Communiqué CGé: Une stratégie sans le moral des troupes ni le nerf de la guerre ?

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Communiqué de presse de CGé (ChanGements pour l’égalité) :

L’accord de gouvernement PS-cdH pour la Communauté française, de juillet
2004, est un document important, qui mérite une lecture critique de CGé
(Changements pour l’égalité, mouvement socio-pédagogique). Cette critique –
limitée ici à ce qui nous semble prioritaire – porte sur le fond, la forme
et les ressources.

Le fond ou la substance de la politique scolaire

Autant le projet d’améliorer la formation qualifiante par des synergies avec
les Régions wallonne et bruxelloise est énoncé avec force, autant l’accord
n’affirme pas une volonté de réduire l’inégalité à travers tous ses facteurs
institutionnels et culturels, même s’il comporte des mesures ponctuelles qui
peuvent y contribuer.

Le projet d’attribuer des périodes supplémentaires aux écoles qui
accueillent plus d’enfants de milieux défavorisés pour remédier assez tôt
aux lacunes de leurs apprentissages (§1.2) rencontre la priorité que CGé
donne au but d’égalité sociale (Cf. Propositions CGé : Plus d’égalité dans
l’école, mars 2004). En effet, ce projet de financement différencié renforce
celui du gouvernement précédent en l’étendant des frais de fonctionnement
aux heures de travail d’enseignants.

Au sein de bassins scolaires, les écoles seraient incitées à gérer ensemble
les flux d’élèves (§ 3.2). Cela réduirait la concurrence entre
établissements, facteur primordial d’inégalité. Mais ce projet reste trop
vague et timide, car limité aux établissements d’un même « caractère ».

Revaloriser les enseignements qualifiants – et en améliorer l’efficacité –
répond sans doute à une demande des entreprises mais aussi aux besoins des
services publics et à l’attente d’une majorité d’élèves et de parents. Si
étendre la compétence de la CCPQ (qui définit les contenus des cours
techniques et de pratique) et coordonner la validation (l’éventail des
diplômes) (§ 2.2.2.1.1) sont de bonnes choses, on reste sceptique face à
l’annonce d’une démultiplication de l’offre de stages en entreprise
(§2.2.2.1.2). Quel rôle, dans cette offre, pour les organisations publiques
et non-marchandes subventionnées, qui représentent désormais plus de 40 %
des postes de travail ?

La forme ou les institutions de la politique scolaire

La volonté affichée, tout au travers de l’accord, d’évaluer les réformes en
cours d’application avant d’en modifier le prescrit répond certainement à
l’attente des enseignants. Le contrat stratégique que le gouvernement se
propose de conclure avec les différents acteurs de l’enseignement semble,
par son ambition, devoir porter sur un temps qui dépasse la législature. Il
remplacerait donc – pour le seul secteur de l’enseignement – la charte
d’avenir de la Communauté française qui est tombée aux oubliettes. Est-ce
par manque de concertation qu’elle n’a pas bénéficié de la dynamique timide
qui a porté le Contrat d’avenir de la Région wallonne ?

Ce contrat stratégique sera donc négocié avec les acteurs de terrain. C’est
essentiel dans un domaine où la mise en œuvre de ce que le pouvoir décide
dépend autant de l’engagement des travailleurs concernés. Mais négocié avec
quels acteurs et comment ? Parmi les acteurs collectifs institués, le
gouvernement voudra probablement déborder du cadre de ceux qui sont
légitimes par leur représentativité (les syndicats, les associations de
parents et les fédérations de pouvoirs organisateurs) pour inclure ceux dont
la capacité de proposition fonde une autre légitimité (les mouvements
pédagogiques et les milieux de la recherche en éducation). Pour mobiliser
l’ensemble des enseignants, cela ne suffira pas. Or, les récentes
consultations des enseignants du fondamental et du secondaire ont montré
qu’il est possible de faire participer au débat une partie encore
minoritaire mais considérable du corps enseignant. C’est un deuxième axe
pour étendre la concertation et la participation à l’évaluation. L’accord ne
le mentionne malheureusement pas.

Quant à la Commission de pilotage, l’accord confirme ses trois missions
(observatoire des acquis des élèves, recommandations pédagogiques, rapport
d’activité au Parlement, cf. § 3.1) et l’on peut craindre que la barque ne
soit trop chargée. Dans un esprit de séparation des pouvoirs, ne vaudrait-il
pas mieux confier ces missions différentes à des institutions distinctes ?

Les ressources : humaines et budgétaires

La formation continuée, qui vient d’être prescrite à l’ensemble des
enseignants, mais à dose homéopathique, ferait déjà l’objet d’une réforme (§
5.1.4). Cela sans qu’une évaluation préalable ne soit prévue.

Pour la formation initiale au contraire, la réforme Dupuis sera évaluée (§
5.1.3). Espérons qu’elle le soit avec une large participation des étudiants
et des enseignants des instituts pédagogiques.

Quant à la concertation entre enseignants au sein des écoles, premier étage
de leur perfectionnement, elle est évoquée sous le vocable de soutien
pédagogique (§ 5.1.1 et 5.1.2) mais sans qu’on envisage d’y consacrer
explicitement une fraction du temps de travail, dans le secondaire comme
c’est déjà le cas dans le primaire.

Sur la pénurie des enseignants, fort mal connue dans son ensemble, mais dont
l’ampleur, surtout en milieu d’année, sera vraisemblablement aggravée par
l’évolution démographique, l’accord est peu explicite (§ 5.1.5).

Ces dernières prudences seraient-elles motivées par l’absence de marges
budgétaires, le fameux refinancement étant absorbé par l’évolution des coûts
salariaux ?

Au chapitre du budget, l’accord promet de diminuer encore un endettement
déjà faible, de coordonner la gestion budgétaire de la Communauté française
avec celui de la Région wallonne et d’essayer d’obtenir un aménagement
technique des règles de répartition entre Communautés. Mais il ne dit rien
du montant du budget et de sa répartition entre secteurs. Il faut se tourner
vers l’estimation publiée par le Centre de recherche de l’économie wallonne
des Facultés de Namur pour mesurer l’ampleur du problème.

N’est-il pas temps de sortir des sentiers battus de la loi spéciale qui
organise le financement de la Communauté française et d’ouvrir un débat sans
tabou sur les voies du financement de l’enseignement ?

[->http://www.changement-egalite.be/]