Vers l’école commune

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Au terme de plusieurs mois de discussions internes, l’Aped a adopté un « programmme en dix points » en vue d’une réforme de l’enseignement en Belgique. Nous vous le livrons ici en avant-première, afin de susciter des réactions. Ce programme sera présenté à la presse début 2007 et fera aussi l’objet d’une journée d’étude.

Lisez également notre FAQ, qui reprend plus de soixante questions et réponses relatives à ce programme

Journée d’étude du 3 mars 2007 : programme, détails pratiques, incriptions

AVANT-PROPOS

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles
que nous n’osons pas.
C’est parce que nous n’osons pas
qu’elles semblent difficiles. »
(Sénèque)

L’APED vient de fêter ses dix ans d’existence. Dix années à dénoncer, entre autres, la catastrophe scolaire belge : une inégalité record, causée principalement par un cruel manque de moyens dans le fondamental, une sélection précoce en filières hiérarchisées et un système d’enseignement d’essence libérale (puisque fondé sur la double liberté de l’offre et de la demande et sur le dogme de la concurrence).
Si nous sommes largement reconnus pour nos analyses critiques, nos interlocuteurs nous interrogent avec une insistance croissante : « Vous critiquez le système. Très bien. Mais que proposez-vous ? »
Le programme qui suit a pour ambition de répondre à cette question. Sans tabou. Au risque de « secouer le cocotier ». En effet, si l’on veut vraiment réduire la fracture scolaire et permettre à chaque jeune de s’approprier les savoirs et les compétences qui donnent force pour comprendre le monde et le rendre plus juste, alors il faudra bien ébranler quelques-unes des « contraintes historiques » de l’école belge.
Les grands axes de nos propositions sont indispensables et indissociables. Par contre, nous ne sommes ni exhaustifs ni omniscients dans le détail de leur mise en œuvre.

DES CONSTATS QUI HEURTENT DE FRONT NOTRE VISION DE L’ECOLE

A nos yeux, l’école obligatoire peut être un formidable levier pour comprendre le monde, pour le rendre plus juste, elle est un instrument d’émancipation collective. Il s’agit, comme disait Célestin Freinet d’« aider à la naissance d’un homme qui saura lutter pour une société dont la liberté, la justice, la fraternité et le travail désaliéné seront les fondements, une société d’où aura été bannie l’exploitation de l’homme par l’homme. »
L’école doit aussi être un lieu d’émancipation individuelle, d’éducation et de socialisation. Chaque enfant doit y développer ses talents tout en devenant un être social. Nous avons l’intime conviction que, mis à part le très faible pourcentage d’enfants souffrant de handicaps mentaux particuliers, tous sont capables d’accéder aux savoirs et aux compétences de l’enseignement général et polytechnique de base que nous prônons. Moyennant, bien sûr, une réforme progressive de l’école.
Tous capables, pas tous les mêmes, bien sûr.
Ce qui précède suppose que l’école respecte les droits de l’enfant, les droits de l’élève. Le droit d’apprendre, le droit aux explications, à l’aide, à l’écoute, mais aussi celui de vivre, de s’exprimer, de jouer, d’avoir du temps pour soi, sans être soumis à un stress permanent; le droit d’être assis sur des bancs confortables, dans des locaux agréables, d’avoir des repas convenables, etc.

L’école actuelle est loin d’atteindre tous ces objectifs.
Non seulement, elle ne « sort » pas beaucoup de citoyens aptes à comprendre le monde et à s’y engager, mais aussi, pire, c’est l’idée inverse qui s’y impose: les jeunes devraient, paraît-il, accepter le monde tel qu’il est et apprendre à s’y adapter. Accepter l’inégalité toujours plus scandaleuse entre une minorité de nantis et une majorité de populations réduites à survivre ? Accepter des conditions de travail de plus en plus dérégulées ? Accepter le saccage de l’environnement ? Tolérer l’intolérable ? A nos yeux, l’école ne peut être complice d’un tel désastre.

Si nous centrons notre attention sur les enfants des milieux populaires, force est de constater que l’inégalité sociale dont ils sont victimes se prolonge et se renforce à l’école. Dès l’enseignement maternel, il en est ainsi, dans chaque classe, entre les classes au sein d’un même établissement, ou encore entre différentes écoles. Dans le secondaire, la ségrégation est structurellement organisée et amplifiée par les filières (général, technique, professionnel). Cette injustice est renforcée par le libéralisme de notre système scolaire (son organisation en quasi-marché et la concurrence entre écoles et réseaux). En d’autres termes, ce sont les tares du capitalisme qui se voient appliquées et reproduites par l’école. Il y a aussi ces pratiques pédagogiques qui font la part belle à un rapport au savoir typique des classes sociales et/ou intellectuelles aisées. Et ce n’est pas tout : trop d’enfants d’origine populaire sont orientés vers l’enseignement spécial. On parle de surcroît de jeunes réputés « non scolarisables ». Ne jetons pas la pierre aux enseignants : ils sont trop peu nombreux et manquent de temps pour permettre à tous les jeunes de réussir et d’intégrer dans leur vie et leur pratique ce qu’ils ont appris à l’école.

Chez un nombre non négligeable d’enfants, l’échec scolaire ou le redoublement (ou la crainte de l’échec et du redoublement) provoquent une réelle souffrance. La pression de l’évaluation, la pression à la « réussite scolaire », est parfois excessive. Trop d’élèves viennent à l’école avec des pieds de plomb, s’interrogent sur le sens de ce qu’ils viennent y faire, manquent de « motivation ». La taille moyenne des établissements, en augmentation constante depuis vingt ans, n’arrange rien : les écoles-mammouths deviennent des écoles-casernes. Et les enseignants, particulièrement dans les écoles où se concentrent les difficultés, voient leur métier devenir de plus en plus pénible. Une lourdeur amplifiée par des programmes trop souvent incohérents, illisibles et -paradoxalement- peu ambitieux (surtout dans le qualifiant). Il n’est pas inutile de noter combien la souffrance des élèves participe de celle des professeurs … et inversement.
Pour clore ce réquisitoire, soulignons le coût social – et financier – de tous ces jeunes qui décrochent d’un système scolaire aussi catastrophique !
Mais restons-en là des constats négatifs. D’autres publications de l’Aped les ont suffisamment analysés. Tâchons plutôt d’imaginer une autre école possible.

1. Une école de base commune de 6 à 15 ans

Après un enseignement maternel distinct, obligatoire à partir de 3 ans, avec des objectifs clairement définis – acquisition de la langue parlée, spatialisation et autonomie -, nous proposons une seule structure d’enseignement de base commune, de 6 à 15 ans. Donc, la rupture entre « primaire » et « secondaire » disparaît. Concrètement, cette réforme se matérialise par la redistribution des entités scolaires. Dans cette école commune, les enfants passent progressivement d’un instituteur unique à des maîtres spécialisés par branche. De 16 à 18/19 ans, les jeunes fréquentent des lycées préparatoires à l’enseignement supérieur ou des lycées qualifiants. Mais, dans tous les cas, un socle commun de formation générale y est organisé. Une formation générale exigeante, évaluée en termes d’acquis.
La mise en œuvre de l’école commune devra se réaliser progressivement, soit en dix ans. En effet, il est impossible de supprimer la sélection au début du secondaire du jour au lendemain : en l’état actuel, les écarts de niveaux au sortir du primaire sont trop importants. Par contre, dès maintenant, il faut renforcer la formation générale dans les premiers degrés de l’enseignement qualifiant. Enfin, précisons que l’école commune ne signifie évidemment pas la disparition d’un enseignement spécialisé pour les enfants et les jeunes souffrant de handicaps particuliers.

2. Une formation générale et polytechnique pour tous

Nous voulons que tous atteignent les compétences et savoirs de base (math, lecture, langues étrangères), que tous acquièrent une culture commune de haut niveau (histoire, géographie, sciences, littérature, arts, philosophie, etc.), que tous soient initiés aux technologies de la production et de la vie quotidienne (TIC, santé, électricité domestique, agriculture, industrie…), que tous reçoivent une éducation physique et une formation sportive. Nous sommes attachés enfin à une découverte et à une valorisation de l’acte productif, pas seulement les divers métiers, mais aussi l’activité associative, le jardinage, etc. Bref, autre chose que regarder la télé.
Cette formation générale et polytechnique pour tous entre 6 et 15 ans implique bien l’abandon de toute spécialisation professionnelle avant l’âge de 16 ans.

3. Une affectation des élèves aux écoles

Pour éviter les écoles « ghettos », autrement dit pour garantir une mixité sociale dans chaque établissement, une école est attribuée à chaque élève dès la première année et pour une durée de 10 ans, sauf accident ou déménagement. Cette affectation se fait selon le domicile et le revenu. Ce système nécessite un découpage géographique du territoire en zones socialement mixtes. Jusqu’à une date avancée, les écoles doivent admettre en priorité les élèves qui leur sont affectés. En d’autres mots, jusqu’à cette date, on a la garantie d’avoir une place dans cet établissement. Le nombre de places dans chaque école est déterminé selon ses capacités d’accueil et ne peut être dépassé. Après la date butoir (du 15 août par exemple), les inscriptions redeviennent libres, mais selon la disponibilité de places. Ce système implique évidemment la suppression des examens de passage. Des dérogations motivées sont possibles, sur avis de l’équipe éducative de l’établissement et/ou du PMS.

4. Une fusion des réseaux

La mixité sociale et l’utilisation rationnelle des infrastructures ne pourront se faire vraiment qu’avec une fusion des réseaux. C’est la fonction même d’associations comme la nôtre de soulever ce genre de lièvre et d’oser fixer des objectifs que la majorité considère encore comme « tabous ». La fusion est le prix à payer si l’on veut réellement réduire l’inégalité sociale et créer une école démocratique. La suppression du caractère confessionnel nous semble également souhaitable pour éviter la montée des communautarismes religieux.
Alors, osons.
L’école commune sera celle d’un seul réseau, forcément public. Elle impliquera un immense chamboulement dans l’affectation des enseignants et des bâtiments scolaires. Toutes les structures actuelles se verront modifier, aucun établissement ne subsistant dans sa forme actuelle.
Les bâtiments du réseau libre, s’ils appartiennent à une asbl, seront mis sous statut public. Loués, les anciens contrats emphytéotiques seront reconduits au nom de l’Etat et aux mêmes conditions.

5. Un encadrement suffisant pour zéro décrochage

L’idée-clé : qu’un groupe/classe progresse ensemble, surtout dans les premières années de l’école commune. Les enfants sont 15 par classe dans les trois premières années (de 6 à 9 ans), maximum 20 au-delà de ces années primordiales. L’essentiel du travail se passe dans cette classe, mais il faut imaginer diverses stratégies pour soutenir les élèves qui en ont besoin, dès qu’ils en ont besoin : étude dirigée après les cours, rattrapage collectif et/ou individuel – peut-être dirigé par des enseignants spécialisés -, cours de langue accéléré pour les élèves issus de l’immigration, guidances individualisées, mise à disposition de tous les élèves d’un centre de documentation dans chaque école.

6. Une école ouverte

Si nous voulons réconcilier les enfants des milieux populaires avec l’école, celle-ci doit devenir leur principal lieu de vie, où l’on prépare et partage des repas, des jeux, des soirées cinéma ou d’autres activités culturelles, sportives ou techniques. Certaines de ces activités doivent pouvoir se dérouler le soir, le week-end et pendant les congés. C’est là que s’exerce la citoyenneté : l’instruction et l’éducation sont intimement liées à la vie sociale et à la pratique productive. On y développe les valeurs de coopération, de solidarité, de créativité, l’amour des sciences, des techniques, des arts, de l’activité physique, de la nature, etc. L’école commune s’ouvre sur les autres lieux d’éducation : les associations citoyennes et culturelles, les mouvements de jeunesse, les clubs de sport, les festivités locales … L’école peut s’ouvrir aussi à la participation des parents dans des projets. En effet, libérée de la logique concurrentielle liée au quasi-marché scolaire actuel, la relation parents-école n’est plus commerciale, mais citoyenne, bâtie sur une base démocratique autrement intéressante. Il va de soi que, si l’on ne veut pas qu’elle se réalise au détriment des apprentissages, l’école ouverte signifie passer plus de temps dans une école à taille plus humaine, bénéficiant d’un encadrement supplémentaire.

7. Retrouver un équilibre dans les pratiques

Pour ce qui est des pratiques pédagogiques, nous voulons surtout éviter les écueils du dogmatisme (une seule méthode serait privilégiée) et du relativisme (toutes les méthodes se vaudraient). Nous préconisons une large autonomie pédagogique pour les enseignants, à condition que les objectifs d’apprentissage soient strictement définis et contrôlés.
Nous observons néanmoins que certaines pratiques « marchent » mieux que d’autres, permettent mieux d’atteindre les objectifs fixés, et/ou sont plus respectueuses du rapport au savoir des enfants d’origine populaire. Les sciences pédagogiques ont à cet égard une grande importance, comme la connaissance des différentes caractéristiques psychologiques des enfants. Il faut également privilégier les pédagogies qui donnent du sens aux apprentissages, celles qui assurent l’accès à la compréhension et pas uniquement à la mémorisation ou au savoir-faire. C’est sans doute en intégrant dans nos pratiques des approches variées que nous améliorerons notre enseignement sans tomber dans le piège des trajectoires individualisées.
Nous ne voulons pas imposer à toute force ces pratiques, mais bien les valoriser et les diffuser (sites internet, livres, formations). Faciliter et favoriser les échanges prend ici tout son sens, car trop d’enseignants réalisent les mêmes outils, emploient la même documentation chacun dans leur coin.
Nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité d’une formation des enseignants – initiale et continuée – solide et en cohérence avec les quelques principes que nous venons d’énoncer.

8. Des programmes rigoureux, lisibles et cohérents

Les programmes devront exposer clairement et par le détail les connaissances, les savoir-faire, les attitudes et les niveaux de maîtrise attendus des élèves. Ils devront insister sur les savoirs-clés, ceux qu’il faut réactiver régulièrement. En appui des programmes, les enseignants doivent disposer gratuitement de manuels, référentiels, recueils de documents, matériel audio-visuel, logiciels, listes de sites internet …
Sans imposer de méthodes, les programmes pourront en recommander.

9. Une évaluation centralisée pour mieux piloter l’école

Notre système scolaire manque cruellement de données statistiques. Nous préconisons des épreuves centralisées régulières. Non pour juger les élèves (ces épreuves ne seraient pas certificatives) ou classer les écoles, mais pour évaluer et garantir les niveaux des acquis, les pratiques pédagogiques et le système dans son entièreté. L’analyse de ces données guiderait les établissements et les enseignants.

10. Refinancer l’école à hauteur de 7% du PIB

Pour financer notre projet, assurer une authentique gratuité de l’école et de ses activités annexes, il faudra que l’Etat consacre de nouveau 7% de son PIB à l’enseignement (comme à la fin des années ‘70). Sans doute plus durant la période de transition (10 ans), mais on pourra en récupérer progressivement une partie sur le coût de l’échec scolaire, des filières, des options et des réseaux, et grâce à une utilisation plus rationnelle des infrastructures.
Ce refinancement ne peut se faire que via une révision de la loi de financement des communautés ou via un retour de l’école dans le giron fédéral. Et certainement pas au détriment d’autres besoins de la société (notamment des autres services publics) et des revenus modestes. Une taxation plus adéquate des bénéfices des entreprises et du patrimoine des plus privilégiés d’entre les Belges devrait largement suffire.

11. Deux mises au point

Les dix points de ce programme constituent un tout indissociable, sans quoi le libéralisme scolaire et ses inégalités reviendraient en force.
L’école commune, ses épreuves centralisées et sa pédagogie de la réussite ne peuvent se mettre en place sans les préalables suivants : la fin de la concurrence entre écoles, la révision des programmes, l’injection de moyens et, surtout, la réduction des inégalités de résultats dans les premières années d’enseignement.

12 COMMENTS

  1. > Vers l’école commune
    Ce programme en 10 points me convient parfaitement. Il me rappelle les pratiques de l’école finlandaise actuelle qui a opéré une importante révolution pédagogique avec l’accord des enseignants et de leur principal syndicat largement majoritaire. On peut relever certains points supplémentaires :
    – établissements limités à 500 élèves
    – le proviseur recrute ses enseignants sur projet pédagogique
    – les inspecteurs n’évaluent plus les enseignants mais diffusent les réalisations concrètes qui fonctionnent
    – l’administration est sérieusement allégée, la gestion étant uniquement communale.
    Le point fondamental est la fin de la coupure CM2 / sixième. Tous les enseignants ayant désormais une formation niveau maîtrise, il n’y a plus de problème de statut mais leur formation fondée sur l’abstraction pose un réel problème.

    • > Vers l’école commune
      Bravo d’avoir le courage de mettre en cause les sacro-saints réseaux ! Un réseau pour tous, officiel cela va sans dire, ce devrait être l’évidence: en effet, en quoi une conviction religieuse peut-elle et surtout doit-elle orienter un enseignement ? Pourquoi, surtout, l’enseignement officiel n’est-il pas considéré par tous comme l’enseignement pour tous (ce qui le rend à la fois nécessaire et suffisant) ? Décloisonner, créer de la mixité sociale, du véritable brassage plutôt que des ghettos juxtaposés, voilà sans doute le grand défi de l’école du XXIième siècle. La suppression des réseaux d’enseignement y contribuerait certainement, tout comme d’ailleurs la laïcisation de l’Etat…
      Bravo également pour les autres mesures que vous proposez.

      • > Vers l’école commune
        Les propositions que vous faites sont très intéressantes mais je pense qu’il faut commencer à la source, c’est-à-dire de former les enseignants avant même de toucher les parents. En effet, l’éducation est une norme très relative et appréciée differemment dans chaque famille, il est donc très difficile de faire participer certains parents à la vie scolaire de leur enfant du jour au lendemain…parfois même en une décénie. Pas parce qu’ils ont décidé que cela ne les intéresserait pas mais parce que souvent eux même ont été inscrits par leurs propres parents dans ce système et c’est dès lors tout leur mode de vie et leur sens des priorités qu’ils devraient remettre en question, c’est très difficile.
        Par contre, les étudiants, jeunes et pleins d’ambitions, ceux-là même qui révolutionneraient tout si on leur en donnait l’occasion, ont encore cette flamme, l’envie de bien faire et d’enseigner correctement à tous les enfants, sans distinction (car un étudiant ne se dit pas qu’il préfèrera enseigner dans tel quartier résidentiel plutôt que dans un quartier dit défavorisé). Ils ne travailleront que de la manière qu’on leur aura appris pendant leurs études, alors apprenons leur une autre pédagogie, plus sociale et pourquoi pas à travailler en collaboration avec les travailleurs sociaux. Combien de ces étudiants sortiront chaque année avec des compétences telles que l’écoute des personnes (car c’est parfois difficile d’écouter et d’entendre les parents); pouvoir s’investir dans des projets d’insertion;la collaboration (les enseignants sont parfois très concervateurs);l’objectivité; les compétences nécessaires pour s’occuper de la même façon d’un enfant dit normal et d’un enfant en difficultés de quelle nature que ce soit;…? A mon avis bien plus que le nombre espéré de parents qui adapteront leurs habitudes sans que les enseignants ne soient formés pour. Je ne souhaite pas non plus que les enseignants aient la même formation que les travailleurs sociaux, ils ont déjà bien des choses à faire mais qu’ils aient au moins les outils pour travailler ensemble.
        Si on doit donner un enseignement égal pour tous, cela supposerait que les situations sociales soient égales pour tous, or dans la société actuelle c’est malheureusement impossible. Mais on peut tendre vers une égalité de droit dans l’enseignement s’il existe un suivi des enfants « à problème » au sein même des école. Et ce non seulement par le CPMS qui à mon avis est bien insuffisant dans la mesure où, pour beaucoup d’école, l’équipe sociale n’est présente qu’un jour semaine à cause de la répartition par secteur mais par une équipe pluridisciplinaire composée d’enseignants, d’assistants sociaux et d’éducateurs à temps plein. Il faut pouvoir répondre aux questions des parents et des enfants, être à leur écoute tous les jours pour qu’ils puissent venir vers cette équipe sans crainte d’être jugés, sans attendre un rendez-vous pompeux, sans attendre d’être convoqués uniquement parce que leur enfant à un problème par une personne qu’ils n’auront peut-être jamais croisé de leur vie.
        Il est également nécessaire d’expliquer tout cela aux parents, toute ‘catégorie sociale’ confondue parce que chaque fois qu’on leur impose un mode de fonctionnement nouveau, cela crée incompréhension et donc fabulations et refus dans une coallition insoupçonnée. L’enseignement ne doit pas être un procédé politique pour assujetir le peuple mais bien outil de développement pour le peuple mais pour cela il faut que le peuple accepte le changement.

        J’ai beaucoup apprécié l’allusion subtile au système de taxation selon les revenus comme moyen de financement 🙂

  2. > Vers l’école commune
    Bonjour,

    Bonne initiative, même s’il est toujours plus difficile de construire que de critiquer. Les utopies sont nécessaires. J’essaierai de commenter dans les jours qui viennent votre programme point par point. Soyez indulgents pour le Français que je suis qui ne sait donc pas tout de la situation de l’enseignement belge.

    Sur l’article 1

    L’obligation scolaire dès 3 ans me semble un peu dogmatique. Depuis quelques mois l’idée d’une maternelle réservée aux enfants des milieux en souffrance économique, sociale ou culturelle fait son chemin dans mon esprit. Je ne suis pas certain que tous les enfants aient besoin d’un enseignement pré-élémentaire. La maternelle prend souvent des allures d’usine, le rôle essentiel des grands-parents est déprécié, les villages deviennent des déserts les jours de classe. L’école dès 3 ans, voire 2 ans est devenue une norme sociale réductrice. Une école maternelle pour les seuls élèves qui en ont un impérieux besoin nécessiterait une révolution de la société, une autre organisation du travail des parents, un véritable encouragement à la prise de congés « éducatifs ».

    Supprimer la rupture entre le primaire et le secondaire est une idée intéressante mais qui peut poser des problèmes au niveau de la taille des établissements, que vous souhaitez par ailleurs voir s’humaniser. Difficile équation quand on sait que la réduction des effectifs par classe est la plus difficile des conquêtes pour des impératifs purement économiques.
    Par ailleurs la cohabitation entre enfants et adolescents dans des structures de taille moyenne ou grande peut sembler problématique. Etre scolarisé dix ans dans le même établissement pourra décourager les élèves en panne dans ce système « idéal » car il y en aura malgré tout.
    Reste aussi à définir le moment où les élèves passeront du maître unique à plusieurs enseignants.

    Le renforcement des exigences de l’enseignement général est une véritable nécessité qui va hélas à l’encontre des idéaux de nos gouvernements grands promoteurs de divertissements populaires.
    La question des formations qualifiantes qui tourne autour de celle de l’apprentissage en France actuellement, les querelles sur l’âge requis pour entrer dans ces voies dévalorisées mériteraient un trop long développement pour figurer ici.

    Il est bon de réaffirmer la nécessité d’un enseignement spécialisé. Ce secteur nécessite de vastes réformes. Qu’on le veuille ou non, il souffre, en France du moins, d’un déficit d’efficacité dans sa mission. Hélas la seule réponse des ministères est de le faire disparaître peu à peu.

    • > Vers l’école commune
      Sur l’article 2

      L’ambition est vaste mais intéressante. La culture polytechnique est un champ délaissé qui mérite d’être retravaillé pour redonner du sens à la construction d’une maison par exemple, pour faire de nos enfants des êtres capables de créer et pas seulement de consommer et de jeter. Nous sommes trop ignares des choses simples et trop dépendants de ceux qui nous les vendent prêtes à l’emploi.

      La pratique d’une langue étrangère qui se résume hélas en France à celle de l’anglais ne me semble pas devoir faire partie des savois de base mais plutôt de la culture générale. Evidemment cela dépend des pays.

      « Autre chose que regarder la télé », oui c’est une évidence, mais il y a du travail en perspective.

      Gilles Lehmann

    • > Vers l’école commune
      Effectivement, l’école maternelle dès l’âge de 3 ans n’est sans doute pas justifiée dans des milieux favorisés, où les enfants sont régulièrement en contact avec des adultes qui leur parlent français (ou néerlandais) et les encouragent à parler. Comment déterminer chez qui c’est le cas ?

      Même dans cette situation idéale et rare, y-a-t-il un inconvénient à ce que les enfants soient socialisés dans une école maternelle qui leur donne effectivement et de manière professionnelle, les bases qui leur permettront d’aborder avec succès l’enseignement fondamental ? Par bases j’entends la langue parlée, la latéralisation, le dessin, la proprioception etc… Un enfant qui débarque en première année primaire sans base suffisante de langue parlée est un calvaire pour l’enseignant et a toutes les chances de ne jamais maîtriser correctement la langue écrite. A moins d’avoir la chance de tomber sur des maîtres exceptionnels son destin scolaire est scellé.

      • > Vers l’école commune
        Je ne pense pas que l’on puisse parler d’exception ou de situation rare. Il convient de replacer les parents et plus largement les familles dans leur rôle éducatif dès les premiers années de la vie de leurs enfants. Trop de personnes abandonnent totalement ce « travail » gratifiant aux enseignants pour des raisons économiques et sous la pression sociale.
        Combien d’élèves ne maîtrisent pas la langue écrite même en passant par une scolarisation précoce ?

      • > Vers l’école commune
        Sur le point 4 :

        Ce système me paraît intenable pour deux raisons.
        La première est que la mixité sociale passe d’abord par le logement. Mais la Belgique diffère peut-être de la France sur ce point. En France se pose aujourd’hui, en période électorale, le problème de la mixité sociale dans les écoles autour de la carte scolaire, honnie par les uns défendue par les autres. Mais l’essentiel est ailleurs. Va-t-on affecter un élève de banlieue pauvre à une école de quartier riche (ou le contraire) et lui faire parcourir un long trajet pour s’y rendre et en revenir? Pour des raisons de commodité, les parents privilégient la proximité géographique en particulier dans le primaire. De plus si toutes les écoles se valent en termes de niveau social et culturel grâce au système de la mixité, quel intérêt de scolariser son enfant loin de son quartier?
        La seconde raison est le caractère bancal du sytème d’inscription préconisé. Si j’ai bien compris, j’inscris rapidement mon enfant dans son établissement d’affectation ou j’attends la proximité de la rentrée, comme dans un jeu de quitte ou double, pour choisir une autre école au risque de ne pas y trouver de place. Et si je n’en trouve pas, que se passe-t-il?
        A mon sens, la mixité sociale scolaire passe par un remodelage de la ville, par une politique urbaine réfléchie, non par des recettes improbables.

  3. > Vers l’école commune
    Le programme proposé est trés intéressant.

    Je relève cependant :

    C’est une utopie de proposer des écoles identiques ( égalitaires ). La société n’est jamais égalitaire, ni intellectuellement, ni financièrement, il faudrait ajouter culturellement.

    L’excellence d’une école tient essentiellement à la qualité de de sa direction ( le management ) et de ses professeurs, je voudrais écrire, de ses pédagogues.

    Je n’ai lu nulle part dans le programme une remise en cause de la profession de pédagogue alors que ce sont tout de même les professeurs qui ont la responsabilité de l’obligation de résultat…

    Tout en reconnaissant que les traitements sont insuffisants et que les moyens techniques des écoles sont aussi trés insuffisants, j’attend des professeurs le devoir d’être présents au travail dans l’école 38 heures ( de 60 minutes ) par semaine comme tout le monde, même si cet horaire normal doit se partager en heures de cours ( 50 minutes ) et en heures de travail pédagogique personnel ( les corrections par exemple ) ou collectif .

    Quant aux parents, ceux-ci doivent être clairement averti du réglement de l’école et doivent souscrire par contrat signé à leurs obligations ainsi qu’à celles de leurs enfants.

    J’exprime ici une reconnaissance spéciale aux instituteurs et institutrices du primaire ainsi qu’aux professeurs des « travaux dits manuels  » dans les écoles techniques qui eux sont déja présents toute la semaine.

    marcolo

    • > Vers l’école commune
      Les enseignants devraient travailler 38 heures comme tout le monde…

      Pour la plupart d’entre nous, cela s’avèrerait insuffisant si nous tenons à continuer à faire notre travail sérieusement.

      Bien sûr, pour des raisons familiales, nous organisons (puisque nous en avons l’occasion) notre travail différemment; profitant du calme entre 21.00 et 23.30 heures, par exemple, y compris pendant les weekends et/ou les jours de congé.

      Il est peut être utile de rappeler que notre travail n’est pas celui de tout le monde: nous avons en charge des élèves et non des machines et nous nous devons d’être à l’écoute pendant le temps de midi ou après 16.30 heures si nécessaire. Dès lors un horaire définit tel qu’en usine ne serait pas adapté à cette spécificité.

      Avez-vous déjà travaillé dans une salle des profs bruyante et bondée? Car si nous devons prester 38 heures à l’école il ne faudrait pas oublier de nous fournir un cadre correct et du matériel: ordinateurs, livres, photocopieuses… (ce qui nous éviterait d’utiliser la pièce la plus importante de notre domicile pour ce faire et d’investir dans du matériel et une bibliothèque assez coûteux). Étant donné les problèmes financiers et le manque de locaux, je ne crois pas que cela soit possible en l’état actuel des choses.

      Il est évident que 38 heures au travail ne signifie pas 38 heures de travail (n’oublions pas les pauses café, les discussions devant la photocopieuse, les réflexions concernant la soirée…). Quant aux enseignants, confrontés pendant 50 minutes à une classe de 25 élèves qui ont besoin de s’exprimer, ils n’ont bien entendu pas le temps de réfléchir au menu du soir ou de prendre rendez-vous chez le médecin.

      Mes collègues parfois démotivés (peut-on les en blâmer?) n’auront certainement pas envie de se remettre en selle en lisant de telles remarques!

      A part cela, je suis bien d’accord qu’il faut remettre en cause la formation des enseignants et leur formation continue ce qui entraînera encore des remarques du style « Ils n’ont pas encore suffisamment de congé, ils organisent en plus des journées pédagogiques… » Journées soit dit en passant qui, organisées comme elles le sont actuellement, n’enchantent généralement pas les profs car elles sont rarement intéressantes. Mais peut-on les incriminer? Et que dire des menaces de sanction pour les profs qui décident de ne pas s’inscrire à une formation inutile et d’assurer leurs cours normalement!

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