Rentrée 2025: une année combative s’annonce

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Une nouvelle année est souvent à la fois synonyme d’espoir et de crainte. Pour ce qui est de la crainte, il ne faut pas chercher bien loin nos préoccupations de rentrée. Souvent, ces dernières années, ce qui nous inquiétait, c’était l’absence de mesures énergiques à même de relever les défis qui se posent à l’enseignement. Dorénavant, ce sont au contraire les initiatives du gouvernement de la FWB qui nous inquiètent. L’an dernier, à cette époque, on avait déjà des craintes à la lecture de la Déclaration de Politique Communautaire. Cette année, les premières mesures sont lancées et nos craintes se confirment, voire s’accentuent.

Un article initialement publié dans L’École démocratique, n°103, septembre 2025 (pp. 20-21).

Tout le monde ou presque s’accorde sur le fait que la lutte contre la pénurie d’enseignants et contre les inégalités scolaires sont les principaux enjeux. Et que nous propose la ministre Valérie Glatigny (MR) ?

Pénurie : MR, Engagés et Cie ont tout faux

En ce qui concerne la pénurie, ses « solutions » consistent à permettre à des profs retraités de reprendre du service. Sans commentaire. Il y a également un élargissement du mécanisme des pools de remplacement à deux nouvelles provinces (Namur et Brabant Wallon). Pourquoi pas ? Même si on doute que ces deux provinces soient les plus touchées par la pénurie et si on regrette que ce mécanisme n’existe pas dans le secondaire. Enfin, Valérie Glatigny se propose d’attirer davantage de « secondes carrières » en valorisant mieux pécuniairement l’expérience acquise hors école. Encore une fois, pourquoi pas ? Mais à condition que des formations pédagogiques intensives soient organisées. Car un bon menuisier ne fait pas forcément un bon prof de menuiserie, une bonne traductrice pas nécessairement une bonne prof de langues, etc. C’est d’ailleurs la critique principale que font, à juste titre, les syndicats par rapport à cette approche. En ne prévoyant pas de formations sérieuses pour tous les enseignants, la ministre ne garantit pas aux jeunes l’enseignement de qualité auquel ils ont droit. Et elle risque fort de voir les nouveaux profs s’enfuir en courant quand ils verront qu’ils ne sont pas outillés pour leur nouveau métier. Par ailleurs, en la bradant de la sorte, elle dévalorise la profession. Ce qui risque fort d’avoir, à terme, des conséquences néfastes sur la pénurie.

Mais ce sont surtout d’autres mesures qui risquent, au lieu d’améliorer l’attractivité du métier et d’éloigner les candidats potentiels. Pensons à la perspective de la suppression des nominations. La stabilité, la sécurité d’emploi à partir d’une certaine ancienneté ont toujours été considérés comme une compensation par rapport à des salaires, disons, moyens. La nomination est également un élément sécurisant par rapport à des abus de pouvoir de la hiérarchie ou de l’inspection. Bien sûr, des fautes professionnelles graves peuvent et doivent être sanctionnées. Mais un prof qui refuse d’être taillable et corvéable à merci ou qui a une approche audacieuse d’une certaine matière – tout en restant objectif – ou qui fait preuve d’une pédagogie innovante est protégé par sa nomination. Ce qui a pour effet de libérer les approches originales. Quid d’un enseignant continuellement soumis à sa hiérarchie à qui il ne peut rien refuser ? Le risque est grand de casser toute créativité. Alors, certes, la suppression de la nomination ne sera pas pour cette année, mais l’objectif reste bien la boussole de la ministre (à partir de 2027). On conviendra qu’en termes d’attractivité, on a vu mieux …

Et tant qu’on parle de perspectives, que dire des mesures que concocte le gouvernement fédéral ? Sa réforme des retraites prévoit un allongement des carrières et une diminution des montants. Pour les enseignants, le gouvernement risque de rendre les DPPR beaucoup moins attractives en ne les comptabilisant plus pour le calcul de la pension. Qui va encore se lancer dans la carrière en sachant qu’il devra assumer la charge mentale d’enseigner jusqu’à 67 ans ? La présence importante d’enseignants, notamment flamands, lors des dernières grandes manifestations contre l’Arizona révèle le désaccord et la colère des profs à ce sujet.

La ségrégation scolaire, encore et toujours…

Et les inégalités scolaires, dans tout ça ? Toutes les mesures entrées en application à la rentrée vont dans le sens de leur aggravation. Diminution des moyens (3%) du qualifiant, qui scolarise déjà les élèves le plus en difficulté. Suppression des 7TQ et envoi des élèves concernés vers l’enseignement pour adultes. Trop loin géographiquement pour certains d’entre eux, davantage de frais… et pédagogie non adaptée. Bref, certains voient leurs études écourtées. Ajoutons la non prolongation de la gratuité du matériel en 4ème secondaire. Concrètement, plus de 50.000 élèves qui en bénéficiaient depuis le début de leur scolarité sont sortis du système. Et bien sûr, en tant que telle, la pénurie elle-même est un facteur d’inégalités. Tant on sait bien que dans les familles aisées, l’absence de profs est au moins partiellement compensée par des visites, des cours particuliers et de bien d’autres manières. Alors que c’est bien plus compliqué dans les familles populaires.

Il faut aussi parler de la remise en question du tronc commun (TC). Entendons-nous bien. Nous avons toujours été critiques par rapport au TC proposé par le Pacte pour un enseignement d’excellence, car nous estimions, et c’est toujours le cas, que toutes les conditions de sa réussite étaient loin d’être réunies. Mais là, maintenant, la ministre Valérie Glatigny s’attaque à la philosophie même du tronc commun. Non seulement elle remet en question son arrivée en 3ème secondaire à la rentrée 2028, mais elle s’apprête en réalité à introduire de la formation « orientante » dès la première secondaire à la rentrée 2026. Bref, si elle l’emporte dans le bras de fer qui l’oppose actuellement aux acteurs du Pacte, le tronc commun sera mort et enterré avant même d’avoir été mis en place ! Autrement dit, plutôt que d’avoir le courage de réaliser les conditions de sa réussite, par exemple en s’attaquant au marché scolaire, le gouvernement tue dans l’oeuf le principe même du TC !

De l’austérité en vue

Voilà de bien sombres perspectives. Car, par ailleurs, la situation financière de la FWB est telle que la Ministre Présidente, Elisabeth Degryse (Les Engagés), a annoncé que le prochain conclave budgétaire devait trouver 300 millions d’économies ! Quand on sait le poids que représente l’enseignement dans le budget, il n’y a pas de doute qu’on se dirige vers de nouvelles coupes sombres.

Seule la lutte peut payer

N’y a-t-il donc aucun espoir ? Ces derniers mois, la combativité des enseignants n’a pas faibli. En janvier dernier, ce sont plus de 30.000 enseignants qui ont défilé dans les rues de Bruxelles. Réaffirmant leur volonté de défendre leur profession. Mais aussi de se battre pour un enseignement plus juste. Ils ont été rejoints en cela par de nombreux jeunes, particulièrement du qualifiant. On n’avait plus vu une telle mobilisation et une telle unité depuis quasi trente ans. Il faudra pouvoir s’appuyer sur cette mobilisation pour continuer le combat dans les mois qui viennent.

Et puis il y a aussi l’ampleur prise par la lutte contre le gouvernement Arizona. La colère monte devant l’explosion des dépenses militaires au détriment des services publics et de la sécurité sociale. A cet égard, il sera important d’être nombreux à la grande manifestation interprofessionnelle du 14 octobre à Bruxelles. C’est en effet par l’unité et la lutte qu’on pourra faire reculer les gouvernements de droite. Les syndicats enseignants, flamands comme francophones, envisagent en tout cas un bloc commun dans cette manif. Ça aussi ça faisait longtemps qu’on ne l’avait plus vu. La montée en puissance de la combativité, voilà qui donne de l’espoir !