Les engagements d’Alain Accardo

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Alain Accardo, Engagements. Chroniques et autres textes (2000-2010), Agone, 2011, 310 p.

« La sociologie est un sport de combat » disait le réalisateur Pierre Carles il y a quelques années, en faisant allusion à Pierre Bourdieu. Son ancien collègue Alain Accardo (né en 1934) est en quelque sorte le dépositaire de la sociologie critique et engagée que Bourdieu avait porté à son pinacle. Les éditions Agone lui rendent hommage en compilant plusieurs de ses textes écrits dans la décennie 2000 et parus à l’époque dans diverses revues (La décroissance, Cahiers de l’Institut d’études économiques et sociales pour la décroissance, Le Passant ordinaire, Awal, Le Sarkophage, etc.), plus quelques articles inédits. On y trouve entre autres la clairvoyance politique, la dénonciation des dérives des médias et la révolte contre les errements et l’hypocrisie de la fausse gauche. Accardo exhorte la gauche, ou ce qu’il en reste, à redevenir anticapitaliste et à renoncer par la même occasion aux fantasmes de richesse matérielle, de consommation et de distinction au profit d’une réelle option transformatrice de la société, d’un nouveau rapport de force, cette fois inversé, entre Capital et Travail. Le « mal » ne se trouve pas seulement à l’extérieur dans la société, il se loge également dans l’intériorité des individus, sous forme de dispositions mi-conscientes mi-inconscientes – les habitus – qui leur font intégrer intimement ce dont le système économique prédateur a besoin pour se pérenniser. Sans cette capacité et cette volonté de se socioanalyser, point de salut ! Les classes moyennes sont ici principalement visées. Quand l’auteur témoigne de sa vie en Algérie, dans les textes « Entre Fanon et Camus » et « Les racines algériennes de la sociologie de Pierre Bourdieu », c’est captivant, tant d’un point de vue historique que psychosociologique. Mais la plupart des chroniques sont en prises directes avec l’actualité, que l’auteur commente d’une plume enlevée et grinçante quand il le faut. Son écriture littéraire mise au service d’un combat politique fait de lui un authentique polémiste, ce qui devenu rare par ces temps consensuels. Voilà une lecture propre à redonner du cœur au ventre à ceux qui veulent changer le monde par la gauche, en en ayant bien saisi tous les tenants et aboutissants.

Bernard Legros