L’agroénergie en questions

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HOUTART François, L’agroénergie. Solution pour le climat ou sortie de crise du capitalisme ?, Couleur Livres, 2009, 216 p.

Le chanoine François Houtart, professeur émérite de l’UCL, n’est pas qu’un expert de la critique sociale du capitalisme (cf. Délégitimer le capitalisme, reconstruire l’espérance, Colophon, 2005). Avec ce nouvel essai, on le découvre également comme un spécialiste des questions écologiques, qu’il n’oublie jamais de mettre en regard de la mondialisation économique et de la problématique sociale. C’est donc une bonne surprise, dont le titre, d’ailleurs, est légèrement trompeur : l’auteur ne se contente pas d’analyser en détail la nature et les conséquences multiples du développement industriel des agrocarburants, il parle aussi du rôle global de l’énergie dans le développement du capitalisme, de l’impasse des énergies non-renouvelables (pétrole, gaz, charbon, uranium), des divers aspects de la crise climatique et du discours que les néolibéraux ont adopté envers elle, sceptiques et délégitimant dans un premier temps, proposant des solutions par le marché dans un second temps, ce qu’on appelle aujourd’hui le « capitalisme vert » (ou le « développement durable »). Ce n’est qu’au chapitre 4 (p. 87) qu’est abordée la question de l’agroénergie proprement dite. Dans des encadrés, l’auteur n’hésite pas à donner des précisions scientifiques et techniques pour les diverses sortes d’agrocarburants (de première et de deuxième génération), ce qui peut rendre la lecture fastidieuse à certains moments. Le contexte écologique et socio-économique de la production des agrocarburants est ensuite examiné dans les grandes régions du monde (Brésil, Colombie, Asie du sud-est, Afrique). Dans le chapitre suivant, Houtart explique le rôle de l’agroénergie dans la crise alimentaire, dans les pollutions diverses, dans le modèle agricole intensif qui épuise la terre et dans la reproduction du capital. Toutes les conséquences sociales, désastreuses, sont passées en revue, comme l’expulsion des petits paysans de leurs terres, ou bien l’exploitation des travailleurs à bas prix dans les plantations de cannes à sucre, où chacun d’eux est prié par son employeur d’en récolter à la main en moyenne onze tonnes par journée de travail ! Quant à la réponse à la question du sous-titre, on s’en doutait : l’agroénergie ne règlera en rien le problème climatique et apparaît bien comme une possibilité de sortie de crise pour le capital, mais une possibilité illusoire. Dans le dernier chapitre, l’auteur envisage les pistes de sortie énergétiques et leurs limites. Pourtant, on le sent encore assez confiant dans la capacité de l’appareil industriel et de la technoscience à nous tirer d’affaire, notamment lorsqu’il donne crédit à l’hydrogène pour faire rouler les voitures du futur. Son point de vue sur cette question est à la fois lacunaire et expéditif. Mais heureusement, Houtart propose aussi des pistes de sortie non technicistes : une utilisation durable et raisonnable des ressources naturelles, une priorité à la valeur d’usage sur la valeur d’échange, la généralisation de la démocratie et de la multi-culturalité.

Bernard Legros