Les vautours du coronavirus 7, centres commerciaux… et scolaires !

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Les supermarchés français deviendront-ils des centres scolaires ?

Le groupe immobilier Ceetrus, filiale d’Auchan, organisait en tout cas cet été des ateliers pédagogiques dans ses centres commerciaux, avec la bénédiction du ministère de l’Education nationale.

Au supermarché, les parents poussent le charriot. Pendant ce temps, les enfants tentent de rattraper le retard scolaire pris pendant le confinement. Voilà l’idée de base du dispositif « Aushopping Campus ». « Plus de 25 000 élèves pourront en bénéficier gratuitement », explique le directeur d’exploitation des sites commerciaux chez Ceetrus. Une cinquantaine d’entre eux sont dès lors mobilisés. Avec la bénédiction du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, sous le label « Vacances apprenantes ».

Concrètement, du 20 juillet au 29 août, le dispositif se déployait en trois volets. D’abord, la distribution gratuite, en partenariat avec le célèbre éditeur scolaire Hatier, de cahiers de vacances (téléchargés sur le site des centres commerciaux du groupe Auchan, ou retirés sur place en version papier). Mais surtout des ateliers de soutien scolaire, eux aussi gratuits, organisés à l’intérieur même des galeries commerciales. Chaque atelier dure deux heures, avec un effectif maximum de 9 élèves. Tous les niveaux, du primaire au lycée, sont potentiellement concernés, et les matières dispensées sont le français, les mathématiques, l’anglais et les sciences. Enfin, une dictée nationale devait clore le dispositif fin août.

Pour le groupe, même si aucun bilan chiffré de l’opération n’est pour le moment disponible, « c’est clairement un succès, qualitatif et quantitatif. Les personnes qui bénéficient du dispositif sont très contentes », et on a déjà « envie de renouveler l’opération » les prochaines années.

Alors, on dit « merci, Auchan » ?

Pas si vite… Porte-parole du Snes-FSU (premier syndicat du secondaire), Sophie Vénétitay craint « une confusion des lieux qui entraîne une confusion des genres entre activités marchandes et activités éducatives ».

Ceetrus explique que l’idée est née directement de certains travailleurs de l’entreprise, « qui ont eu à gérer leurs propres enfants pendant le confinement et se sont dit qu’enseigner, c’est bien un métier ». Le groupe ne cache par ailleurs pas que la démarche participe d’une stratégie qui consiste à « transformer le centre commercial en lieu de vie » où, en plus des achats, on peut aussi se livrer à des activités de loisir, accéder à des services médicaux, se loger et donc… suivre des activités pédagogiques. Ces ateliers sont donc bien une sorte de produit d’appel, une « tête de gondole », dont la véritable finalité demeure d’amener le client à dépenser son argent dans les magasins du centre commercial. Ceetrus met encore en avant le fait que l’opération est entièrement autofinancée et qu’aucun argent public n’a été sollicité. Attention ! Le dispositif « Vacances apprenantes » ouvre des possibilités de financement. Faute de réponse du ministère, on ignore si la qualification des intervenants – « des professeurs ou des étudiants », affirme-t-on sans plus de précisions du côté de Ceetrus – est soumise à une quelconque exigence, ni si des contrôles ou une évaluation sont prévus. Pour Sophie Vénétitay, cette initiative est surtout « révélatrice de la volonté de Jean-Michel Blanquer, déjà constatée à travers le dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme), d’externaliser une partie des matières du système éducatif ». Avec le risque d’en faire un cheval de Troie pour faire entrer des acteurs privés commerciaux dans l’Education nationale.

Source : l’Humanité, août 2020