certificative, le document sur lequel travaillent les élèves porte — APC oblige — sur un contexte nouveau. Or, ceci privilégie forcément ceux dont le bagage de connaissances historiques, le «capital culturel» reçu dans leur entourage, permet de mieux appréhender ce contexte. D’autre part, le caractère très vague que prend la formulation des compétences visées, ainsi que la liberté laissée au professeur de choisir les objets d’apprentissage sur lesquels ces compétences seront exercées, conduit à des interprétations extrêmement variables des référentiels. Le rapport du service d’Inspection francophone belge souligne d’ailleurs que «l’imprécision des (nouveaux) référentiels a pour conséquence que les niveaux d’exigence visés et attendus varient fortement d’une école à l’autre voire même d’une classe à l’autre»2ADMINISTRATION GENERALE DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE. SERVICE GENERAL DE L’INSPECTION, « Rapport établi par le Service général de l’inspection au terme de l’année scolaire 2009-2010 », Octobre 2010, p. 15..

5. On aurait au moins pu espérer que le vent nouveau de l’APC allait favoriser une libération des pratiques pédagogiques, un foisonnement d’expérimentations et d’innovations de la part des praticiens. Hélas ! L’APC nous a enfermé dans des procédures routinières. Les programmes vont parfois jusqu’à imposer aux enseignants la forme que doivent prendre leurs préparations de séquences de cours, en y incluant explicitement la formulation des compétences visées, de la famille de tâches,… Parfois aussi, l’introduction de l’APC a conduit à la définition d’une kyrielle de micro-compétences qui, toutes, doivent faire l’objet d’une évaluation et d’une certification explicite. Cette taylorisation et cette bureaucratisation du travail des professeurs pèse particulièrement sur les plus jeunes de nos collègues, soucieux d’être parfaitement en règle avec ce qu’ils croient — à tort ou à raison — être les attentes des services d’inspection. Cela dévore un temps de travail précieux, qui serait sans doute mieux utilisé si l’enseignant le consacrait à une véritable recherche de sens et de diversité dans ses approches. Cette uniformisation des pratiques est une profonde source d’ennui, donc de démotivation, pour les élèves. Jadis, ils étaient heureux lorsqu’un cours d’histoire commençait par la distribution de documents sur lesquels ils allaient travailler plutôt que d’avoir à écouter le professeur. Aujourd’hui, ils soupirent : encore !

B. Pour qui roule l’APC ?

Aujourd’hui des voix s’élèvent dans le milieu des sciences de l’éducation, toujours plus nombreuses, pour regretter l’orientation exclusive sur les compétences. Certains auteurs, comme Marcel Crahay, en arrivent à contester la validité scientifique du concept de compétence tel qu’il est véhiculé par l’APC3 Crahay, M., 2006. Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation. Revue française de pédagogie, (154), 97-110.. Pourtant, dans la plupart des pays qui ont adopté cette vision de l’école, on continue comme si de rien n’était. Pourquoi ?

Depuis la fin des années 80, les textes de l’OCDE, de la Banque Mondiale, de la Table Ronde européenne des Industriels, de la Commission européenne, regorgent littéralement d’appels à recentrer les apprentissages sur les compétences. Parce que, écrit l’Observateur de l’OCDE, « les employeurs ont reconnu en elles des facteurs clés de dynamisme et de flexibilité. Une force de travail dotée de ces compétences est à même de s’adapter continuellement à la demande et à des moyens de production en constante évolution »4Pont, B. & Werquin, P. (2001). Nouvelles compétences: vraiment ? L’observateur de l’OCDE..

Qu’est-ce donc, qui alimente ces discours ? L’environnement de crises récurrentes où se trouve plongé le capitalisme mondial depuis plus de vingt ans engendre une exacerbation de la compétition économique et une «obsession de l’innovation». L’ imprévisibilité croissante des marchés en général et du marché du travail en particulier interdisent de prédire quels seront les secteurs les plus «porteurs» d’ici quelques années, quels biens et quels services vont rapidement disparaître et quels nouveaux produits occuperont de façon éphémère ou durable les créneaux les plus rentables. Il est dès lors impossible de savoir à quoi ressembleront les rapports techniques de production dans dix ou dans vingt ans. Impossible aussi donc d’anticiper la nature et le volume des qualifications dont l’économie aura besoin dans les délais de douze à quinze ans que nécessite le pilotage des systèmes éducatifs.

Sur cette instabilité de l’environnement économique et technologique vient se greffer une redéfinition de l’organisation du travail. Les technologies de l’information et de la communication rendent souvent obsolètes les anciennes formes de division du travail. Par exemple, dans les domaines liés à l’administration, la présence sur chaque bureau d’un PC équipé d’un traitement de texte, d’un tableur, d’une base de données, d’un logiciel de courrier électronique rend superflues les anciennes fonctions qualifiées de dactylographe, d’encodeur, de sténographe, de téléphoniste, d’opérateur de télécopies, de graphiste… Aujourd’hui, il est plus rentable que chaque employé puisse effectuer lui-même toutes ces différentes tâches que de les distribuer entre plusieurs personnes, qui étaient sans doute plus qualifiées dans leur spécialisation, mais dont on ne peut pas aussi facilement assurer la productivité 24h sur 24h et dont la coopération nécessite une fonction de coordination, donc un poste de cadre intermédiaire supplémentaire.

Dès lors, écrit le Conseil supérieur de l’Education en Flandre : «Dans le monde du travail et sur le marché du travail (…) on ne cherche plus des travailleurs qui “savent” et “peuvent” beaucoup, mais des travailleurs qui sont et qui restent compétents — c.à.d capables et adaptables — afin de pouvoir aborder l’innovation et des processus complexes»5VLOR, 2008b. Competentie-ontwikkelend Onderwijs, Garant..

La deuxième grande évolution du marché du travail concerne les niveaux de formation et de qualification.

Le vocable «économie de la connaissance» fait souvent penser à une sorte d’élévation généralisée des niveaux d’instruction requis par le marché du travail. Mais cette vision est largement trompeuse. En réalité, on semble évoluer plutôt vers une «polarisation» du marché du travail. « La plupart des études internationales indiquent que les plus fortes créations d’emplois doivent être attendues, d’une part, dans les postes de management et les emplois professionnels et techniques de très haut niveau, mais, d’autre part, également dans les emplois du secteur des services exigeant une qualification moyenne ou faible»6Sels, L. et al., 2006. Inzetten op competentieontwikkeling. Discussietekst gericht op de ontwikkeling van een Competentieagenda.. Maarten Goos a calculé qu’entre 1975 et 1999 le Royaume Uni avait connu une croissance des «petits boulots» (lousy jobs) «essentiellement dans les emplois faiblement rémunérés du secteur des services». Cette croissance, dit Goos, est certes moins forte que celle des emplois à très haut niveau de qualification (lovely jobs), mais entre les deux on assiste au déclin du nombre d’emplois intermédiaires (middling jobs) : travailleurs qualifiés dans les bureaux et l’industrie7Goos, M., 2003. Lousy and Lovely Jobs the Rising Polarization of Work in Britain, London: Centre for Economic Performance, London School of Economics and Political Science.. C’est à Goos et à son collègue Alan Manning que l’on doit une jolie caractérisation du marché du travail qui, disent-ils, se divise en «MacJobs and McJobs» (par référence, respectivement, à l’ordinateur fétiche de la marque Apple et aux fast-food McDonald’s).

Dans la plupart des autres pays industrialisés, la polarisation du marché du travail date plutôt des années 90. David Autor et ses collègues montrent par exemple qu’aux Etats-Unis, «pour les années 1980, les statistiques indiquent encore un déclin de l’emploi à faible niveau d’instruction et une croissance quasi-linéaire dans toutes les autres catégories. Par contraste, l’évolution de l’emploi dans les années 1990 est polarisée, avec la plus forte croissance dans les emplois très hautement qualifiés, la plus faible croissance dans les emplois à qualification intermédiaire et une croissance modeste dans les emplois faiblement qualifiés»8Autor, D.H. & National, B.O.E.R., 2006. The Polarization of the U.S. Labor Market, Cambridge, Mass: National Bureau of Economic Research. Même tableau en France où, durant la deuxième moitié des années 90, le volume des emplois non qualifiés est passé de 4,4 à 5,1 millions9Chardon, O., 2001. Les transformations de l’emploi non qualifié depuis vingt ans. INSEE-Première, (n° 796).. Enfin, aux Etats-Unis, les projections du département fédéral de l’Emploi prévoient que, parmi les postes de travail qui connaîtront la plus forte demande d’ici 2016, la moitié seront du type «short term on-the-job training» (formation de courte durée sur le tas) 10Shniper et Dohm 2007.

Les pays capitalistes avancés, aux prises avec des contraintes budgétaires de plus en plus sévères, se voient donc sommés d’adapter leur enseignement à une double évolution des marchés du travail : flexibilité et polarisation des qualifications. Dans ce contexte, il est jugé irréaliste de poursuivre sur la voie initiée dans les années 50 à 80, celle de la démocratisation d’un enseignement général qui avait été initialement conçu pour les enfants des classes dirigeantes. L’OCDE brise ces illusions et tire la sonnette d’alarme : «tous n’embrasseront pas une carrière dans le dynamique secteur de la “nouvelle économie” – en fait, la plupart ne le feront pas – de sorte que les programmes scolaires ne peuvent être conçus comme si tous devaient aller loin»11Ocde, 2001. Quel avenir pour nos écoles?, Paris: OECD Publishing. Selon les règles de la logique formelle cette dernière proposition est équivalente à : «les programmes scolaires doivent être conçus de sorte que certains au moins n’aillent pas trop loin»…

Et Claude Thélot ne disait finalement rien d’autre lorsque, dans son grand rapport sur l’école française commandité par Jacques Chirac, il écrivait que « la notion de réussite pour tous ne doit pas prêter à malentendu. Elle ne veut certainement pas dire que l’École doit se proposer de faire que tous les élèves atteignent les qualifications scolaires les plus élevées. Ce serait à une illusion pour les individus et une absurdité sociale, puisque les qualifications scolaires ne seraient plus associées, même vaguement, à la structure des emplois»12Thélot, C., 2004. Pour la réussite de tous les élèves. Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École., Paris: la Documentation française..

Le recentrage sur les compétences répond fort bien à la demande d’adaptabilité et de mobilité des travailleurs. Dans une approche par compétences, l’élève apprend davantage à «se débrouiller» face à une situation nouvelle qu’à acquérir une véritable maîtrise théorique des savoirs. Il arrive qu’un peintre, un plafonneur, un menuisier… doive monter ou démonter une prise de courant. Pourtant, un entrepreneur n’a cure de savoir que son ouvrier sait interpréter le «voltage» comme une «variation de l’énergie potentielle dans un champ de forces», encore mois qu’il comprenne chacune des notions complexes utilisées dans cette définition ; en revanche, il attend de lui qu’il sache manipuler un nouveau modèle de voltmètre en lisant son mode d’emploi ou, mieux encore, sans avoir à le lire. L’employeur n’a pas besoin de travailleurs qui comprennent le monde naturel ou social; il a besoin d’efficacité immédiate, dans des situations variées mais dans un champ limité de «familles de tâches». L’approche par compétences assure fort bien cette capacité d’adaptation face aux mutations technologiques ou aux nombreux changements de postes et d’emplois en cours de carrière. Pour Andries de Grip, de l’université de Maastricht, «la plus forte croissance d’emplois se situe dans le secteur des services. On y trouve de nombreuses fonctions où il s’agit moins de mobiliser des connaissances professionnelles précises, mais plutôt des compétences génériques comme la capacité d’analyse ou de communication»13Cité par Mulder et all. 2008, op. cit.. On ne peut évidemment s’empêcher d’être frappé par la similitude entre ces attentes économiques et «l’idolâtrie de la flexibilité» que Marcel Crahay stigmatise dans l’approche par compétences14Crahay, M., 2006. Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation. Revue française de pédagogie, (154), 97-110..

Quant aux «inconvénients» de l’APC, ils ne devraient finalement pas trop déplaire aux décideurs de l’économie. Les enfants des familles populaires devront faire leur deuil d’une culture générale que seule l’école pouvait leur apporter ? Les écarts sociaux à l’école iront en croissant ? Qu’à cela ne tienne puisque le marché du travail n’a que faire d’une démocratisation de l’enseignement.

Qu’on ne me comprenne pas mal. Je n’affirme évidemment pas que les chercheurs qui ont développé et promu l’APC partageraient en la matière le cynisme que nous avons vu dans les déclaration de l’OCDE et de Claude Thélot. Je pense en revanche qu’il y a peut-être eu, dans leur chef, un manque de prudence quant aux «dommages collatéraux»… Je ne sais s’il faut suivre Marcel Crahay jusqu’au bout, lorsqu’il écrit : « la logique de la compétence est, au départ, un costume taillé sur mesure pour le monde de l’entreprise». En revanche, je ne peux que partager son jugement lorsqu’il poursuit : «Dès lors qu’on s’obstine à en revêtir l’école, celle-ci est engoncée dans un habit trop étriqué eu égard à sa dimension nécessairement humaniste. Il est urgent que l’école se dégage de l’emprise de l’économisme qui s’insinue dans tous ses rouages, intellectuels et organisationnels»15Ibid..

References[+]

Nico Hirtt est physicien de formation et a fait carrière comme professeur de mathématique et de physique. En 1995, il fut l'un des fondateurs de l'Aped, il a aussi été rédacteur en chef de la revue trimestrielle L'école démocratique. Il est actuellement chargé d'étude pour l'Aped. Il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'école.