Dossier : vers un enseignement d’excellence ?

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Vous trouverez ici un dossier complet sur l’avis n°2 du Groupe Central du Pacte d’Excellence.

A l’heure où vous lirez ces lignes, l’avis n° 3 du Groupe Central chargé de conclure le fameux « Pacte pour une Enseignement d’Excellence » aura été rendu public. Les impératifs de bouclage d’un trimestriel ne nous permettaient pas d’analyser ce texte dans le cadre de ce numéro. Nous y reviendrons dans le prochain. Nous avons néanmoins estimé nécessaire de donner une première analyse du processus basé essentiellement sur l’avis n° 2 et sur quelques bribes qui filtraient de la suite des travaux. L’avis n° 3 avait pour objectif de terminer le processus du Pacte en décrivant plus concrètement comment implémenter les grandes orientations acquises auparavant. Le dossier qui suit nous semble donc garder toute sa pertinence.

Rétroactes

  • Janvier 2014 : L’Aped cosigne avec une trentaine d’associations, les syndicats enseignants et interprofessionnels et quelques académiques un Appel dans lequel nous demandons « d’ouvrir le débat en vue d’une refondation de l’Ecole ». nous précisons que ce débat doit lever « les tabous qui empêchent tout évolution globale du système ». Nous pointions précisément : le quasi marché scolaire, la complexité du système en particulier du fait des réseaux, l’articulation des différents niveaux scolaires, la hiérarchisation des filières, les modes d’évaluation des élèves, des professionnels et du système et le temps scolaire des enseignants et des élèves.
  • Eté 2014 : Après les élections du mois de mai, les nouvelles coalitions se mettent en place. En Communauté Française, le PS et le CDH forment la majorité. La Déclaration de Politique Communautaire annonce la mise en place d’un « Pacte d’Excellence » entre tous les acteurs dans le but d’améliorer notre enseignement.
  • Janvier 2015 : Lancement du Processus du Pacte par la Ministre Joëlle Milquet

Sans rentrer dans les détails et la complexité du processus, disons que depuis, un Groupe Central (GC) – constitué des représentants des PO, des syndicats enseignants, des Fédérations d’associations de parents, de l’Administration et du Cabinet de la Ministre (devenue Marie-Martine Schyns entre-temps) – pilote les travaux menés par de nombreux groupes de travail et émet des avis synthétisant l’état d’avancement. Au moment où nous écrivons ces lignes donc, deux avis ont été rendus publics, mais nous ne disposons pas encore du 3ème. Quoi qu’il en soit, le processus est en train d ‘aboutir. Etant entendu qu’à partir des textes adoptés, le gouvernement devra s’en emparer et commencer à engager les réformes proposées.

Il est donc temps de se poser la question : ce Pacte va-t-il ou non dans le bon sens ? Est-il de nature à répondre aux défis qui se posent à notre enseignement ? Y répondre nécessite évidemment de savoir quels sont ces défis. De notre point de vue, ils se ramènent à deux questions.

1° Comment rendre notre enseignement plus équitable ? Comment faire pour que les jeunes issus de milieux populaires ne soient pas discriminés tant en terme d’orientation, que de redoublement et surtout d’accès aux savoirs et compétences ?

2° Quels contenus permettront de répondre aux défis de notre société ? Cette deuxième question nécessitant évidemment elle-aussi de se mettre d’accord sur la nature de ces défis. Dans ce dossier, nous tenterons donc d’analyser le Pacte à l’aune de ces deux questions qui nous paraissent fondamentales. En le lisant, vous constaterez certaines nuances dans les approches. Certain(e)s sont peut-être plus durs dans leurs critiques que d’autres. Mais en général, ces nuances résultent surtout des différents thèmes sur lesquels les articles se penchent.

Cliquez sur les liens pour accéder au contenu du dossier :

Conclusion

Par rapport à nos deux questions initiales, force est de constater que les réponses apportées jusqu’à présent par le Pacte sont très limitées. Certainement pour la première. Comment en effet lutter contre les inégalités sans oser s’attaquer au marché scolaire ? Il n’y a aucune raison de croire que la ghettoïsation actuelle se réduira significativement. Les « écoles de riches » et les « écoles de pauvres » continueront de coexister parfois à 100 m l’une de l’autre. Cette ghettoïsation a pourtant été identifiée comme une des causes importantes des inégalités scolaires. Pour ce qui est de la deuxième question, celle sur l’importance émancipatrice des contenus dans une société qui se veut démocratique, on ne peut nier certaines avancées. Le recentrage sur les savoirs permettra sans doute de modifier l’approche et de fixer certains d’entre eux tout à fait indispensables. Mais l’accent mis sur la formation polytechnique permettra-t-il d’éviter de la considérer avec un autre point de vue que la seule approche orientante ? Visera-t-on vraiment une meilleure compréhension du Monde en démystifiant les technologies et surtout en cherchant à développer une compréhension en profondeur de celles-ci afin, entre autres, de mieux appréhender les rapports de production ? De comprendre que les richesses ne tombent pas du ciel, mais du travail ? A ce stade, il est permis d’avoir de sérieux doutes.

Une autre manière d’aborder les travaux du Pacte et de les évaluer en fonction de nos objectifs serait de se demander s’ils constituent bien une réponse à « l’Appel pour une refondation de l’Ecole » mentionné dans l’introduction. Alors reprenons les tabous que nous évoquions avec d’autres dans cet Appel et que nous souhaitions voir levés :

Quasi marché scolaire : rien

Complexité du système en particulier du fait des réseaux : rien

Articulation des différents niveaux scolaires : rien d’opérationnel à ce stade. On se contente de mentionner l’importance de séparer la fin du tronc commun du reste de la formation obligatoire. Mais tout en admettant que ce sera très complexe et en ne proposant rien pour avancer. Sur l’articulation entre le primaire et le début du secondaire : pas grand-chose

Hiérarchisation des filières : nobles intentions. Mais peu de garanties que la filière qualifiante soit visée uniquement par les « bons élèves » qui ont la vocation. Si on attribue à la formation polytechnique essentiellement une fonction orientante, comment éviter que le qualifiant soit présenté comme l’alternative à ceux « qui ne sont pas bon en math ou en français » ?

Modes d’évaluation des élèves, des professionnels et du système : c’est certainement le point de l’Appel qui est le plus concrétisé. Quant à dire que les propositions vont dans le bon sens, nous n’irons pas jusque-là. Sauf peut-être pour ce qui concerne l’évaluation des élèves où nous soutenons l’approche qui consiste à renforcer l’évaluation formative par rapport à la certificative.

Le temps scolaire des enseignants et des élèves : Sur le temps des élèves, rien de très concret jusqu’à présent dans le Pacte (y compris dans le 3ème avis aux dernières nouvelles). Alors qu’il serait évidemment nécessaire d’augmenter celui-ci pour rencontrer tous les objectifs. Pour, par exemple, concilier une formation polytechnique qui ne serait pas limitée à deux heures de bricolage par semaine avec une formation générale ambitieuse. Sur le temps des enseignants, on prévoit une obligation de formation en dehors du temps scolaire. Autrement dit, encore une fois faute de moyens, on augmente le temps scolaire des profs au lieu d’augmenter celui des élèves ! Ca sonne un peu comme une « punition » pour les profs. Voilà qui n’est pas de nature à faciliter leur acceptation du processus pourtant jugée nécessaire … Sans compter qu’une telle vision de la formation continuée a peu de chances d’amener une amélioration significative. Pour cela, il faudrait évidemment un plan précis de formation. Tout le contraire d’une vision « chacun se forme pendant son temps libre » (même si le nombre de jours est imposé).

Que conclure ? Manifestement, le Pacte ne peut pas être considéré comme une réponse sérieuse à l’Appel cosigné par l’Aped. Certes, quelques intentions louables. Quelques avancées incontestables. Mais globalement, on le voit, la montagne risque fort d’accoucher d’une souris. Comme nous le disions, le problème principal est qu’un échec risque fort de donner des arguments à ceux qui nient toute possibilité de démocratisation de l’enseignement. Ca risque d’être à terme la conséquence la plus dommageable du Pacte