Joëlle Milquet réagit au communiqué de presse de l’Aped

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Suite à notre communiqué de presse sur le « contrat stratégique », la présidente du CdH, Joëlle Milquet, nous a écrit la lettre suivante.

Votre lecture de la « Déclaration commune » est pour le moins négative. Je vais donc m’attacher à montrer que contrairement à vos affirmations, le Gouvernement veut vraiment s’atteler aux causes de l’inefficacité et de l’iniquité de notre système d’enseignement.

Dans mon livre « Et si on commençait par l’école » publié aux éditions Luc Pire je soulignais déjà que « En Communauté française, plus que les moyennes relativement faibles, ce qui frappe, c’est la dispersion des résultats. Nous sommes avec l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse, le pays où la dispersion des résultats est la plus grande. (…)

Nous devons prioritairement nous attacher à changer notre système – marqué par le redoublement, par la relégation dans des écoles ghettos ou dans des classes de niveau, par la ségrégation des publics- qui, manifestement conduit à la reproduction des inégalités, à l’échec et au décrochage. ».

Je n’ai donc pas attendu la publication des résultats de PISA 2003 pour mettre en exergue le caractère social de la ségrégation scolaire.

L’objectif de la « Déclaration commune » étant de mesurer le niveau d’adhésion des partenaires à la déclaration de politique communautaire il est assez normal que vous n’y trouviez pas de propositions concrètes. Les propositions relatives aux mesures à prendre figureront dans l’avant-projet de «Contrat stratégique » qui doit encore être approuvé en première lecture par le Gouvernement avant de faire l’objet d’une large consultation des acteurs et partenaires de l’école.

Au-delà de ces considérations générales, vous commencez par critiquer la part trop faible du PIB consacrée à l’enseignement en la comparant notamment aux pays scandinaves. Comme vous le savez, la réduction du pourcentage du PIB consacrée à l’enseignement résulte de ce que la loi de financement de 1989 ne prévoyait pas de liaison au PIB. Outre les importantes revalorisations en masses absolues entre 2002 et 2007, la dotation des Communautés sera liée, à partir de 2007, à 91 % de l’évolution de la richesse du pays. J’ajouterai encore que comme toute comparaison, la comparaison avec les pays scandinaves présente un certain nombre de biais dont la différence de situation socio-économique qui fait que la Communauté française se trouve devant des défis d’une autre ampleur que les pays scandinaves. Pour terminer sur ce sujet, j’attire également votre attention sur le fait que si on comparait les budgets enseignement au produit intérieur brut de la Communauté (RW +80 % de la RBC), le pourcentage serait nettement supérieur à 5,2 %.

En ce qui concerne le tronc commun, sans aller jusqu’à préconiser son allongement jusque 16 ans, le Gouvernement a la ferme volonté d’organiser le 1er degré commun de manière à ce que toute orientation et spécialisation soit effectivement reportée au delà de 14 ans. La volonté du Gouvernement est bien de maintenir ensemble les élèves jusque 14 ans, quel que soit leur milieu d’origine, quels que soient leurs résultats à l’issue du fondamental et quel que soit leur choix d’études ultérieures. Quand on parle d’orientation positive dès l’école primaire, on veut rejoindre les propositions formulées dans l’avis 80 du CEF relatif à « l’école orientante » qui vise l’orientation « tout au long de la vie » et à aider le jeune à se mettre en projet.

Pour ce qui est de l’organisation de l’enseignement en « quasi marché », l’intention poursuivie en créant les bassins scolaires est notamment la régulation de l’offre d’enseignement et des flux scolaires. A cette fin, le Gouvernement vient de commander une étude à une équipe interuniversitaire pluridisciplinaire afin d’étudier à quel niveau et avec quels moyens doit être organisée cette régulation afin de maximiser son efficience. Prétendre aujourd’hui que le projet de contrat stratégique, qui n’existe pas encore, ne répond nullement à cet objectif est pour le moins prématuré. Quant à la division de notre enseignement en réseaux, je ne suis pas du tout convaincue que ce soit un facteur déterminant dans la dualisation des écoles. Chaque réseau a malheureusement ses écoles élitistes et ses écoles défavorisées.

J’en arrive à la question de la différenciation entre établissements qui résulterait de l’approche par compétences. Sans remettre en cause la pédagogie des compétences, le Gouvernement veut réconcilier savoirs et compétences et offrir aux élèves des parcours pédagogiques structurés. Le Gouvernement veillera à la cohérence entre les contenus des programmes, les socles de compétences, les compétences terminales et les profils de formation, ainsi qu’à la compatibilité entre les programmes des réseaux et niveaux d’enseignement. En outre le Gouvernement demandera à la Commission de Pilotage :

de systématiser les procédures d’évaluation externe. Elles seront organisées dans tous les établissements scolaires au moins une fois tous les trois ans ;

· d’organiser l’évaluation externe en cohérence avec les méthodes des enquêtes internationales ;

· de définir un nombre limité d’indicateurs (qui devront tenir compte des caractéristiques du public de l’école) pour apprécier l’équité et l’efficacité du système d’enseignement et transmettre les informations statistiques aux responsables des différents niveaux (établissements, zones, Communauté française), selon le mode d’agrégation approprié à leur responsabilité ;

· d’encourager aux différents niveaux de responsabilité l’auto-analyse des résultats observés.

Lorsque sortira le projet de « Contrat stratégique » qui, contrairement à la « Déclaration commune » contiendra des propositions d’actions concrète, votre association aura l’opportunité de réagir et de faire des propositions d’amendements avant qu’il ne soit adopté dans sa version définitive.

Soyez dès à présent convaincu que le Gouvernement fait sien votre combat pour plus d’égalité dans l’enseignement. Sans vous demander de cautionner un plan qui n’existe pas encore, il serait dommage que vous vous entêtiez à rejeter dès à présent un plan qui n’existe pas encore.

Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma meilleure considération.

Joëlle MILQUET

1 COMMENT

  1. > Joëlle Milquet réagit au communiqué de presse de l’Aped
    1) Tous ceux qui déplorent les performances médiocres de notre système scolaire s’accordent à déclarer – confirmant en cela les conclusions des études de Marcel Crahay et de son équipe, et celles des investigations de nombreux autres chercheurs depuis au moins trois décennies – que les meilleurs résultats des pays nordiques s’expliquent largement par le “tronc commun”. Joëlle Milquet en parait convaincue, qui nous affirme « le Gouvernement a la ferme volonté d’organiser le 1er degré commun de manière à ce que toute orientation et spécialisation soit effectivement reportée au delà de 14 ans ».

    FAUX ! ainsi que le confirme le texte, maintenant disponible, du Contrat stratégique pour l’éducation. Dans les pays scandinaves, le “tronc commun”, qui s’appelle “École de base”, constitue structurellement et souvent géographiquement une entité indépendante des lycées. Tous les élèves, sauf rarissimes exceptions, progressent sans redoublement avec leur classe d’âge ; tous, sauf rarissimes exceptions, sont conduits à la maitrise des outils cognitifs ouvrant la voie aux parcours différenciés du lycée et de l’université.
    Le “machin” qui nous est proposé par le Contrat stratégique pour l’éducation, outre qu’il est noyé dans une masse de mesures où l’accessoire et le répétitif risquent de dissimuler l’essentiel, n’a rien de commun avec ce système si performant. On y recourt à des subterfuges (“formations continuées associant des enseignants des dernières années du primaire et du 1er degré de l’enseignement secondaire”, “cinq expériences pilotes d’équipes éducatives composées d’enseignants venant des deux dernières années du primaire et du 1er degré du secondaire”, CEB conçu et corrigé par des équipes mixtes d’enseignants, équipes mixtes d’inspecteurs, modules d’acquisition des compétences de base au 1er cycle du secondaire, redéfinition du rôle de la 1ère B, remédiation pour le CEB, etc.) pour tenter de pallier des obstacles évidemment perçus.

    Tous ces subterfuges sont voués à l’échec ! La coupure primaire-secondaire est un vice rédhibitoire du système ! Il est totalement faux de dire que toute orientation et spécialisation sera effectivement reportée au-delà de 14 ans : choisir, à la fin du primaire, un établissement d’enseignement secondaire CONSTITUE DE FACTO une orientation.

    Il est temps de tailler dans le vif. L’enseignement secondaire doit être amputé de son 1er cycle, lequel doit rejoindre structurellement et géographiquement une ÉCOLE DE BASE s’achevant à 14 ans, sans solution de continuité, par un CEB entérinant la maitrise par tous des compétences auxquelles est subordonnée la réussite des études ultérieures.

    2) Dans son paragraphe relatif aux réseaux, Joëlle Milquet pratique la langue de bois. Elle est de ceux, de plus en plus nombreux, qui prennent conscience que, dans une société aussi multiculturelle que la nôtre, la DÉMARCHE INTERCULTURELLE s’impose si l’on veut renverser les barrières qui séparent des gens d’ethnies, de cultures, de religions… différentes ; barrières entravant la compréhension réciproque et suscitant la peur de l’autre, la méfiance, la suspicion, la xénophobie.
    Il me parait inconciliable de promouvoir la démarche interculturelle dans le discours de la société globale tout en continuant de défendre le subventionnement de réseaux scolaires philosophiquement et religieusement ségrégatifs. Il ne suffit pas d’avoir abandonné “chrétien” pour devenir “démocrate” et “humaniste”. La vraie démocratie et le vrai humanisme ne sont concevables que dans des institutions pluralistes où, au lieu de se protéger par une sorte de censure de la “contagion” des autres opinions, des professeurs de toute origine affichent sans ostentation et sans prosélytisme leurs convictions, apprenant à chacun à se forger progressivement les siennes propres.

    Revenons aux bassins scolaires. Il est impossible, dans un système scolaire pluriel à défaut d’être pluraliste, d’entraver le libre choix de l’école, pour quelques motifs que ce soit. Joëlle Milquet le sait, et on connait suffisamment son intelligence pour ne pas lui prêter la naïveté de croire que la seule bonne volonté des acteurs d’écoles concurrentes (fussent-elles au sein du même réseau) permettra d’entraver si peu que ce soit la dualisation scolaire. Nous la savons intelligente ; qu’elle nous accorde le respect de ne pas nous prendre pour des imbéciles. L’école n’échappe aux règles du marché que pour ceux les hasards de la naissance ont voués aux milieux populaires.

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