Les enseignements du capitalisme

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Les rapports incestueux qu’entretiennent le capitalisme et le monde de l’enseignement sont devenus de plus en plus difficiles à identifier, à pister, et à dénoncer. Michel Weber [1], philosophe, les décortique pour nous.

Cet article a initialement été publié par l’ Association Culturelle Joseph Jacquemotte, Bruxelles, Sept. 2018 ainsi que sur le site chromatika.academia

D’une part, le capitalisme, comme son appendice idéologique qu’est le libéralisme, ne disent plus leurs noms. On parle de mondialisation, de globalisation, de néolibéralisme, ou, à la rigueur, de démocratie de marché. L’image qui nous est proposée est celle d’une dynamique vitale et efficace, d’une loi fondamentale de la nature, et de la nécessité de ne pas brider cet élan universel vers la plus-value (dans tous les sens du terme). Liberté !, on crie ton nom.

D’autre part, tous les degrés de l’enseignement font l’objet de recherches universitaires, de la publication d’études spécialisées par des organismes internationaux aussi renommés que l’O.C.D.E., et de la rédaction de programmes d’études de plus en plus scientifiques et contraignants par les autorités (par définition) compétentes. Réglementer l’excellence ! est l’impératif post-moderne. Complémentairement, on la quantifiera, et on en fera des classements (les tristement célèbres « rankings ») permettant, justement, de définir les bonnes politiques.

Les différents acteurs peuvent donc, à bon droit, se prévaloir des résultats de la social-démocratie, les uns faisant paisiblement remarquer que le libéralisme a enfin été universellement accepté, et qu’il s’est même, en quelque sorte, civilisé, la loi de la jungle étant devenue celle de la cité ; tandis que les autres soulignent les avancées réglementaires, et la très naturelle subordination du socialisme à la démocratie de marché. Ceci a pour conséquence immédiate que personne ne pense à remettre sérieusement en cause l’adéquation qui doit exister entre le monde de l’enseignement et les besoins immédiats des entreprises.

Malheureusement, les enseignements de l’histoire et le bon sens nous indiquent une autre réalité. En effet, la droite extrême et décomplexée est de retour dans l’imaginaire, et dans les arcanes gouvernementaux, disons depuis le gaullo-pompidolisme (1969), le coup de Pinochet (1973), et le dogmatisme de sa fidèle amie Thatcher (1979). Dans ce contexte, seule la déréglementation compte. La question qui se pose avec insistance est donc de comprendre pourquoi on a assisté, parallèlement à la libéralisation — c’est-à-dire à la déconstruction des traditionnelles règles consensuelles —, à une inflation de nouvelles règles, parfois ouvertement dissensuelles, toujours techniques et liberticides.

Comment liberté et codification peuvent-elles coexister dans un système qui est, fondamentalement et explicitement, individualiste ? Comment — et pourquoi — atomisme et conformisme contribuent-ils, ensemble, au totalitarisme capitaliste ? On comprend facilement que l’atomisme puisse faire croire à la liberté — là où il fait défaut règnent d’ailleurs les privilèges (sic) — ; mais on voit moins comment le conformisme lui est compatible. Quel est, du reste, le rôle qui est assigné à l’enseignement dans cette gigantesque machine à décerveler ?

Trois étapes permettent d’éclairer l’affaire. Premièrement, il n’est jamais inutile de reprendre la question de la nature première du capitalisme. Deuxièmement, on tire les enseignements de la révolution industrielle, qui a donné au capitalisme primitif toute sa nuisance. Troisièmement, on revisite la réalité scolaire et académique.

Qu’est-ce que le capitalisme ? Il ne faut pas avoir peur des évidences, surtout pas lorsqu’elles ont perdu leur indubitabilité. Le capitalisme est le système politique qui accorde tous les avantages aux capitalistes et aucun, ou le moins possible, aux autres acteurs économiques.

Soulignons donc, premièrement, qu’il s’agit bien d’un système politique : il n’est aucunement naturel. On a cru pouvoir interpréter la révolution industrielle à partir de l’évolutionnisme ; c’est l’inverse qui s’est produit, au sens où le libéralisme a créé le darwinisme économique, pendant que Kropotkine, partant d’autres observations, proposait une théorie évolutionniste de la solidarité naturelle [2].

Et, deuxièmement, que la finalité de ce système est de tout réduire à l’économique, c’est-à-dire à l’activité qui a été considérée jusqu’au XIXe siècle comme la plus vulgaire qui soit. Ensuite, il n’est pas impersonnel ; au contraire, il est excessivement individualisé. Le « marché » est constitué d’investisseurs privés d’autant plus facilement identifiables que leur fortune est grande. On oppose souvent à ce fait la réalité des sociétés anonymes, des titres boursiers, et les intérêts des petits épargnants ; mais les nantis qui passent inaperçus dans la vie économique d’un pays sont rarement invisibles dans la vie sociale (comment éviter tous les signes extérieurs de richesse ?) [3]. Enfin, on remarque que les capitaux sont très difficiles à taxer — à la différence du travail, ou de la consommation des biens courants, auxquels n’appartiennent pas les biens d’investissements, qui sont, eux, l’objet de marchés très parallèles (les œuvres d’art, les diamants, l’or… [4]). Les libéraux ont bien raison de (faire semblant de) demander la fin de l’imposition salariale ; mais ils se gardent bien de dire que c’est le capital et la délinquance en col blanc qui devraient, enfin, faire l’objet de l’attention du législateur.

Reste à rappeler ce qu’est le capital. On pourrait le définir simplement en parlant de toute richesse qui est extraite du circuit économique et appropriée par des intérêts privés. En pratique, il s’agit généralement de sommes monétaires qui sont soustraites à la consommation immédiate.

Contraster capital et travail reste éclairant, au sens où ceux qui possèdent, à titre privé, les moyens de production, ont très clairement des intérêts opposés à ceux qui ne disposent que de leur force de travail pour vivre. Il ne faut pas pour autant accepter le récit classique qui fait de l’extraction capitaliste une condition de possibilité de la vie économique. Les sommes extraites, quasiment par ascèse calviniste, le seraient pour constituer l’épargne qui, à son tour, rendrait possible l’investissement et donc, finalement, l’emploi. Or, avant d’être marchand, manufacturier, ou industriel, le capitaliste est usurier, et la dette est, avec la spéculation, le plus puissant levier économique qui existe. Qui dit capital dit donc banque, et son acte de naissance est facile à produire : la Banco dei Medici est créée par Jean de Médicis en 1397, à Florence. (On considérera que l’entregent financier des Templiers, de 1119 à 1312, est pré-bancaire.)

Derrière cette toile financière, on trouve une institution fondamentale : la primauté de la propriété privée. Le principe de la propriété privée remonte manifestement à la transition du néolithique, et son respect scande très clairement ce que l’on a coutume d’appeler les progrès civilisationnels. Ce n’est toutefois que tardivement que la propriété privée s’affirme comme l’ennemie acharnée de la propriété publique. L’avènement des enclosures, dès les années 1235, signale le tournant individualiste sans lequel le capitalisme n’aurait pas été possible.

Historiquement, tout ceci se passe dans le contexte bien connu de la naissance de la bourgeoisie marchande, accompagnée de l’essor urbain et de l’exode rural (dès le XIe siècle). Mais l’embourgeoisement en question n’est pas que le fait d’arrivistes : la vraie trahison est celle des parvenus, c’est-à-dire des nobles, qui refusèrent de porter plus longtemps la responsabilité du bien commun (tout ce qui a une fin a eu un début). En clôturant les terres qui étaient communes, et en remplaçant les paysans par des moutons (voir More, 1516), les aristocrates écossais et anglais ont détruit le lien social que Tocqueville identifiait encore en 1835 (a posteriori, donc, et avec beaucoup de bonne volonté) dans l’Ancien Régime français.

Toutes ces réalités historiques convergèrent une première fois avec Luther (1517), Calvin (1536), et la création des Provinces unies (1579–1632). Il faudra toutefois attendre Locke (1690), Mandeville (1714), Smith (1776) et Montesquieu (1748) pour que le libéralisme reçoive, en quelque sorte, ses lettres de noblesse. Entretemps, le pillage colonial était instauré en règle (1492), l’esclavagisme restauré (le serf n’est pas un esclave [5]), et l’impérialisme avait repris sa marche forcée. En somme, lorsque le libéralisme philosophique confère, inconsciemment ou hypocritement, un vernis humaniste au libéralisme économique, nous obtenons la première focale du capitalisme contemporain. Son but est d’atomiser la société, de livrer chacun à soi-même, et tous aux détenteurs du capital.

En quoi l’industrie est-elle révolutionnaire ? Elle va constituer la seconde focale de l’ellipse capitaliste. Le capital usurier, marchand et manufacturier était réduit à l’artisanat ; le capital industriel va pouvoir se lancer résolument à la conquête de la totalité du vivant. Historiquement, on peut le rattacher à l’opérationalisation de la machine à vapeur par Watt (1784 et 1788) et, surtout, à la généralisation de l’exploitation du charbon, et à la sidérurgie (1830). En clair, l’ère thermo-industrielle est celle du machinisme, c’est-à-dire de la standardisation des produits et de l’organisation scientifique du travail. Alors que l’outil dépend de la morphologie humaine, la machine demande à l’ouvrier de s’adapter à son mécanisme. Le pouvoir de la machine est ainsi le pouvoir du conformisme : en amont, l’ouvrier doit être calibré, dompté, géré comme une ressource ; et, en aval, le consommateur doit accepter l’uniformisation de ses vêtements (!), de ses habitudes de vie, de ses goûts alimentaires, de ses idées, de ses désirs, etc. De fait, le pouvoir économique initial des Etats-Unis d’Amérique était de s’appuyer sur plus de 300 millions de consommateurs aux propensions strictement identiques ; avec la mondialisation de l’ « American way of life », on ne compte plus les milliards d’âmes mortes, comme aurait pu l’écrire Gogol, qui vivent dans l’espoir de leur assujettissement final. Les rendements d’échelle sont à la mesure des espérances de quelques-uns, et du désespoir de tous les autres.

En somme, le capitalisme, en tant que tel, peut prétendre à une certaine forme de libéralisme et, en tant que pilote de la technoscience, il exige, et produit, du conformisme. Il serait bon de compléter cette analyse en évoquant la nécessité de conjurer le danger permanent de la crise de surproduction grâce à l’obsolescence (contrôlée, technique, et psychologique), à la spéculation, à la guerre, et au keynésianisme militaire, cela n’est pas strictement requis par notre argument [6]. Nous avons en effet le fil : en scellant l’alliance entre capitalisme et technoscience, la révolution industrielle établit les deux principes fondamentaux du capitalisme mondialisé, l’atomisation des individus sous prétexte de les libérer, et leur conformisation afin de machiner le meilleur des mondes possibles. En d’autres termes, les conditions de possibilité de la culture, qui sont celles de la vie authentique, sont deux fois niées. D’une part, l’atomisme remplace la solidarité ; d’autre part, le conformisme se substitue à l’individuation. Sans solidarité, il est impossible de s’individuer, d’endosser son destin, de dépasser les contingences de sa naissance ; et, sans individuation, la solidarité reste lettre morte. Cette double négation panglossienne [7] est toutefois rendue acceptable par une inversion spectaculaire (aussi au sens de Guy Debord) des pôles privé et public : on prend l’atomisme (c’est-à-dire l’absence de solidarité) pour de la liberté, et le conformisme (c’est-à-dire l’absence de projet personnel) pour de la solidarité (tout le monde désire la même chose). On obtient, en somme, la guerre des clones, de ceux qui montrent leurs derrières (calibrés) en public, et parlent de politique (néolibérale) en privé.

Quels sont les impacts sur l’enseignement ? D’abord, l’extrême polarisation des filières et des publics.

Les écoles et les universités gérées pour, et par, les nantis dirigent leurs travaux à partir du principe premier du capitalisme : le vrai-faux libéralisme, qui atomise la société et la met en demeure de compétitivité. Il s’agit d’un libéralisme d’apparat car, en pratique, le capitalisme ne peut survivre sans spéculation, d’une part, et keynésianisme militaire, d’autre part. Quoi qu’il en soit, ces institutions privées ne dépendent pas (exclusivement) des subsides publics, et elles peuvent prendre des libertés — de fait si pas de droit — avec les réglementations et les programmes. En fait, ce sont elles qui les créent à la lumière, directe et indirecte, des exigences des entreprises. Le personnel enseignant y est anesthésié par un salaire managérial, et on ne risque (quasiment) pas de trouver des signes de pensée critique dans un tel cadre. Ou alors la critique est de l’ordre de l’expertise — qui n’est pas la pensée —, voire du pur et simple exercice de style — qui l’est encore moins — ; jamais elle ne cherche à promouvoir de conséquences pratiques. On ne mord pas la main qui vous nourrit. Chomsky n’est pas Grothendieck [8].

Les écoles et les universités qui doivent se contenter des laissés pour compte, passés, présents et futurs, se focalisent, par la force des choses, sur le principe second du capitalisme : le conformisme, et les sacro-saintes compétences. Ces institutions constituent la vraie cible de la réglementation endémique qui handicape l’enseignant et endort l’enseigné. Le personnel y est de plus incapacité par les salaires les plus bas possibles, compte néanmoins, et hélas, tenu du fait qu’un diplôme universitaire est requis pour enseigner à partir du secondaire supérieur. Les intellectuels précaires ne seront finalement pas plus enclins à penser critiquement que leurs collègues sicaires du capitalisme.

Ensuite, l’atmosphère culturelle est devenue excessivement handicapante. Le capitalisme n’a que faire d’individus autonomes, critiques, et politiquement actifs — mais il n’a de cesse de prétendre le contraire. La double pensée de Bateson (1942) et d’Orwell (1949) n’est définitivement pas loin : on nous dit d’être autonome et responsable, mais chacun pressent qu’autonomie et responsabilité sont malvenues ; on le sait, mais on cherche à l’oublier. Penser (doublement) l’apprentissage scolaire et académique comme une marchandise, et l’apprenant comme un client, va, par contre, de soi. Atomisme et conformisme créent des individus employables (c’est-à-dire flexibles et adaptables) mais infantiles, entre l’adonaissant (Singly, 2006) et l’adulescent (Anatrella, 1988) perpétuels. Plus particulièrement, l’enseignant dans le secondaire (et, a fortiori, dans le primaire) est trop souvent vu par ses élèves, leurs parents, voire parfois ses propres collègues, comme un handicapé socio-professionnel, comme quelqu’un qui n’a pas su, pu, ou voulu s’élever dans le monde de l’entreprise, et a dû se résoudre à mariner indéfiniment à l’école. Est-il nécessaire d’ajouter que ceci n’est pas sans corrompre le climat scolaire, et dégrader l’estime de soi des intéressés, sans parler de leur envie d’enseigner ?

Enfin, le climat sanitaire n’est pas plus propice à l’apprentissage : la malbouffe (essentiellement l’omniprésence de sucres de synthèse), l’hygiène de vie déficiente (la sédentarité), et l’abus des technologies de l’information et de la communication, rendent l’attention de tous, et la concentration des autres, très aléatoire. Prendre note pendant un cours semble tout aussi improbable que rédiger une synthèse digne de ce nom. À quoi bon de toute façon puisque tout ce que je dois connaître se trouve au bout de ma souris ? Remarquons à ce propos que, précisément, l’arrivée des technologies de l’information et de la communication dans le monde de l’éducation achève de conformiser et d’atomiser un paysage culturel dans lequel les Lettres faisaient encore de la résistance. Grace aux « humanités numériques », on peut facilement faire le canard (le « duckspeak » d’Orwell a été traduit par « canelangue ») plutôt que penser la différence en commun. Qu’il y ait des canards de surface (les utilisateurs de Microsoft) et des canards plongeurs (les programmeurs de Microsoft) ne change pas grand chose au résultat. Et l’injonction « apprends à apprendre » est finalement tout aussi paradoxale que son ancêtre « tu dois obéir ».

Quoi qu’il en soit des gesticulations politiques actuelles, le capitalisme requiert l’absence de pensée critique. De fait, entre ceux qui n’y ont pas accès à cause de l’indigence de leur condition intellectuelle, ceux qui ne voient rien à redire au technocapitalisme, et ceux qui se refusent de penser afin de ne pas compromettre leur maigre salaire, il ne reste que quelques atypiques et inconscients, dont on ne veut même plus outre-mer. À quand de nouvelles colonies pour de vrais débouchés dans l’enseignement et la recherche ?

La toute première trahison qui a rendu possible d’émergence du capitalisme est celle d’une certaine noblesse, qui n’a pas hésité à remplacer les serfs par des moutons, apparemment plus facile à tondre. La seconde est celle des scientifiques qui acceptèrent que leurs recherches et leur enseignement soient aiguillés par le marché. De même, les universitaires qui refusent d’exercer leurs responsabilités morales et politiques devraient voir leurs prérogatives aménagées en conséquence. La trahison des politiques et des syndicalistes (pensons à mai 68) se passe de commentaires. Reste celle d’un certain monde enseignant, qui est trop souvent paralysé par les exigences technocratiques et les conditions d’impossibilité de son travail.

Quels sont, finalement, les enseignements du capitalisme ? Premièrement, sans la mise en œuvre de la technoscience, son pouvoir de nuisance serait peut-être resté marginal. Deuxièmement, il semble impossible de se passer, a minima, du concept de servitude volontaire, et, a maxima, de celui de sado-masochisme, pour comprendre la dérive de nos politiques [9]. Troisièmement, le monde de l’enseignement est actuellement le terrain d’une guerre terrible qui vise à arracher un marché juteux des mains des pouvoirs publics tout en bridant les esprits. L’impératif est bien sûr idéologique (un enseignement libre est un enseignement libéral), mais surtout, qui en douterait, économique (les profits à extraire) et politique (la polarisation de l’enseignement permet la paupérisation de la population). Liberté et réglementation ne sont pas deux entités contradictoires dans la dialectique capitaliste : elles ont le même but, l’enrichissement des plus avides. Mais est-ce encore un problème si plus personne ne se pose la question ?

  1. Philosophe. Dernier ouvrage paru : Contre le totalitarisme transhumaniste : les enseignements philosophiques du sens commun, Limoges, FYP éditions, 2018.
  2. Pierre Kropotkine, L’Entraide, un facteur de l’évolution [1902], Paris, Éditions Hachette, 1904.
  3. Voir Gérard de Sélys, Privé de public. À qui profitent les privatisations, Anvers, Éditions EPO, 1995 ; Geoffrey Geuens, Tous pouvoirs confondus. Etat, capital et médias à l’ère de la mondialisation, Anvers, EPO, 2003 ; Thorstein Veblen, The Theory of the Leisure Class. An Economic Study of Institutions [1899]. Edited with an Introduction and Notes by Martha Banta, Oxford, Oxford University Press, 2007.
  4. Un exemple très récent : la criminalité transnationale liée au traffic de « blood diamonds »; voir https://www.youtube.com/watch?v=AusqXbQWxiY.
  5. Il est difficile de résumer en quelques dates l’histoire de l’esclavagisme. Si on s’en tient à l’évolution idéologique européenne, on peut identifier la tension qui a perduré entre, d’une part, le droit romain, et, d’autre part, la religion chrétienne. Le premier constitue un outil très puissant pour faire valoir le droit du propriétaire sur tous ses biens, y compris les esclaves ; la seconde a progressivement demandé de reconnaître la liberté de tous les êtres humains — avant de faire machine arrière en 1454. Constatons que l’affaiblissement de la noblesse et de la religion vont de pair avec l’affirmation de la bourgeoisie et du droit de la propriété. La disparition de l’Empire romain d’Occident en 476 n’a pas occasionné la disparition de l’usage du droit romain. La France n’abolit l’esclavage qu’en 1315 ; il sera rétabli en 1802 par Napoléon Bonaparte. À la suite de la Controverse de Valladolid, Charles Quint affranchit tous les esclaves des Indes occidentales en 1550. Quoi qu’il en soit des détails chronologiques, la différence entre l’esclave et le serf est simple : le premier est un objet dont on dispose à sa guise ; le second est un homme dont la liberté de mouvement est restreinte au territoire qu’il cultive. De ce point de vue, le livret d’ouvrier ne constitue qu’une modernisation du servage. Cf. Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen-âge, Paris, Éditions du Seuil, 1977.
  6. Voir, par exemple, M. Weber, « Paradoxes et contradictions de la pensée de la décroissance », in Paul Ariès (sous la direction de), Décroissance ou récession. Pour une décroissance de gauche, Lyon, Éditions Parangon, 2011, pp. 83-88.
  7. On se souvient du Dr Pangloss, qui argumente inlassablement en faveur de la thèse du meilleur des mondes possibles de Leibniz dans le Candide de Voltaire (1759).
  8. Il est tout aussi difficile de nier l’importance de l’œuvre de Noam Chomsky (1928–), que de ne pas reconnaître ses ambiguïtés. Au nombre de celles-ci, il faut rappeler que Chomsky n’a manifestement jamais trouvé embarassant, contradictoire, ou même déplacé, d’être un salarié du « Pentagon system », qu’il dénonce lui-même par ailleurs. Selon son propre témoignage, le laboratoire du M.I.T. qu’il intègre en 1955 était financé à 100 % par trois corps d’armée différents. Au contraire, lorsqu’Alexandre Grothendieck (1928–2014) découvre, en 1970, que ses travaux sont partiellement financés par le ministère de la Défense, il démissionne de l’Institut des hautes études scientifiques, où il était employé, et renonce à ses recherches.
  9. Michel Weber, Pouvoir, sexe et climat. Biopolitique et création littéraire chez G. R. R. Martin, Avion, Éditions du Cénacle de France, 2017.