Une école debout !

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23 sur 54. Cela sonne comme une mauvaise note. Celle du mal de vivre dans notre école d’enseignement professionnel en discrimination positive. 23 sur 54, c’est le nombre d’enseignants, partis ou ayant demandé à partir, depuis juin 2003 – par rapport au nombre total. Dans le lot, un directeur et deux sous-directeurs.
Pourtant, nous ne faisons pas facilement dans la résignation. Le dernier collègue arrivé il y a deux mois s’en étonnait même : avec bien plus de problèmes qu’ailleurs, le désir de travailler ensemble, le souci de ne pas s’arrêter au premier obstacle venu, nous portent. Nous portaient. Depuis le début de la semaine, nous faisons des arrêts de travail.
On est à bout. Incapables de faire un pas de plus. Au moment où nos responsables politiques s’affichent partout avec de la satisfaction plein la bouche, nous voulons dénoncer le jeu sinistre dont élèves et personnel éducatif (enseignants et éducateurs) sont les dupes.

La providence du système

En échange de quelques maigres compensations (un coefficient de calcul d’heures-enseignants plus favorable, un apport d’aide-éducateurs composé pour l’essentiel de jeunes non-formés, …) des écoles comme la nôtre servent d’alibi à tout un système scolaire fonctionnant à l’exclusion et à la relégation : quand un élève pose problème, l’école qui se veut « bonne » s’en débarrasse. Ces élèves exclus se retrouvent ainsi ballottés d’un établissement à l’autre ; en bout de course, c’est dans une école comme la nôtre qu’ils arrivent, ayant en attendant cumulé échecs et rancoeurs.
A nous alors de les remettre debout, confiant en leurs capacités, à nous aussi de les remettre à niveau, de les aider dans des difficultés très fréquentes, qu’elles soient d’ordre familial, social, économique – et cela peut aller jusqu’à chercher des tartines pour les gosses qui n’ont rien à manger le midi. Afin de leur faire acquérir des compétences sociales, intellectuelles et professionnelles.
Ce que nous dénonçons, c’est la perversité d’un système qui concentre dans un même lieu les élèves cumulant les difficultés. Nous sommes prêts à mener ce travail de « remise à flot » avec un certain nombre d’élèves ; mais cela n’est possible que si les élèves relevant de profils extrêmes restent minoritaires. Or, actuellement, nous sommes comme des démineurs devant désamorcer trop de mines en même temps. Cela nous explose de plus en plus à la figure, à longueur de journée.

Nous fabriquons des asociaux

Conséquence ? Parce que nous ne pouvons pas leur offrir le suivi et l’encadrement qualifié dont ils auraient besoin, certains élèves pourrissent sous nos yeux – alors qu’ils auraient pu tourner tout autrement dans d’autres conditions. Pourrissent aussi des dynamiques de classe. Et en entraînent d’autres dans leur sillage.
Pour ne citer qu’un exemple, pour bénéficier d’une aide d’un psychologue ou d’un assistant social, un élève doit entreprendre un véritable parcours du combattant (prises de rendez-vous, délais d’attentes, annulations en fonction des urgences,…). L’idéal, si on veut le décourager, surtout qu’il est déjà mal à l’aise face à ce type de professionnels. Ce n’est évidemment pas perdu pour tout le monde…

Diviser pour…

Au quotidien, cela donne des incivilités à répétition, qui minent le moral et génèrent le sentiment de violence tant décrié. Cela donne aussi des remplaçants qu’on ne trouve plus pendant des mois [1] ; ou alors, on engage des travailleurs qui ont de moins en moins une formation pédagogique [2], et peu ou pas d’expérience professionnelle. Bref, on envoie au casse-pipe les collègues qui peuvent le moins s’appuyer sur leur formation et leur pratique, ceux dont on devrait précisément prendre le plus soin. Puis on s’étonne que le feu sacré se perde [3].
Ce que nous voulons dire, c’est que la « violence », cela se fabrique – à coup de classes trop peuplées, mal insonorisées, de bâtiments inadaptés, de matériel insuffisant. Mais tant qu’on se chamaillera entre nous (enseignants-direction, enseignants-élèves, parents-enseignants,…), nous ne nous en prendrons pas à ceux qui ont une réelle prise sur des facteurs de changement essentiels.

Nous voulons travailler !

« Un peu de patience », nous dira-t-on. « Les moyens arriveront bientôt ! » Nous aussi on se disait ça. Mais allez dire ça à la porte qu’on vient de défoncer (c’est vrai qu’une porte…) ; au collègue qu’on a collé contre le mur ; au jeune collègue qui s’épuise pour un début de carrière en donnant cours d’informatique en 2ème, initiation à la vie professionnelle en 3ème, comptabilité et éducation à la consommation en 4ème, sciences en 6ème et mathématique en 7ème ; à la directrice qui vient le samedi et le dimanche pour abattre le travail administratif qu’elle ne peut réaliser en semaine. Tous ces événements se sont déroulés dans le courant de la semaine écoulée ! Combien d’autres encore devront partir ? Basta !
Un facteur essentiel dans la qualité d’une école, c’est sa cohérence d’équipe. Or, la cohérence, cela se construit. Par un travail collectif régulier, où l’on peut analyser les dysfonctionnements, se concerter sur de nouvelles initiatives, évaluer ce qui a été fait et reste à faire. Par ailleurs, le suivi d’élèves en difficulté demande autre chose que 5 conseils de classe annuels où l’on doit passer au pas de charge tout une classe, toutes branches confondues. Pour tout cela, il faut du temps. Surtout quand on est confronté à de plus grandes difficultés qu’ailleurs.

Appel

C’est pourquoi nous demandons une autre gestion des élèves en difficulté, qui ne les amène pas à se retrouver tous dans les mêmes établissements. Nous demandons aussi un cadrage plus strict du nombre d’élèves par classe (plafonné à 15, par exemple). Nous demandons enfin que la part de notre travail à l’école consacrée au travail en équipe soit augmentée, dans un cadre horaire et matériel qui permette vraiment de travailler ensemble. Autrement qu’entre deux tartines sur le temps du midi, et en collaboration avec du personnel non-enseignant qualifié…et disponible.
Cela a déjà été répété de nombreuses fois : ce que les pouvoirs publics prétendent économiser en ne respectant pas nos conditions de travail, la société le paie de toute façon par ailleurs lourdement. En défendant notre survie professionnelle, par des arrêts de travail aujourd’hui, peut-être des grèves ou d’autres actions demain, nous défendons aussi une certaine conception de l’intérêt général.
Nous appelons tous les citoyens soucieux de l’école, travailleurs ou usagers, à signer cet appel. Nous voulons une amplification, mais aussi à terme une réorientation de la politique de discriminations positives, de manière à ce qu’elle résorbe progressivement les inégalités, au lieu de les entretenir. Pour ce faire, NOUS DEMANDONS QUE CE POINT SOIT INSCRIT COMME PRIORITAIRE DANS LA PROCHAINE DECLARATION DE POLITIQUE GOUVERNEMENTALE.

Pour des écoles debout.

Les éducateurs et enseignants de l’Institut des Ursulines (site Sippelberg) – Molenbeek

[->http://www.magusine.net/idu/rubrique.php3?id_rubrique=116]

[->uneecoledebout@yahoo.fr]

3 COMMENTS

  1. > Une école debout !
    Bonjour,

    Je viens de prendre connaissance de votre action et de votre pétition. Enfin ! Bravo !

    De tous les pays de l’OCDE, la Belgique est celui où les inégalités de niveau entre élèves, mais surtout les inégalités entre établissements scolaires, sont les plus fortes. Nous présentons également un degré de concentration sociale beaucoup plus élevé que n’importe quel autre pays: notre pays connaît une polarisation plus forte qu’ailleurs en « écoles de riches » ou « écoles d’élite » et en « écoles de pauvres » ou « écoles poubelles ». Une étude statistique, que j’ai pu réaliser l’an dernier sur base des données PISA, dans le cadre de mon activité pour l’Aped (Appel pour une école démocratique), a montré que notre situation peu glorieuse pouvait s’expliquer essentiellement par trois facteurs:
    1) Le sous-financement de notre enseignement primaire (3.813 dollars par an et par élève, contre 5.491 en Suède, 6.315 en Norvège)
    2) La sélection précoce en filières (sélection hiérarchisantes à l’âge de 12 ans, contre 16 ans dans les pays scandinaves)
    3) Le marché scolaire à la belge, c’est-à-dire la totale liberté de choix des parents, la concurrence entre établissements ou réseaux et la dérégulation du système, qui engendrent une ségrégation sociale terrible. Dès l’entrée à l’école primaire, l’enfant porte le stigmate scolaire de sa classe sociale.
    (Pour plus de détails, voir: http://www.ecoledemocratique.org/article.php3?id_article=115)

    Il y a un an, l’Aped lançait un cri d’alarme sur cette « catastrophe scolaire belge ». Mais, comme vous l’écrivez très justement, nos hommes et femmes politiques préfèrent s’afficher « avec la satisfaction plein la bouche » que de prendre leurs responsabilités.
    Ce laisser-aller pourrait néanmoins étonner. Au moment où l’on ne jure que par la formation pour résoudre le problème de l’emploi, l’école n’est-elle pas le meilleur investissement économique qui soit ?

    Malheureusement non. L’économie de marché « globalisée » n’a pas besoin d’un enseignement de qualité pour tous.
    Premièrement, parce qu’à l’ère de la prétendue « société de la connaissance » près de deux tiers des créations d’emploi concernent des emplois à très faible niveau de qualification (« hamburger jobs ») alors que 20 à 25% concernent des emplois exigeant très haut niveau de formation. Cette « dualisation » du marché du travail est appelée à se refléter dans la dualisation de l’école.
    Deuxièmement, parce que l’imprévisibilité de l’environnement industriel et technologique ne permet plus de planifier les besoins en qualifications. Dès lors, on préfère se rabattre sur de vagues « compétences » felxibles et transposables, plutôt que d’assurer le difficile accès de tous à une culture commune jugée désormais obsolète.
    Enfin troisièmement, l’exacerbation de la compétition économique s’accompagne d’un compétition internationale à la défiscalisation. L’objectif affiché est d’attirer les capitaux. Mais puisque tous les pays font de même, le seul résultat est de réduire les moyens de l’Etat. Donc les moyens de l’enseignement. Rappelons ce chiffre terrible: entre 1980 et aujourd’hui, les dépenses publiques de la Belgique pour l’enseignement sont tombées de 7% du PIB à 5% seulement. En termes relatifs, cela représente donc une perte de 28%, alors que le nombre d’étudiants (surtout dans le supérieur) a continué d’augmenter fortement.
    (lire aussi: http://www.ecoledemocratique.org/article.php3?id_article=173)

    Vous et vos élèves, êtes les victimes d’une politique éducative qui ne laisse plus de place à l’idéal de la démocratisation des études et de l’institution du citoyen critique, capable de comprendre le monde pour le transformer; d’une politique éducative qui n’a plus qu’une ambition: soutenir les marchés. Une politique éducative qui n’hésite pas, pour cela, à transformer l’école et les savoirs eux-mêmes en marchés et les élèves en clients.

    Courage pour vos, non !, nos luttes et n’hésitez pas à faire appel à moi ou à l’Aped.

    Nico Hirtt (Aped)

  2. > Une école debout !
    bonjour,

    pour des raisons de raison,je parlerais au conditionnel.
    il semblerait que lors des « fusions » d’etablissement,certains responsable d’ecole comme au lycee Emile Max de Shaerbeek,a une epoque sombre du mayorat de schaerbeek,favorisait le transfert de professeur competent(bonne approche de la problematique liée,au eleves difficiles)vers l’autre ecole « Dailly »,ou là, parait il les enseignants ne perdaient pas leurs temp a enseigner a des eleves d’une « caste inferieure »…

    vrai ou faux?je n’ai pas les moyens d’enqueter!

    Saissi Hassan
    http://www.fartatin@yahoo.fr

    N.B:le combat est encore plus noble,lorsqu’il semble perdu d’avance.

    P.S:désolé pour les fautes d’orthographes et de grammaires,l’ecole est un vieu souvenir
    surtout pour moi.

    • > Une école debout !( jamais a schaerbekk !)
      une arnaque a l’école 1 de
      schaerbeek , 1 nouvelle bibliotheque qui a couté +-4000 euro a la commune et 20 000 euro la communauté francaise a+

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