Bilan de l’action gouvernementale et propositions de la plate-forme

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Dossier de presse

L’échec scolaire : bilan du Gouvernement de la Communauté Française

Introduction

Le 1er septembre 2003, une dizaine de citoyens issus des mondes associatif et académique se réunissaient autour, à la fois d’un constat et d’un projet commun : l’énormité de l’échec scolaire en Communauté française et le respect des droits de tous les enfants.
Ce constat aujourd’hui est bien connu grâce, entre autres, aux enquêtes internationales. Un rapide rappel n’est jamais de trop : chaque année, 40 000 élèves redoublent en Communauté française. Le redoublement n’est jamais qu’un indicateur de l’échec scolaire. L’échec scolaire touche beaucoup plus d’enfants chaque année… je dirais même chaque jour. Mais pour se référer à cet indicateur, sur une scolarité de 12 ans, cela fait 480 000 redoublants. Près d’un enfant sur deux sera touché par le redoublement.
Si cela ne suffisait pas, 34 % des enfants quittent l’enseignement avant la fin du secondaire, sans diplôme, hypothéquant leur intégration sociale et influençant leur vie entière mais aussi la vie de leurs propres enfants. En effet, l’Ecole reproduit et amplifie les inégalités sociales. Avant d’être nés, ces futurs enfants sont déjà condamnés… Aujourd’hui, sur les 1 060 000 êtres humains qui entrent dans la catégorie « enfants » en Wallonie et à Bruxelles, c’est-à-dire âgés de zéro à 18 ans, 360 400 d’entre eux sont d’hors et déjà condamnés à devenir les futurs précarisés de la société de demain.
C’est clairement un déni de droits. La CIDE (Convention Internationale pour les Droits de l’Enfant, 1989), ratifiée par la Belgique il y a 17 ans déjà stipulait, dans son article 28, que : « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances. Nous en sommes encore loin… (…) (§ e) : Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction des taux d’abandon scolaire.
Jusqu’en 1989 l’Ecole était un devoir de l’enfant. Il devait réussir. Ou, en tous cas, tout faire pour réussir. L’Ecole avait une obligation de moyens, mais non de résultats. L’obligation de résultats était reportée sur l’enfant et sa famille. Depuis 19 ans et la CIDE, c’est une véritable révolution culturelle qui a balayé l’Ecole. Malheureusement celle-ci ne le sait toujours pas : aujourd’hui l’élève n’a plus le devoir, mais le DROIT de réussir. Par ce texte, l’obligation de résultat n’est plus portée par l’enfant mais c’est bien l’Etat (donc l’Ecole) qui a, aujourd’hui, une obligation de réussite. C’est ce que le Droit International dit et la Belgique, donc aussi la Communauté Française, s’est engagée à le respecter. Le décret mission va clairement dans ce sens. Il décrète le principe d’égalité tel que défini par la CIDE. Tous les enfants sont égaux devant l’acquisition des compétences. C’est la Loi. Mais nous sommes encore loin de cette réalité.
En 2005, nous avons été rejoints par les syndicats enseignants. L’intérêt des élèves est aussi l’intérêt des profs. Une Ecole sans échecs – donc sans décrochage, sans élèves brisés, cassés, dégoûtés, décrochés, … – serait un vrai bonheur pour tous les enseignants. Chacun a droit à une vie professionnelle de qualité. Construire cette Ecole de la réussite est non seulement l’intérêt des enfants, mais aussi celui des enseignants, des parents (on sait ce que vivent les familles lorsque l’échec scolaire les touche), des mondes économique et politique. Bref, cela concerne tous les pans de la société.
En 2005, notre plate-forme a rédigé un mémorandum. Il s’agit d’un texte revendicatif fort, explorant tous les dysfonctionnements de l’Ecole (cela va de la mixité sociale au financement de celle-ci en passant par la gratuité, l’exigence d’un véritable tronc commun ou encore par la formation des enseignants). Il est l’heure, aujourd’hui, de faire le bilan de l’action du gouvernement de la Communauté Française à la lumière de nos revendications.
Dans la farde de presse que vous avez reçue, nous reprenons la liste des progrès qui ont été accomplis. Même s’ils sont clairement insuffisants, ceux-ci sont indéniables. Pour la première fois, un gouvernement décide de s’attaquer à l’échec scolaire. Pour la première fois, un gouvernement constate l’inégalité de notre enseignement et affiche la volonté d’y remédier.
Notre plate-forme salue, bien évidemment les progrès engrangés. Mais ils sont encore par trop insuffisants. En clair, ils font évoluer trop lentement l’Ecole vers plus d’équité. Trop d’enfants, de familles et d’enseignants restent en souffrance. Cela doit cesser. Et le plus rapidement sera le mieux.
Nous voulons donc rappeler aujourd’hui quelques-unes de nos priorités pour la fin de la législature. Nous ne demandons évidemment pas que celles-ci se voient entièrement rencontrées mais qu’une dynamique soit mise en mouvement afin d’indiquer la marche à suivre au futur gouvernement d’après juin 2009.
Je vais maintenant passer la parole à mes ‘collègues’ qui vont vous détailler ce que nous estimons être les priorités de cette fin de législature.

Le financement différencié : une mesure indispensable… à bien doser

Les dispositifs de discrimination positive ou de financement différencié s’écartent du principe d’égalité de traitement (« un élève égale un élève ») et s’inscrivent dans une perspective d’égalité des résultats. Ils visent, selon l’expression consacrée, à donner plus à ceux qui ont moins.
L’inégale distribution des moyens entre écoles ne se limite cependant pas à ces deux dispositifs : depuis longtemps, les subventions de fonctionnement sont plus élevées dans le secondaire que dans le fondamental, l’encadrement est plus élevé dans le spécialisé que dans l’ordinaire, ou dans le professionnel que dans le général. A ces différenciations voulues par le législateur pour diverses raisons, s’ajoutent celles décidées par les PO et les écoles au moment où ils affectent en leur sein leurs subventions et leurs personnels. Ces décisions locales ne visent pas toujours l’objectif d’égalité de résultats, et l’on sait les combats menés par plusieurs gouvernements pour réduire l’autonomie de décision des écoles en matière d’affectation des ressources, surtout au niveau du 1er degré de l’enseignement secondaire, car certaines écoles, à rebours des objectifs égalitaires, tendent à donner plus à ceux qui ont déjà plus.
Les dispositifs de discrimination et de différenciation positives se réfèrent quant à eux explicitement aux objectifs d’égalité. Leurs concepteurs les ont justifiés par la présence manifeste de ségrégations et par l’existence d’une relation statistique entre les performances des écoles et la composition sociale de leur public. Derrière cette communauté d’objectif, les différenciations positives se distinguent sur deux points des discriminations positives : elles évitent l’effet de seuil et, jusqu’à présent, ne concernent que les subventions de fonctionnement. Mais l’actuel gouvernement envisage d’étendre à l’encadrement les mécanismes de différenciation des ressources et promet d’augmenter l’enveloppe globale consacrée à ces politiques.
Notre plateforme de lutte contre l’échec scolaire encourage cette politique, mais demande une réflexion approfondie à propos de la conception pratique de ce dispositif, de manière à ce que cette politique volontariste contribue efficacement à la lutte contre l’échec scolaire.
Les politiques de différenciation du financement peuvent être envisagées dans une logique compensatoire ou dans une logique de promotion de la mixité. La première logique consiste à prendre acte des ségrégations existantes et à tenter d’assurer aux élèves qui la subissent de meilleures conditions d’apprentissage. La seconde logique tente de lutter contre la ségrégation.
Sur ce second plan, il ne faut pas trop espérer que la différenciation puisse avoir à elle seule un impact important en matière de mixité. Il sera difficile, politiquement et budgétairement, d’atteindre un niveau de différenciation tel qu’il incite un grand nombre d’écoles élitistes à troquer leur confort pédagogique contre des ressources supplémentaires. On peut craindre en outre que les élèves permettant à ces écoles d’avoir droit à des avantages financiers soient sélectionnés sur des critères académiques. Enfin, une trop nette différenciation pourrait avoir des effets pervers : en restreignant les moyens des écoles élitistes, celles-ci pourraient être enclines à légitimer leur impuissance à aider les élèves en difficulté et le renvoi de ces élèves vers des écoles mieux dotées en ressources.
La vertu compensatoire des dispositifs de différenciation paraît plus fondée. Mais, là aussi, la dotation en ressources ne suffit pas à garantir une égalité de résultats. Il n’est pas garanti que les moyens supplémentaires soient utilisés efficacement, ni que les caractéristiques du public n’amènent le corps enseignant, fût-ce inconsciemment, à « brader » les exigences scolaires. Surtout, il faut éviter que l’étiquette d’écoles aidées ne stigmatise celles-ci aux yeux des enseignants et les place tout en bas du schéma hiérarchisé des mobilités enseignantes.
Dans cet esprit de recherche d’un dispositif réellement efficace, il faut être notamment attentif à trois éléments.
Les indicateurs sur la base desquels les écoles sont classées. Jusqu’à présent, il s’agit des indices socio-économiques des quartiers de résidence des élèves. Outre le fait que des indicateurs individuels seraient plus précis que des indicateurs de quartier, il conviendrait de réfléchir à l’introduction d’indicateurs rendant compte de certaines caractéristiques académiques du public (retard ou résultats aux tests externes) ou d’indicateurs permettant de soutenir les écoles qui développent la mixité de leur public
L’échelon organisationnel auquel les moyens sont octroyés. Depuis que les ZEP (zones d’éducation prioritaire) ont été remplacées par la discrimination et la différenciation positives, l’échelon d’attribution des moyens est l’école. Bien que, dans ce cadre, des projets communs soient possibles et qu’une petite part de l’affectation du financement différencié puisse être décidée au niveau zonal, on peut se demander si cette focalisation sur l’école n’est pas un frein à la coopération et au développement d’actions intégrées à l’échelle d’un espace local. Or, nombre de facteurs générant l’échec scolaire ne peuvent être combattus efficacement à l’échelle d’une école isolée.
L’articulation entre ces dispositifs et d’autres mesures. Pour que le financement différencié ait un effet compensatoire réel, il faut le combiner à des mesures de soutien qualitatif aux équipes enseignantes. Il faut aussi marquer des points dans la lutte contre la pénurie d’enseignants, qui touche particulièrement ce type d’école, et se demander comment faire en sorte que les mécanismes d’affectation des enseignants aux écoles ne conduisent pas les écoles concentrant les publics défavorisés à être les premières touchées par la pénurie et le turn-over des enseignants et à concentrer les professionnels moins chevronnés.

Mixité sociale et tronc commun

La Communauté Française a la variance entre écoles la plus considérable de tous les pays ou régions de l’OCDE. Cette situation est identifiée comme une des causes majeures des énormes inégalités entre élèves qui règnent chez nous. Cette dualisation des établissements est malheureusement concomitante à la dualisation sociale qui y règne. Et ceci peut parfaitement se comprendre. Les petits écarts qui peuvent exister au départ entre élèves d’origine sociale différente (qui peuvent être dus à des différences dans les conditions matérielles d’apprentissage ou à une plus grande capacité de soutien parental dans certains milieux) s’accentuent inévitablement si on concentre dans les mêmes établissements les jeunes qui bénéficient de tous les avantages et dans les autres ceux qui cumulent les difficultés. Plusieurs études montrent d’ailleurs que là où règne la mixité sociale à l’école, les inégalités sont beaucoup moins grandes. Sans d’ailleurs que le niveau moyen s’en ressente négativement dans la plupart des cas. Bien au contraire. Or, la cause principale de l’absence de l’homogénéité sociale est bien identifiée. C’est le système d’affectation des élèves ultra-libéral que nous connaissons. En effet, les parents ne disposent pas tous des mêmes armes pour intervenir dans ce qu’il faut bien appeler ce marché. Comme souvent, l’égalité formelle se transforme alors en inégalité. C’est pourquoi nous écrivions dans notre mémorandum qu’il fallait « oser un débat sociétal sur la concurrence entre écoles ». Nous avons eu la satisfaction de constater que le gouvernement partageait notre diagnostic sur la mixité sociale. Pour cela, le fameux décret inscriptions a été mis en place. Il aura au moins eu le mérite de révéler à ceux qui en doutaient l’ampleur du phénomène de ségrégation (les files étaient limitées à quelques établissements huppés). Une nouvelle version sera d’application cet automne. Elle nous semble aller dans le bon sens puisque les files seront évitées et que, parmi les critères de sélection d’élèves, on retrouve la volonté de tenir compte –certes indirectement – de l’origine sociale. Ceci afin d’hétérogénéiser les publics. Nous estimons néanmoins qu’il faudra beaucoup plus pour atteindre la mixité sociale. Ceci parce que ce qui est proposé ne s’attaque pas (ou très peu) aux mécanismes de marché. Même si toutes les associations membres ne partagent pas nécessairement un même point de vue sur ce qu’il faudrait faire, nous estimons tous qu’il faut aller beaucoup plus loin. Le système dit du « traitement collectif des préférences », pratiqué dans de nombreux pays, nous paraît être un minimum vers lequel il faudra bien se diriger si on veut vraiment prendre ce problème à bras le corps.
De même, nous écrivions dans notre mémorandum qu’il fallait instaurer « un vrai tronc commun ». Il nous semble en effet évident qu’on ne peut obliger des jeunes à faire des choix déjà déterminants pour leur carrière professionnelle dès 12 ou 13 ans. Par ailleurs, il est clair que l’existence de filières aux objectifs très différents ne peut que creuser les inégalités. Une association membre de la plate-forme a d’ailleurs démontré dans une étude[1] qu’il existe une forte corrélation entre la durée du tronc commun et le degré d’inégalités scolaires d’un pays. Autrement dit, plus le tronc commun est long, plus le pays lutte avec efficacité contre les inégalités. Là encore, nous avons constaté que le gouvernement partageait cette analyse. La réforme qui se met en route dans le 1er degré du secondaire montre néanmoins qu’on est loin d’un vrai tronc commun, même jusqu’à 14 ans. Ceci parce que les élèves qui sortent de primaire ont des niveaux très différents. Certains n’ont pas le CEB et nécessitent donc une prise en charge particulière. Mais il nous paraît intolérable que, dans un pays riche, de nombreux élèves n’obtiennent pas le CEB ! Et ceci nous ramène à la question de la mixité sociale. Car au niveau du fondamental aussi, il faut prendre des mesures pour éviter la dualisation entre établissements. On le voit, tronc commun et mixité sociale sont en réalité indissociables. On ne peut viser l’un sans l’autre. C’est pourquoi nous attendons de la part du gouvernement qu’il initie des mesures plus volontaristes afin de s’attaquer à ces problèmes.

Revoir la formation initiale !

La question de la formation initiale en Communauté française connaît une récurrence remarquable depuis plus de 25 ans. Les lignes qui suivent ambitionnent d’en montrer le cheminement, d’en souligner la nécessité et d’apporter quelques éléments de maturation des perspectives.
Bref historique.
Jusque dans les années 80, la question ne fut guère à l’honneur. Jusqu’en 1962, la formation des instits se fit en 4 ans d’école normale après 3 ans d’enseignement moyen ; en 1974, elle passa de 1 à 2 années d’école normale après 6 ans d’enseignement secondaire. Parallèlement, la formation des régents nécessitait deux années après l’école secondaire. 1984 connut une premier tournant, plus cosmétique que substantiel lorsqu’une réforme prolongea la durée des études des instits et des régents de 2 à 3 ans. Objectifs officiels : amplification des stages et renforcement des connaissances dans les matières enseignées. Parallèlement, la nécessité d’étoffer l’agrégation des enseignants du secondaire supérieur et du supérieur se fit jour, tant était étroit le parcours des exigences qui fondait la délivrance de l’aess (agrégation de l’enseignement secondaire supérieur).
C’est dans un contexte de rationalisation de l’enseignement supérieur que fut revue la formation initiale des maîtres. La création des Hautes Ecoles et des départements pédagogiques fut suivie par une refonte de la formation initiale des instits et des régents applicable auprès de tous les réseaux (décret du 12 décembre 2000) – ce décret fut ensuite « corrigé » pour y réduire le contenu de la formation sociologique des maîtres -. Dans la foulée, la formation initiale des aess fut aussi remise sur le métier (décret du 8 février 2001) pour être ensuite soumise aux exigences de Bologne. Et complémentairement, le décret du 17 juillet 2002 définit le certificat d’aptitudes pédagogiques à l’enseignement supérieur.
Pas de révolution copernicienne depuis près de plus de 50 ans mais une évolution surtout dictée par les circonstances, nonobstant le fait que l’action politique après les années 2000 fait écho à l’expression du besoin de plus en plus criant de révision de la formation initiale, écho qui ne put trouver un véritable envol eu égard au contexte budgétaire (et qui se solda même par une régression sociale auprès de l’enseignement supérieur).
A noter que durant toute cette période, la formation pédagogique des professeurs de cours technique et/ou de pratique professionnelle a fait du « sur place » ; le CAP (Certificat d’Aptitudes Pédagogiques) et CNTM (Certificat de Cours Normaux Techniques et Moyens) sont restés intangibles …
Pourquoi ?
Nombreuses sont les considérations qui justifient une révision fondamentale de la formation des maîtres. Et c’est la prise en compte de ces considérations de manière solidaire et indissociable qui conduit à un plaidoyer pour l’allongement de la durée des études. Cet allongement vers une formation de niveau universitaire aurait en sus le mérite de casser les hiérarchies existant encore entre les différentes filières.
Pour (re)lancer le débat, citons ainsi parmi les compétences à attendre à tout niveau :
la maîtrise réflexive adéquate des disciplines enseignées,
la connaissance approfondie des processus de développement psychologique et physiologique des enfants et adolescents tout comme des sciences de l’éducation, le tout associé à une culture générale large ;
la capacité d’analyse des mécanismes sociaux en œuvre au sein de l’Ecole et les réponses de structure ainsi que pratiques pédagogiques à construire pour y répliquer ;
la maîtrise de la langue française pour enseigner et communiquer ;
la capacité d’analyser les situations d’apprentissage, ses propres pratiques et leurs résultats ;
la prise en compte de la diversité des élèves et la capacité de mettre en œuvre une pédagogie différenciée ;
l’aptitude à dépister les difficultés spécifiques d’apprentissage en lien avec une intervention corrective immédiate ;
la capacité d’évaluer les diverses dimensions de cette opération et plus particulièrement les activités de remédiation immédiate qui en découlent ;
la maîtrise des technologies de l’information et de la communication ;
la capacité d’assurer une coopération avec les parents et les partenaires de l’école ;
la maîtrise du fonctionnement des structures scolaires et des rôles des acteurs ;
la formation au monde économique et à la vie associative ;
le travail en équipe qui fonde une culture professionnelle prenant en compte réciproquement les qualifications et les expériences des uns et des autres;
la capacité de saisir de manière critique ou réflexive les résultats de la recherche scientifique, de ses résultats et de ses applications à l’enseignement ;
la capacité de conduire un processus de formation en cours de service et tout au long de la carrière.

Les perspectives.
Outre le fait que la Communauté française fait office de vestige historique dans le cadre européen de la formation des maîtres (mais la construction européenne n’est pas garante de progrès social, loin s’en faut !), il nous paraît que la prochaine décennie devra impérativement revoir fondamentalement, en fonction des objectifs mentionnés ci-dessus, le régime de formation initiale. L’entreprise devra être conduite dans un contexte difficile (la pénurie frappe nombre de fonctions) et s’étaler sur plus d’une législature. Elle nécessitera des apports budgétaires car l’ajustement à tous niveaux sur une formation de niveau universitaire doit conduire aussi à l’existence d’un grand barème de référence (le 501 revisité) ; la revalorisation de la fonction intègrera aussi cet élément.
Le monde politique francophone semble avoir compris la nécessité de conduire une opération d’envergure sur ce dossier. Le chantier a été entrouvert à l’occasion de la conclusion d’un accord sectoriel gouvernement-organisations syndicales en juin dernier ; un des points d’accord valorise l’obtention d’une licence ou d’un master au bénéfice des instits et des régents exerçant leurs fonctions à ces niveaux (« valoriser au barème 501, avec effet au 1er janvier 2009, les instituteurs ou régents ayant obtenu un master (second cycle) en lien avec leur fonction dans l’enseignement fondamental ou secondaire inférieur).
Par ailleurs, le Ministre de l’enseignement obligatoire est aussi sorti clairement du bois en souhaitant que la formation initiale des instits et des régents passe progressivement à cinq ans en procédant aux adaptations salariales conséquentes. Nous avons la faiblesse de croire que cette position trouvera rapidement une place de choix dans les programmes des formations politiques et en 2009, dans la future déclaration de politique communautaire.

L’externalisation de la remédiation

La prise en charge des difficultés d’apprentissage des enfants doit se faire tout au long du parcours scolaire, dans l’école : l’école est l’institution mandatée pour assurer aux élèves savoirs et compétences de base. L’enseignant reste le premier «remédiateur».
Petites annonces dans la presse locale ou dans les commerces de proximité, l’offre et la recherche de cours particuliers sont loin d’être récentes! Ce qui semble plus récent, par contre, c’est l’amplification de cette offre et la marchandisation accrue et revendiquée d’un secteur en pleine expansion. Or, l’école, à l’inverse de l’offre privée, est l’institution mandatée par la société pour mettre en oeuvre les valeurs d’égalité! Elle devrait donc garantir à chacun des élèves les savoirs et compétences de base qui leur permettent de comprendre le monde et d’y prendre place. Dans bien des cas, c’est davantage d’une externalisation des apprentissages qu’il s’agit!
Accepter la délégation de missions aussi importantes qui incombent à l’école à des services extérieurs payants ne peut que nous éloigner des aspirations égalitaires de celle-ci. L’acte d’apprendre doit retrouver la place qui lui revient dans l’école. Le contexte social et économique actuel a instauré un climat de crainte par rapport à l’avenir et tout particulièrement par rapport à l’emploi, cela a exacerbé la demande de réussite scolaire quel qu’en soit le prix. Des parents consacrent une part non négligeable de leur budget aux divers soutiens et accompagnements scolaires de leurs enfants, d’autres s’orientent vers les écoles de devoirs, des initiatives qui ne cessent de se développer et qui se voient rapidement obligées de refuser des enfants et des jeunes par manque de place, etc. Ce phénomène d’externalisation, qui consiste paradoxalement à chercher en dehors de l’école les clés de la réussite scolaire, doit nous mettre en garde contre une compétition accrue entre établissements et la poursuite d’une dualisation déjà tellement présente. L’Ecole doit rester le lieu garant de la transmission et de la construction des savoirs pour tous.
Le Gouvernement de la Communauté française et les partenaires ayant participé à l’élaboration du Contrat pour l’Ecole sont bien conscients de cet enjeu lorsqu’ils soulignent la place fondamentale qu’occupe l’enseignement dans le développement de toute société démocratique, l’Ecole constituant en effet pour de nombreux jeunes l’outil essentiel de leur émancipation citoyenne, sociale, culturelle et solidaire. Tenant compte des constats posés sur la situation actuelle de notre système scolaire, dont celui d’une non maîtrise suffisante par tous les élèves des apprentissages de base, les signataires de la Déclaration commune du 29 novembre 2004 se fixaient 6 objectifs. Parmi ceux-ci, l’amélioration des performances de chaque enfant et l’augmentation du nombre d’élèves à l’heure ne peuvent faire l’impasse sur la question de la prise en charge des élèves dès que les difficultés se manifestent. Il est précisé, concernant ces objectifs, que d’autres outils que le redoublement permettent de gérer les difficultés d’apprentissage et d’adapter la pédagogie aux rythmes des élèves et qu’il convient de développer des outils pédagogiques pour résoudre les difficultés d’apprentissage dès qu’elles se présentent et de garantir des résultats tout en s’adaptant aux rythmes d’apprentissage.
La question de la remédiation est transversale aux 10 priorités du Contrat pour l’école.
Ainsi, le renforcement de l’encadrement dans les deux premières années du primaire vise à assurer une remédiation dès que les difficultés apparaissent que ce soit par un nombre moins élevé d’élèves par classe ou l’engagement d’un maître de remédiation. A ce propos, nous ne pouvons que contester le saupoudrage opéré en début de législature (20 élèves par classe dans les 2 premières années primaires) qui semble non seulement inefficace mais qui dilapide des moyens. Il aurait fallu décréter un réel plan d’urgence pour les écoles les plus défavorisées.
La volonté de conduire chaque jeune à la maîtrise des compétences de base met l’accent sur la transition entre le primaire et le secondaire par l’accentuation de la remédiation selon trois mécanismes : la remédiation immédiate au sein du cours normal de la classe, l’organisation d’une année supplémentaire au sein du 1er degré du secondaire et un parcours différencié pour les élèves n’ayant pas obtenu le CEB. La volonté de mieux préparer les enseignants touche également à cette question puisqu’on nous parle de les former à la détection rapide des difficultés, aux techniques de remédiation ainsi qu’aux mécanismes sociologiques ou psycho-affectifs qui peuvent expliquer les difficultés d’apprentissage d’un élève et à la gestion de groupes hétérogènes. La réforme des services d’inspection et l’animation pédagogique propre à chaque réseau devra quant à elle aider à ce que les remédiations à apporter aux difficultés relevées s’intègrent dans la pratique quotidienne des enseignants.
Si les enseignants sont les premiers « remédiateurs », il ne faudrait pas négliger la place que d’autres professionnels tels les logopèdes, les spécialistes de la dyscalculie, …pourraient occuper aux côtés de ceux-ci au sein même de l’école.
Permettre aux enfants et aux jeunes d’oser dire leur difficultés sans risque de jugements hâtifs sur leur comportement, leur attention, leur motivation, leur effort, leurs parents… et de trouver un soutien au sein même de l’établissement est une condition importante de leur réussite au risque de les voir perdre confiance en eux et se décourager. Replacer cette prise en charge au sein même de l’école ne peut qu’améliorer le rapport des jeunes à leurs enseignants, à leur établissement, à l’Ecole.
Garantir aux parents une école où la plupart des difficultés scolaires de leurs enfants puisse être prise en charge ne peut également qu’améliorer leur relation avec l’établissement scolaire de leur enfant mais aussi avec leur enfant en leur rendant la place de parent qui leur revient.
Prendre en charge la remédiation au sein de l’école, c’est aussi rendre au secteur de l’accueil extra scolaire sa place spécifique entre l’école et la famille et permettre à l’élève qui quitte l’école de devenir enfant.
Tant la formation initiale des enseignants qu’un réel accompagnement dans leurs pratiques quotidiennes devraient contribuer à assurer un réel enseignement différencié tel que soutenu par le Décret Mission. Mais, au-delà de la formation, ce dont les enseignants ont besoin, c’est d’être reconnus dans leur métier et valorisés. Ils ne pourront pas y arriver seul si une majorité de la société continue de privilégier un enseignement frontal avançant au rythme des « plus forts ». Il ne s’agit donc pas uniquement de proposer des réformes structurelles mais également culturelles et de transformations des représentations.
A l’heure où certains envisagent d’élargir les titres services à l’engagement d’accompagnants scolaires à domicile et où certains parlent d’exonération fiscale… nous ne pouvons accepter que la prise en charge de la remédiation par l’extérieur n’occulte l’urgence de repenser le système sélectif à outrance que nous connaissons aujourd’hui et rappeler avec force les points de notre mémorandum relatifs à cette question.
« Faire en sorte que les difficultés d’apprentissage soient anticipées et, le cas échéant, décelées et traitées rapidement, prioritairement au fondamental qui commence dès la première maternelle. L’enseignant devant rester l’intermédiaire entre l’élève et les savoirs.
Tout en respectant l’autonomie des équipes pédagogiques, il faut veiller à réduire progressivement le nombre d’élèves par classe dans les deux premières années du primaire pour arriver au chiffre optimal de 15 et sans dépasser 20 pour les autres années.
Mettre en place des dispositifs de remédiations multiples (spécialistes des difficultés d’apprentissage, professionnels présents dans l’école: logopèdes, spécialistes de la dyslexie, dyscalculie, maîtres d’adaptation à la langue, valoriser les innovations pédagogiques des enseignants de terrain et en particulier les travaux d’équipes, …) en évitant toute forme de stigmatisation. Quoiqu’il en soit, l’enseignant doit rester au centre.
Augmenter l’encadrement logistique (secrétariat, équipements, …) afin de faire en sorte que les directeurs d’école jouent un rôle d’animateur pédagogique ».

Conclusions

2009 sera une année électorale. L’enseignement sera au centre des débats. On le voit déjà, certains partis politiques tiennent des tables rondes ou prévoient des colloques sur l’Ecole. Nous allons, de notre côté, veiller à ce que ce débat ne soit pas que politique, mais fondamentalement citoyen. Regroupant des associations de seconde ligne ET de terrain, les syndicats enseignants et le monde de la recherche universitaire, notre plate-forme représente tous les pans de la société en rapport avec l’Ecole.
Nous allons donc investir le débat tout au long de la campagne électorale. L’objectif est de faire caisse de résonance, mais aussi de mettre une pression sur les partis politiques et leurs programmes. Aussi nous avons besoin du dernier pilier social qui nous manque : vous… la presse. Non pour épouser nos thèses – il est important de garder votre indépendance – mais pour informer le citoyen. Nombre d’entre eux n’ont pas idée des enjeux sociopolitiques qui se jouent à l’Ecole. Il est important de les conscientiser.
De notre côté, nous avons établi un ‘plan de campagne’. Nous allons porter le débat dans toutes les provinces, en nous appuyant sur nos réseaux (nos associations sont présentes sur le terrain, via leurs sections locales). En octobre prochain, nous profiterons de l’époque du salon de l’éducation pour lancer la dynamique. Nous avons invité les présidents des 4 partis à débattre de notre mémorandum. Ensuite, nous organiserons des tables-rondes dans chaque province wallonne ainsi qu’à Bruxelles. Cela nous mènera à la veille des élections. Notre objectif est de permettre à chaque citoyen de s’informer et de comprendre la problématique de l’échec scolaire mais aussi et surtout les enjeux sociopolitiques que cela sous-tend et d’empêcher le politique d’escamoter ou de biaiser le débat. Au-delà des enjeux européens ou régionaux, l’avenir de tous nos enfants – et donc de toute notre Communauté – passe avant tout.

Membres de la plate-forme

Les associations :
L’APED (Appel Pour une Ecole Démocratique),
L’APEPA (Association de Parents pour l’Epanouissement des Personnes avec Autisme),
CGé (Changement pour l’Egalité – mouvement socio-pédagogique),
La CEDD( Coordination des Ecoles de Devoirs de Bruxelles),
La FAPEO (Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel),
La FFEDD (Fédération francophone des écoles de devoirs),
La Ligue des Droits de l’Enfant,
Lire-et-Ecrire,
Le Moc (Mouvement ouvrier Chrétien)

Les académiques :
Vincent Carette (ULB),
Marcel Crahay (ULG et Genève),
Vincent Dupriez (UCL et Girsef),
Benoît Galand (UCL),

Les Syndicats secteur enseignement :
La CSC secteur enseignement,
La CGSP secteur enseignement,
Le SEL