L’éducation européenne et la crise mondiale du capitalisme

J'aborderai successivement trois questions. Dans un premier temps je me propose d'approfondir et de caractériser la nature des transformations économiques qui se cachent derrière l'euphémisme « globalisation ». Deuxièmement, je tenterai d'éclairer les implications de ces mutations sur les politiques éducatives des pays industrialisés en général et de l'Union européenne en particulier. Enfin, je conclurai en soulignant les conséquences de ces politiques, notamment dans le domaine de la démocratisation de l'enseignement.

Du rapport Thélot à la loi Fillon…

Claude Thélot a remis son rapport sur l'Ecole au Premier ministre le 12 octobre dernier avec le bon espoir d'en faire un avant projet de la future Loi d'orientation. Le ministre de l'Education nationale a pourtant tout fait pour donner le sentiment, lors de l'émission « 100 minutes pour convaincre », qu'il se démarquait clairement des propositions contenues dans le rapport Thélot. Il est vrai que ce rapport est un « chef d'oeuvre » des orientations libérales en matière d'école et de service public. Ses ressorts sont purement politiques, économiques et idéologiques (on est très loin des conclusions du débat, pourtant déjà tronqué, qui a eu lieu l'an passé). Il s'agit en fait de proposer les transformations de l'école pour l'adapter aux coordonnées libérales de la société.

Vers un Contrat stratégique qui augmentera encore les inégalités scolaires ?

Ayant pris connaissance de la Déclaration commune en vue d'un « Contrat stratégique pour l'Education », l'Appel pour une école démocratique (Aped) se réjouit de constater que l'extrême disparité de niveaux,entre élèves et entre établissements soit enfin reconnue comme le problème majeur de l'enseignement en Communauté française (que viennent d'ailleurs de rappeler les résultats de l'enquête PISA-2). Si l'on peut regretter que la dimension sociale de cette ségrégation soit absente du constat, nous en reconnaissons néanmoins le caractère globalement lucide et courageux.

L’Europe libérale aux commandes de l’école

La question cruciale que posent le rapport Thélot et la nouvelle loi d'orientation concerne la logique de fond qui préside aux analyses et mesures proposées pour réformer l'école. Comment se construit aujourd'hui une loi sur l'école en France ? Qui en décide et surtout quelles sont les instances qui l'inspirent ? La forme et le fond, le processus et le contenu sont indissociables. L'impressionnante théâtralisation qui a accompagné l'élaboration de la loi depuis l'automne 2003 a répondu à un double souci et a eu un double effet : déposséder les enseignants et les autres personnels de l'enseignement, majoritairement porteurs de conceptions politiquement indésirables, de toute vraie « voix au chapitre » ; oblitérer autant que possible le déplacement du centre de gravité des politiques éducatives vers le niveau européen.

Thélot ou l’école de la reproduction

Face aux difficultés liées à la massification de l'enseignement et à défaut de vouloir réellement investir dans la réussite des élèves, deux mauvaises réponses sont habituellement proposées : niveler par le bas ou hiérarchiser les formation. Le Rapport Thélot [[<*>Quelques mots d'explication pour les non-français. En septembre 2003, Luc Ferry, ministre de l'Education nationale, cherchant en vain à ne pas subir le sort qui avait été dévolu à Claude Allègre, installait une commission, dirigée par Claude Thélot, et la chargeait de deux missions. Premièrement, organiser un « grand débat » sur l'enseignement en permettant à tous - professeurs, parents, associations, syndicats, etc - de s'exprimer. Deuxièmement, « mener une réflexion prospective conduisant à identifier des schémas possibles d'évolution de notre système éducatif primaire et secondaire ».
Un an plus tard, Luc Ferry a été défenestré. Mais la Commission Thélot a bien rempli son contrat. Au terme de 26.000 réunions, de 300 contributions écrites en provenance d'associations, de 1.500 lettres et de 15.000 courriers électroniques, la Commission a publié, en avril 2004, un premier rapport de synthèse du débat. Et le 16 octobre dernier Claude Thélot présentait officiellement à Jacques Chirac son rapport final , intitulé : « Pour la réussite de tous les élèves ». Tous les extraits cités dans le présent article proviennent de ce rapport.]] innove audacieusement : il propose de faire les deux à la fois, en réduisant le tronc commun à une peu de chagrin tout en renforçant les mécanismes de sélection.
Dès lors, si ce rapport nous apprend quelque chose, c'est que les marges de manoeuvre des dirigeants des systèmes éducatifs européens sont décidément devenues fort étroites. La similitude entre les thèses de la Commission Thélot et les lignes directrices des réformes initiées depuis plus de dix ans dans les autres nations industrialisées est surprenante : recentrage sur les besoins économiques (au nom de l'emploi, bien entendu), flexibilité, décentralisation et dérégulation, abaissement des objectifs cognitifs au profit de compétences sociales, relationnelles ou directement exploitables par les employeurs, renforcement de la ségrégation sociale, introduction de techniques de management inspirées du secteur privé et surtout, surtout, pas un euro de plus pour sortir l'école de la crise. Le rapport « Pour la réussite de tous les élèves » est un document historique : il constitue l'acte de décès de cinquante années de massification de l'enseignement secondaire en France et, par la même occasion, il enterre les espoirs de démocratisation dont cette époque avait été porteuse.

Rapport Thélot : logique de renoncement

Les zélateurs et les auteurs du rapport Thélot le présentent volontiers comme le seul moyen, la dernière chance d'affirmer une ambition pour l'école, de sauver le collège unique et d'aller vers « la réussite de tous les élèves » face aux assauts conjugués de tous ceux, conservateurs ou « républicains » défenseurs proclamés de - l'élitisme, pour lesquels notre système éducatif serait victime, non d'une insuffisance, mais d'un excès de démocratisation.

Education Inc.

Voici le texte complet de la contribution de Nico Hirtt à la Table Ronde organisée par la coordination D'autres Mondes, le 6 mars 2004 à Liège, sur le thème : "Où en est-on avec la marchandisation de l'enseignement ?". Vous pouvez lire le compte rendu cette table Ronde en cliquant ici

Cahier des Assises de l’Education Nationale

Réformes Lang, Allègre, Ferry … toujours le même diagnostic que « l'école va mal », « qu'il faut que cela change » ; toujours...

Résister à l’AGCS, se garder de Bologne

Voici le texte d'une conférence faite par Nico Hirtt, devant la Commission de la Culture du Parlement euopéen, à l'invitation de Mme Christa Prets (groupe socialiste, Autriche), dans le cadre d'un débat sur "L'AGCS et la défense de l'identité culturelle".

Notre enseignement en mutation

Depuis quelques années, l'enseignement est en changement continu. Les législatures précédente et actuelle ont vu l'instauration des socles de compétence, les modifications des programmes et des horaires de plusieurs disciplines, la mise en adéquation (toujours en cours) des programmes de l'enseignement technique et professionnel avec les demandes des industriels, la modification de la formation initiale des enseignants. Tout cela part évidemment de « bons sentiments » : mettre l'enseignement en adéquation avec la société dans laquelle il est plongé. Ces nombreux changements, il va falloir les digérer, ce qui demande une stabilité de l'enseignement.
Mais cette stabilité est-elle concevable ? L'enseignement ne serait-il pas, de par sa fonction même, en déséquilibre permanent ? En effet, l'enseignement d'aujourd'hui n'a-t-il pas pour but de former les jeunes, de les rendre aptes à vivre dans la société future ? Laquelle sera nécessairement différente de la société actuelle.

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