Jean-Michel Blanquer : sous le vernis, le projet de société

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Visiblement, L’émission politique du jeudi 15 février sur France 2 s’inscrit dans le plan de communication du gouvernement français. Pour parer à la perte de popularité du duo de l’exécutif et faire oublier autant que faire se peut les innombrables gaffes à répétition des députés de la majorité de La République en marche, c’est Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation, présenté comme le plus efficace et le plus consensuel, qui fut envoyé en mission.

Ce fut bien un exercice fait sur mesure pour le macronisme : un véritable havre de paix fut proposé au ministre de l’Éducation nationale, avec des conversations apaisées et apaisantes. A l’exact opposé des traquenards tendus précédemment à Jean-Luc Mélenchon. Mais hélas, même dans les mondes les plus idylliques, il arrive qu’un grain de sable vienne gâcher la fête. Il survint en la personne du député de La France Insoumise, Alexis Corbière. Il donna lieu au seul moment de tension de toute l’émission qui donnait jusqu’alors l’impression d’une gentille discussion entre « gens de bonne compagnie ».

L’intrusion d’Alexis Corbière fournit l’occasion de voir le vernis du ministre Blanquer craqueler : il n’est pas si lisse que la communication officielle ne s’évertue à le faire croire. Quelques unes des impostures pourtant soigneusement masquées furent alors dévoilées. Toutes ont trait à la réalité du projet de société porté par le ministre.

L’école n’est en effet pas une question neutre ou dépolitisée qui se gérerait en « bon père de famille patelin ». Nous considérons en effet que les politiques éducatives résultent d’un projet de société qui en indique les principes et les orientations. L’école de la République est bien une question politique et idéologique, au sens noble des termes. Jean-Michel Blanquer le sait pertinemment, mais se refuse à l’admettre et à l’assumer, en bon soldat de la cause du macronisme. Et surtout en bon libéral : gardons présent à l’esprit que le libéralisme agit en idéologie (la plus dogmatique qui soit) de la fin des idéologies…

Austérité, gestion managériale, individualisation…

Cette stratégie de diversion relève de la logique pour un ministre défendant en fin de compte une vision politique particulière de l’école, celle de l’oligarchie et du Medef. Il est d’abord issu de cette caste avec les responsabilités qui furent les siennes au sein du ministère de l’Éducation nationale de l’ère Sarkozy : son passé finit par le rattraper. Sa vision de l’école est en adéquation avec le projet de société qu’il défend : austérité, gestion managériale, individualisation, sélection sur critères sociaux, marchandisation et territorialisation sont à l’ordre du jour.

La gestion de la proposition d’Alexis Corbière sur la question des cantines scolaires est à cet égard révélatrice. Il semble dans un premier temps agréer à la proposition de gratuité des cantines scolaires (une déclinaison du fameux « et en même temps » ?). Elle tendrait à améliorer de manière significative la situation pour de nombreux élèves et familles : l’homme « pragmatique de bon sens » ne peut s’y opposer frontalement. Mais très vite le dogmatisme de son logiciel de classe le rappelle immédiatement à l’ordre. La situation lui fait craindre une sorte de « nationalisation » des cantines scolaires ! Horreur ! La mesure doit être combattue avec la plus vive des énergies : la lutte contre les inégalités sociales passera après…

Le ton se modifie alors en conséquence, se fait cassant, usant de l’argument d’autorité. La tension qui s’installe devient palpable. Elle érode l’image consensuelle tant travaillée. Le vernis craque. Jean-Michel Blanquer s’en rend compte. Mais pris dans la nasse, il ne peut s’en extraire sur le moment. Il exprimera en toute fin d’émission des regrets pour avoir été trop clivant dans son face-à-face avec Alexis Corbière.

Dans la suite de l’émission qui fait office de débriefing, le journaliste François Lenglet vendra la mèche. Restant sur sa faim, il regrette que le ministre soit resté trop en dedans dans l’explicitation du projet de société qui sous-tend sa politique. Cet aveu témoigne de l’importance du projet de société pour agir sur l’école. Mais pour qui a su écailler le vernis du ministre, le projet de société pouvait se deviner aisément. La prestation d’Alexis Corbière y a contribué, au grand dam de Jean-Michel Blanquer. Contre son gré, il a donné au moins donné la réponse à deux questions essentielles : « Camarade Blanquer, qui es-tu ? D’où parles-tu ? »

Contre l’école de l’austérité au service des intérêts de l’oligarchie, portons résolument l’école de la 6° République au service du peuple ! Et assumons les uns comme les autres notre projet de société…